[Panorama] Top 30 des ports à conteneurs : Tanger Med émerge parmi les vingt premiers mondiaux

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L’avenir portuaire se débrouillera très bien sans des représentants occidentaux. Il en prend de plus en plus le chemin. Le classement des 30 premiers ports mondiaux établi par Alphaliner est ultra dominé par les ports asiatiques. Les Européens et Américains s'effacent un peu plus tandis que les effets de relocalisation en dehors de la Chine se matérialisent par une poussée des ports voisins.

L’avenir portuaire se débrouillera très bien sans des représentants occidentaux. Il en prend le chemin. Chaque année, la cassure est plus nette. Le classement des 30 premiers ports mondiaux établi par Alphaliner en fait une nouvelle démonstration.

Sur les 30 locomotives portuaires mondiales, 11 opèrent en Chine et si on élargit la focale à l’ensemble de la région asiatique, ils sont 23, avec la Corée du Sud (Busan), la Malaisie dont les ports Port Kelang et Tanjung Pelepas sont des concurrents de plus en plus redoutables en Asie du Sud-Est, la Thaïlande (Laem Chabang), Taïwan (Kaohsiung), Singapour, l'Inde (Mundra et Nhava Sheva), le Sri Lanka (Columbo), l’Indonésie (Jakarta) et le Vietnam Ho Chi Minh et Cai Mep profitant à plein des effets de la relocalisation en proximité de la Chine.

Cette exclusivité asiatique laisse peu de place aux représentants d'autres continents, en l’occurrence, les deux ports jumeaux aux portes d’entrée américaines (Los Angeles/Long Beach ; New York/New Jersey), les trois Européens de la range nord (Rotterdam, Anvers Bruges, Hambourg), et deux au Maghreb et Moyen Orient avec Tanger Med et Jebel Ali.

Tanger Med dans le Top 20

Mais au sein de ce cercle fermé, les destins ne sont pas du tout les mêmes. Tanger Med poursuit son irrésistible montée en puissance, enclenchée il y a quelques années (+ 79,4 % entre 2019 et 2023), et réalise en 2023 une percée dans le Top 20, passant du 22e au 19e rang à la faveur d’une progression de près de 14 % avec ses 8,6 MEVP. C’est dire que le port marocain occupe 95 % de sa capacité nominale. L’autorité portuaire marocaine aura atteint ses objectifs avec quatre ans d'avance.

Après 5 ans, Dubaï (Jebel Ali) revient dans le Top 10, mais non à la faveur de sa croissance, qui est faible (+ 3,6 %, 14,47 %), mais aux dépens de Hong Kong, qui n'en finit plus de dévisser, accusant sa septième année consécutive de baisse de ses volumes.

Le port chinois offre à ce classement un facteur de stabilité : la déchéance lente d’une ancienne étoile mondiale, qui aura perdu un tiers de son trafic de conteneurs au cours de la dernière décennie.

Gagnants et perdants

Ils ne sont pas si nombreux, parmi les 30 premiers, à afficher de spectaculaires croissances : Cai Mep (+ 49,5 % depuis 2019), qui s’installe ainsi dans le Top 30, Mundra (+ 52,8 %) et Qingdao (+ 42,8 %).

Les autres du bloc Ouest sont tous en repli : ce sont d’ailleurs les seuls à voir leurs trafics se replier, à deux exceptions près (le taïwanais Kaohsiung, - 7,7 % et Hong Kong, -14 %) et pas dans des proportions moindres, entre - 7 % (pour les Européens) et entre – 13 et – 18 % pour les Américains.

Retour à la normale sur les deux côtes américaines

Outre-Atlantique, seul Los Angeles/Long Beach maintient son rang (9e mondial avec 16,6 MEVP). Une performance puisque son trafic s’est replié de 12,6 % en 2023. Mais l’effet de base joue à plein puisque la porte d’entrée ouest-américaine avait été porté par le boom inédit de la consommation durant la pandémie.

L’an dernier, le premier port américain pour les importations conteneurisées avait été en outre pénalisé par des perturbations sociales, les négociations pour établir un nouveau contrat de travail des dockers ayant été longues et âpres.

Son pendant sur la côte Est, New York/New Jersey, qui avait profité de ses absences, les chargeurs ayant revu leur logistique pour éviter LA/LB, est revenu à la normale et voit son espoir de passer le cap des 10 MEVP se volatiliser alors qu’il avait frôlé la performance l’an dernier. Il perd logiquement son avantage, acquis dans des conditions anormales : soit quatre places (pour rétrograder au numéro 21), un trafic en baisse de 17,7 %, à 9,5 MEVP.

Cette année devrait être difficile. Il est lui-même rattrapé par l'échéance des contrats encadrant le travail des employés portuaires.

Passe difficile pour les ports européens

Pour les ports européens, ce fut une nouvelle année à la peine, pénalisés par des consommateurs refroidis par l’inflation notamment. Les trois leaders ont chacun perdu encore deux places en 2023 : Rotterdam n’est plus le 11e port mondial mais le 13e (- 7 %, à 13,4 MEVP), payant sa dépendance aux importations russes qui se sont évaporées.

Anvers-Bruges, bien qu’ayant fusionné avec Zeebrugge dont Cosco a fait un hub, est poussé vers le 15e rang (- 7,2 %, à 12,5 MEVP) mais sa part de marché dans le range nord-Européen Hambourg-Le Havre a légèrement progressé (+ 0,3 %) pour atteindre 29,9 %.

L’an dernier, il a fait mieux qu’en 2019. Et ses résultats du premier trimestre 2024 témoignent d’une éclaircie avec une hausse de son trafic de conteneurs de 8,6 % en tonnes et de 6 % en EVP (3,28 MEVP) par rapport au premier trimestre 2023, soit se meilleurs résultats depuis 2021.

Hambourg a, lui, disparu du cercle des 20 chefs de file portuaires (- 6,9 %, à 7,7 MEVP) pour se loger au 22e rang.

Les ports français, eux, ne figurent pas dans ce classement. Le premier d'entre eux pour les conteneurs, Le Havre, se situe du côté du 80e rang mondial.

Les ports nord-européens reflètent à la fois le recul du commerce conteneurisé intra-européen (- 8 % en 2023) et celles des exportations à l’international (- 6 %), à l’exact opposé des importations (+ 5 %).

La Chine, un fait établi

La Chine s’impose encore et toujours. Ce sont ses exportations conteneurisées qui ont encore tiré les volumes conteneurisés en 2023 comme en 2022. C’est elle aussi qui a maintenu la demande mondiale de transport de conteneurs dans la sphère positive.

Les onze premiers ports chinois ont totalisé 237,2 MEVP, avalant la moitié des EVP contre 49 % en 2022. Une donnée à mettre en perspective avec les 33,64 MEVP traités par les trois têtes de pont européens et les 24,45 MEVP des chefs de file américains. Toutefois, avec une croissance moyenne de 1,7 % en 2023, on est loin de l’insolence des années avant Covid.

Huit ports chinois parmi les dix premiers

Shanghaï reste le leader incontesté depuis plus d’une décennie. Mais 2023 ne lui aura pas permis de franchir les 50 MEVP dont il s’approche pourtant avec 49,1 MEVP, porté par ses quelque 4 points de croissance. Il distance toujours de 10 MEVP son challenger, l’ex-numéro un mondial, Singapour (39,01 MEVP, + 4,6 %), .

L’écart de ce dernier avec le port chinois de Ningbo-Zhoushan reste ténu bien que stable (de 4 MEVP) mais sa croissance est plus robuste (+ 5,9 % avec 35,3 MEVP).  Implanté au sud de Shanghai, Ningbo profite du rayonnement de ce dernier. Depuis 2019, il s’est distingué par une progression de plus de 30 %.

Mais il est talonné sérieusement par Qingdao, avec lequel il n’y a plus guère que 5 MEVP de différence contre 8 MEVP en 2022. L’icône de la province du Shandong, à l'est de la Chine, supplante Shenzhen (- 0,5 %, 29,88 MEVP). Et c’est la seule permutation parmi les astres chinois.

Deux météorites

À nouveau, comme en 2022, parmi les ports chinois, ce ne sont pas les blockbusters qui réalisent les meilleures performances mais les « petits ports qui montent », à l’image de Qinzhou (+ 14,8 %, 6,2 MEVP), qui fait son entrée parmi les 30 premiers (du 31 au 27e rang), chassant le port est-américain Savannah.

L’ancien port de pêcheurs du Guangxi, au sud de la Chine, est devenu en trois décennies un terminal à conteneurs automatisé avec des services intermodaux mer-rail (Asie-Europe). Le port est désormais connecté via une soixantaine de lignes à 393 ports de 119 pays. Il est, avec Cai Mep (Vietnam), l'un des deux ports à réaliser une percée inédite dans le top 30 en 2023.
L’autre météorite est Lianyungang (+ 27,9 % depuis 2019 et + 9,5 % en 2023) avec ses 6,1 MEVP.

L'Inde, future Chine

« La croissance chinoise ne devrait pas être aussi robuste en 2024, la demande occidentale s'étant affaiblie au quatrième trimestre, bien que les exportations vers la Russie restent fortes », indique Alphaliner.

C’est l’Inde qui, en Asie, se distingue actuellement par les taux de croissance les plus incédents pour les économies à l'Ouest. Ses ports témoignent de sa dynamique. L’an dernier, Mundra, qui a gagné deux places au détriment de Colombo et de Jakarta, est la tête de série indienne (7,2 MEVP), loin devant son challenger, Nhava Sheva (6,3 MEVP).

Il y a désormais près d’1 MEVP d’écart entre les deux infrastructures, soit le double de 2022, le second ayant connu en 2023 une croissance deux fois moins forte (+ 6,6 %).

Effet notable du China + 1

En une décennie, l'Asie a tout raflé, les volumes transportés sur les plus grandes lignes, les plus fortes croissances, les commandes de navires, les meilleurs degrés de connectivité portuaires et de performance dans la manutention des marchandises, rappelle la Cnuced dans une de ses dernières publications.

La Chine sert depuis des années de centre de fabrication mondial, mais le rôle des pays voisins d'Asie de l'Est, qui fournissent des pièces et des composants, est de plus en plus notable. Cette nouvelle logique « China + 1 » fait écho à la stratégie de certaines entreprises, surtout de grands détaillants américains, de s’affranchir de leur dépendance à la Chine.

Ainsi Apple, Samsung, Sony et Adidas ont déplacé certaines activités de fabrication vers l'Asie du Sud-Est en raison du coût de la main-d'œuvre et de considérations liées à la gestion des risques.

La part des importations américaines de conteneurs en provenance du Vietnam est passée de 4 à 8 % entre 2017 et 2022, et celle de l'Inde de 3 à 5 %. En revanche, dans le même temps, le poids de la Chine dans le fret conteneurisé américain a perdu 9 %.

Vaste mouvement de démondialisation

La tendance devrait s'accentuer. La relocalisation est une « lame de fond » qui va s'accélérer dans les années à venir, indique une étude que vient de publier Capgemini.

Selon cette enquête, pour laquelle le cabinet conseil a sondé (en février) 1 300 cadres dirigeants de groupes industriels européens réalisant plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires annuel, le montant global des investissements prévus par les entreprises de 13 secteurs industriels de 11 pays pour renforcer leur capacité de production, soit à domicile (reshoring), soit dans un pays voisin (nearshoring), s’établit à 3 400 Md$ pour les trois prochaines années (février 2024-février 2027).

Maîtriser et sécuriser la supply chain est la première raison invoquée devant les tensions géopolitiques et la contrainte réglementaire, celle de décarboner.

Adeline Descamps

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