TotalEnergies, Shell, Equinor, ExxonMobile, Chevron : des profits proches des 200 Md$ en 2022

Les compagnies du pétrole et du gaz ont profité à plein des effets en cascade de la guerre en Ukraine qui se sont matérialisés par une flambée des prix des hydrocarbures tandis que la fermeture des gazoducs russes a engendré une course au GNL de par le monde. Coûte que coûte.

Pour les grandes compagnies européennes de l’énergie, l’agenda de la publication des résultats annuels suit un ordre protocolaire comme pour les transporteurs maritimes. La danoise Maersk ouvre la route, Hapag-Lloyd s’inscrit dans son sillage avant la Française CMA CGM. Dans l’énergie, Shell ouvre le bal avant BP, et vient ensuite le géant tricolore du pétrole et du gaz TotalEnergies, souvent en même temps que la novégienne Equinor.

Dans le trio de tête des grandes majors pétrolières européennes, qui ont pourtant toutes provisionné des pertes comptables en raison du retrait de leurs activités en Russie (15 Md$ pour le groupe français l’an dernier), l’ année 2022 fut d’un excellent cru. A fortiori pour les deux grands acteurs dans le GNL, Shell et TotalEnergies, qui ont bénéficié des effets en cascade de la guerre en Ukraine : l’arrêt des livraisons de gaz de la Russie aux pays européens en représailles aux sanctions occidentales frappant le Kremlin. 

L’ex-anglo-néerlandaise, devenue Britannique, a annoncé il y a quelques jours des bénéfices records de près de 40 Md$ en 2022, soit plus du double de ceux de l'année dernière, et environ 17 milliards de plus qu'en 2014, lorsque les prix du Brent étaient similaires. Shell a vendu 66 Mt de GNL en 2022 alors que les volumes de liquéfaction ont diminué de 4 % par rapport à l'année précédente (29,68 Mt en 2022), reflétant la sortie de Sakhaline ainsi que la maintenance plus longue que prévu à Prelude et des problèmes opérationnels sur d’autres actifs, notamment en Australie.

20,5 Md$ de bénéfices, moitié moins que Shell

TotalEnergies a publié à son tour le 8 février un bénéfice net historique, mais néanmoins de moitié de celui de Shell, de 20,5 Md$ pour l'année 2022, l'un des meilleurs exercices de l'histoire du CAC40. Sans les pertes comptables liées à son désengagement progressif de Russie, le bénéfice net ajusté de l'entreprise, mesure-étalon qui exclut les éléments exceptionnels, s'élève à 36,2 Md$.

Comme ses concurrentes américaines et britanniques, la compagnie française a été portée par la flambée des prix du gaz et les cours du pétrole, exacerbée par la guerre en Ukraine, qui a provoqué la fermeture des gazoducs russes et une course au GNL, aux méthaniers et aux FSRU (unité flottante de regazéification et de stockage), ces terminaux d’importation flottants du GNL. Le groupe français est notamment partie prenante du terminal de Lubmin, en Allemagne, qui vient d’être inauguré, et à la manœuvre de celui qui sera mis en service au Havre. 

Pour rappel, il est prévu que TotalEnergies mette à disposition pendant une durée de cinq ans le FSRU Cape Ann, d’une capacité de regazéification de 45 TWh par an tandis que GRTgaz assurera la construction d’une canalisation de 3,4 km pour le raccordement au réseau de transport gaz. Le méthanier, d’une capacité de 145 130 m3 et naviguant sous pavillon norvégien, sera amarré en juin au quai de Bougainville Sud, en continuité de l’actuel terminal roulier, pour une mise en service en septembre.

Au quatrième trimestre, le groupe a particulièrement profité « de la hausse de ses ventes de GNL (+ 22 %) », indique le PDG du groupe Patrick Pouyanné cité dans un communiqué.

Compte tenu de ses résultats annuels, TotalEnergies va gratifier ses actionnaires d'un dividende total de 3,81 € par action au titre de l'année 2022, dont 1€ en dividende exceptionnel, déjà versé en décembre 2022.

BP : perte nette de 2,5 Md$

Dans le trio de tête, BP n’est pas tout à fait logé à la même enseigne. La major Britannique est tombée dans le rouge l'an dernier avec une perte nette de 2,5 Md$, pénalisée par une importante charge reflétant la sortie de Rosneft après l'invasion russe de l'Ukraine.

Le groupe pétrolier BP avait ouvert les parapluies le 27 février, trois jours après l’invasion de l’Ukraine par Russie, en annonçant son intention de céder sa participation de 19,75 % dans le capital du deuxième producteur russe de pétrole et de se retirer de Russie où il est présent depuis 30 ans. BP était le le deuxième actionnaire de Rosneft après l'État russe. Sa participation était valorisée à 14 Md$ fin 2021.

Cette affaire pèse fortement sur ses résultats, représentant une charge de plus de 24 Md$ dans son compte de résultats annuels. Son bénéfice hors éléments exceptionnels, indicateur le plus suivi par les marchés, a plus que doublé sur un an à 27,7 milliards, dopé comme les autres majors pétrolières par les cours élevés des hydrocarbures. Néanmoins, les redistributions aux actionnaires ont dépassé 14 Md$ pour 2022.

BP prévoit une augmentation « disciplinée » des investissements jusqu'en 2030, « jusqu'à 8 Md$ » dans les énergies à bas carbone et du même niveau dans le pétrole et gaz, soit une augmentation des dépenses envisagées entre 14 et 18 Md$ jusqu'en 2030, contre 14 à 16 milliards prévus auparavant.

Ces nouvelles cibles d'investissement devraient augmenter le résultat d'exploitation de 3 Md$ en 2025 et de 5 à 6 Md$ en 2030, dont les deux tiers encore liés aux hydrocarbures, détaille le communiqué. Le groupe s'attend cependant à ce que sa production de pétrole et gaz en 2030 atteigne environ 2 millions de barils-équivalent par jour (Mb/j), soit 25 % de moins qu'en 2019.

Equinor : 28,7 Md$

La saga financière se répète. Le géant norvégien de l'énergie Equinor a publié le 8 février des résultats record pour 2022 grâce à la flambée des cours, qui vont régaler ses actionnaires auxquels il va redistribuer 17 Md$ sous forme de dividendes et de rachat d'actions. Le bénéfice net a plus que triplé l'an dernier pour atteindre 28,7 Md$, le prix du gaz ayant couvert le repli de la production de 2 % (2,04 Mb/j).

Equinor a d’autant plus profité de la recherche coûte que coûte du gaz qu’il est le premier fournisseur du Vieux Continent. « En 2022, nous avons répondu à la crise énergétique et contribué à la sécurité d'approvisionnement », a fait valoir le directeur général, Anders Opedal, dans un communiqué. Le bénéfice net ajusté s'est élevé à 22,7 Md$ contre 10 milliards en 2021 pour un chiffre d'affaires en augmentation de 66 %, à 150,8 Md$. Le Norvégien entend investir entre 10 et 11 Md$ en 2023, notamment pour accroître sa production d'hydrocarbures de 3 %.

ExxonMobile et Chevron, plus de 92 Md$ à elles deux

Aussi spectaculaires soient-ils, ces résultats n’égalent pas ceux des Texanes ExxonMobile (55,7 Md$) et Chevron (36,5 Md$), dont les profits ont déclenché une volée de bois vert du président Biden dans son récent discours sur l’État de l’Union.

Le président démocrate a le sens du timing. L’an dernier, il avait, dans le cadre du même exercice, réservé son coup de sang entre la 35e et la 40e minute aux compagnies maritimes dans un long monologue à perdre haleine. « Je suis un capitaliste mais sans compétition, ce n’est pas du capitalisme mais de l’exploitation et cela fait augmenter les prix. Quand les sociétés ne sont pas en concurrence, les prix augmentent. Les petites entreprises et les agriculteurs américains sont alors en difficulté. Regardez ce qui se passe avec les transporteurs maritimes. Pendant la pandémie, les prix ont augmenté de plus de 1 000 %. Ils ont réalisé des profits gigantesques. Ce soir, j’annonce que nous allons sévir contre les compagnies qui pratiquent une tarification abusive et excessive ».

200 Md$ en consolidé 

La suite est connue : des transporteurs visés par une enquête du Congrès, une réforme de la législation sur le transport maritime et les pouvoirs renforcés de l’autorité de régulation du secteur FMC, qui a assigné les compagnies à rembourser aux chargeurs des sommes importantes en raison de tarifications abusives des frais de détention et de surestaries.

Consolidés, les géants du pétrole, qui se comptent sur les doigts de deux mains, devraient avoir engrangé plus de 200 milliards de profits en 2022. Autant que les compagnies maritimes pour ainsi dire.

Adeline Descamps

 

[ACTUALISATION AU 16 février] Bénéfices doublés pour Repsol

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