« Le projet de canal Seine-Nord Europe a enregistré d’importantes avancées, ces derniers mois », a salué Philippe Marini, président de l’Association Seine-Nord Europe (ASNE), en introduction de l’assemblée générale annuelle, le 24 mai à Paris. Il s’agit de la création de la société de projet du canal Seine-Nord Europe (SNE) par ordonnance fin avril qui « concrétise la volonté du gouvernement de réaliser cette liaison ». Il en va de même de la commission d’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique (DUP) des modifications du tracé du canal SNE, qui a remis un rapport avec avis favorable en janvier. L’objectif d’obtention de la DUP est fixé à début 2017 pour un démarrage des travaux la même année et une mise en service du canal en 2023. Pour Philippe Marini, « Seine-Nord Europe va apporter des emplois, de l’activité et de la compétitivité économique, de l’attractivité au niveau des territoires et de la nation grâce à des investissements publics majeurs, notamment avec les plates-formes dont l’installation est prévue le long du canal ». Il a également précisé le rôle futur de l’ASNE dans la nouvelle phase du projet qui s’annonce avec la démarche Grand chantier, la mise en construction du canal dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage public, et la poursuite du travail de mobilisation des acteurs économiques et politiques (voir encadré). Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des Transports, a indiqué que la priorité était de « finaliser le plan de financement entre les collectivités territoriales et l’État » d’ici l’été (voir JMM n° 5033). Il a assuré n’avoir « aucun doute sur l’aboutissement des négociations en cours à un accord équilibré, même si, pour l’instant, l’Ile-de-France n’est pas encore au rendez-vous ». Alain Vidalies a signalé que « des actions importantes [étaient] prévues sur le réseau actuel pour permettre le plein effet du canal lors de sa mise en service ». Il s’agit notamment de travaux sur le canal Condé-Pommerœul et sur la Lys mitoyenne, ainsi que la mise au gabarit européen de l’Oise (Mageo).
Favoriser des solutions pragmatiques
Une table ronde sur le thème « quelle prise en compte des enjeux territoriaux dans la réalisation de la liaison fluviale européenne Seine-Nord Europe/ Seine-Escaut? » a permis à plusieurs élus de s’exprimer. Gérald Darmanin, vice-président délégué aux transports, aux infrastructures de transport, au tourisme et à la communication de la Région Hauts-de-France, a confirmé « l’engagement financier, politique, économique du nouvel exécutif régional par rapport au projet, dans la suite des années précédentes ». Pour lui, « Seine-Nord Europe est le projet phare et symbolique de la nouvelle identité régionale ». Il s’est déclaré « très interrogatif sur la position réservée de l’Ile-de-France » et a appelé à « d’amicales pressions auprès de la présidente de cette région et de ses équipes pour les convaincre de s’engager dans le financement du projet ». Il a souligné l’importance des plates-formes prévues le long du canal « qui sont à inventer en fonction des initiatives et des besoins locaux ». Il a annoncé que la région prévoyait de travailler à partir de septembre 2016 sur les modèles économiques et de gouvernance des futures plates-formes multimodales. Il a rappelé que pour Dunkerque, Calais ou Boulogne, « Seine-Nord Europe ne [devait] pas seulement favoriser les ports belges ». Jérôme Bignon, sénateur de la Somme, parlementaire en mission sur le devenir du port de Dunkerque en lien avec les territoires du nord du pays, a souligné que le « Grand port maritime de Dunkerque devrait bénéficier de l’ouverture de Seine-Nord Europe, en complément des ports normands ». Il a évoqué quelques pistes de réflexion comme celle de la gouvernance pour les ambitions logistiques dans la Région Hauts-de-France, la possibilité pour les collectivités de préempter des zones foncières d’intérêt logistique, ou la nécessité d’engager une coopération avec des partenaires belges. Valérie Fourneyron, députée de Seine-Maritime, parlementaire en mission sur le devenir des ports du Havre et de Rouen en lien avec l’axe Seine, a mis en avant « la recherche de solutions pragmatiques pour améliorer la compétitivité de l’axe Seine dans la perspective de la mise en service de Seine-Nord Europe ». Pour elle, le constat est simple: « Les trafics ne sont pas au rendez-vous actuellement. Les enjeux sont donc importants, notamment en termes d’infrastructures, de réglementation, de qualité de service, de suivi des marchandises. » Elle a expliqué qu’il fallait « avancer sur une ligne ferroviaire de contournement de l’Ile-de-France pour le fret, indispensable pour les ports de Rouen et du Havre ». Elle a relevé que « ce sujet [restait] en suspens aujourd’hui compte tenu de la position de l’Ile-de-France ». Elle a souligné « le caractère tout aussi indispensable pour Le Havre et Rouen » de la mise en œuvre du projet Mageo et de la mise au grand gabarit de la Seine amont entre Bray et Nogent. Elle a indiqué que la plate-forme multimodale du Havre devait « fonctionner le mieux possible ». Pour Valérie Fourneyron et Philippe Marini, « ces projets régionaux s’inscrivent dans le cadre du développement économique national ».
Mobiliser tous les acteurs
Rémi Pauvros, député du Nord et ancien parlementaire en mission sur le projet, a rappelé que « l’état d’esprit est d’associer tous les acteurs concernés par Seine-Nord Europe », notamment les collectivités territoriales, non seulement du point de vue du financement mais aussi du point de vue du développement économique et de la création d’emplois. Pour lui, il faut convaincre l’Ile-de-France de s’associer au projet comme un partenaire complet et pas seulement financier: « Il faut partager avec cette région l’intérêt du canal d’un point de vue économique et environnemental. » Didier Desnus, vice-président de la CCI de l’Essonne et représentant du président de la CCIR de Paris-Ile-de-France, a garanti que « les milieux économiques franciliens [soutenaient] la réalisation du canal, y compris auprès du nouvel exécutif régional, et vont continuer en ce sens ». Pour lui, SNE « est complémentaire de l’axe Seine et permet à la Région d’avoir une double entrée sur ses façades Nord et Ouest ». Au-delà du nécessaire bouclage du financement, il a réclamé « un calendrier précis car les acteurs économiques ont besoin de visibilité à court, moyen et long terme sur ce projet européen, national, interrégional et donc francilien en raison de ses intérêts multiples pour la Région Ile-de-France ».
Deux dispositifs pour accompagner les prochaines étapes du projet
Lors de son assemblée générale, le 24 mai, l’Association Seine-Nord Europe (ASNE) a détaillé son rôle pour l’avenir dans la poursuite de son engagement depuis 1995 en faveur de la liaison à grand gabarit Seine-Nord/Seine Escaut reliant le bassin parisien au réseau fluvial du Nord-Ouest européen par la construction d’un canal de 106 km entre Janville, au nord de Compiègne, et Aubencheul-au-Bac, près de Cambrai. Philippe Marini, président de l’ASNE, a souligné que les membres de l’association – collectivités territoriales, organismes socioprofessionnels, chambres consulaires, personnalités – « restaient mobilisés pour faire avancer le projet » et « pourraient œuvrer utilement aux réflexions du comité stratégique » qui va être placé auprès de la société de projet. Plus concrètement, l’ASNE va mettre en place deux dispositifs pour favoriser l’inscription du projet au cœur des territoires. Le premier est un « club des villes, établissements publics, chambres consulaires et intercommunalité Seine-Nord/Seine-Escaut ». Ce club va permettre des échanges et des retours d’expérience sur les impacts territoriaux du canal et de son chantier, sur ses perspectives économiques, sur les initiatives les plus innovantes en lien avec le projet, etc. Le deuxième dispositif est un « intergroupe parlementaire ». Celui-ci regroupera des élus de France et d’autres nations européennes qui s’intéressent au projet pour partager des informations ou des prises de position et les associer aux futures étapes clés. Pour Philippe Marini, « l’objectif est de constituer une véritable task-force parlementaire qui saura faire preuve de pro-activité et de vigilance quant au bon avancement du projet ». Une vingtaine de parlementaires seraient déjà prêts à adhérer à cet intergroupe.