Intégré au groupe Eurotunnel, spécialiste avant tout du fer plus que du maritime, Europorte avait remporté en 2014 l’appel à candidatures lancé par le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) pour l’exploitation du terminal portuaire du Verdon, à l’arrêt depuis février 2013. L’objectif? Créer un grand hub conteneurs à la pointe du Médoc agrégeant les trafics actuels de Bassens des armateurs MSC et CMA CGM, assurer des liaisons ferroviaires vers la métropole, et monter en puissance avec des chiffres de trafic potentiel annoncés au départ à plus de 100 000 EVP par an. Investi sur la partie ferroviaire – Europorte avait annoncé le recrutement de 12 agents au sol et conducteurs et l’achat de deux locomotives neuves (8 M€) –, le nouvel exploitant semble désormais faire machine arrière. Il a procédé fin mai à la résiliation de ses contrats avec le GPMB et la SMPA (Société de manutention portuaire d’Aquitaine), estimant que cette dernière n’avait pas tenu ses engagements ni réuni les conditions pour lancer le projet.
La SMPA se dit pourtant « prête »
Annoncée initialement pour l’automne 2015, la relance du terminal du Verdon n’a de fait cessé d’être ajournée. Suite à la réception de l’outillage (portiques et cavaliers) en novembre, de nombreux obstacles se sont dressés: négociations sur les conditions d’emplois du personnel manutentionnaire, certification de l’outillage, organisation de la formation de ce personnel sur les nouveaux engins, accord puis volte-face sur la question de création d’un groupement d’employeurs. Autant de péripéties et d’étapes qui pourtant désormais seraient franchies, selon la communauté portuaire bordelaise, abasourdie et perplexe face à la décision de résiliation d’Europorte. « Tout est prêt », assure ainsi Laurent Goutard, d.g. adjoint de la SMPA, société créée en 2015 par Pascal Reyne pour assurer la partie manutention maritime au Verdon. « Nous avons investi 10 M€ pour équiper le terminal en portiques et cavaliers, recruté, obtenu l’accord des syndicats sur les conditions d’employabilité, organisé la formation des dockers qui est bientôt terminée avec des équipes d’ores et déjà opérationnelles. Le trafic peut démarrer », liste Laurent Goutard qui estime que la SMPA a rempli « tous ses engagements » et qui précise bien que « sur le volet économique, nos tarifs n’ont pas varié ».
Un projet pas assez rentable?
La rentabilité du projet est peut-être l’un des nœuds du problème. Dans la communauté portuaire bordelaise, on s’étonne en effet, à ce stade du projet, de l’absence de démarches commerciales de la part d’Europorte ou de la non-tenue d’un comité de pilotage avec les compagnies et les transitaires. En réunion avec le Port de Bordeaux, fin mai, l’un des co-présidents de l’Union maritime et portuaire de Bordeaux (UMPB), Julien Bas, surpris qu’une note ne soit pas remise sur les offres commerciales proposées aux compagnies, a ainsi souligné que « le nerf de la guerre, c’est l’économie et la compétitivité ». Précisant que, dès le départ, l’UMPB avait pointé des études de marché selon eux « gonflées », il a rappelé combien ce projet a été « voulu » par le Port de Bordeaux. « Or, un projet se personnalise en fonction des attentes du terrain et non par une incantation sur des plaquettes glacées. »
À la SMPA, la même crainte prévaut. « Nous sommes en effet inquiets depuis trois mois de voir l’absence de démarches commerciales et du silence d’Europorte, alors que notre société a investi lourdement et doit supporter des charges », confie Laurent Goutard, dont la société SMPA a, de fait, début mai, assigné Europorte devant le tribunal de commerce pour la mise en œuvre des contrats de manutention.
À la demande de la députée du Médoc, Pascale Got, et d’élus locaux, un médiateur devrait être nommé par le ministère des Transports.