Le transport maritime dans les eaux stratégiques de la mer Rouge et le golfe d'Aden a été la cible de nouvelles attaques ces dernières heures en dépit des solutions apportées par des blocs de pays sous différentes formes et dont les missions se télescopent. L'ensemble donne une impression de série fragmentée d'opérations navales.
Dernière réponse en date, l'Union européenne a lancé sa propre mission de patrouille et de surveillance maritime, qui se limite à ce stade à une annonce.
Le golfe d'Aden, le détroit et la mer Rouge font l'objet d'une surveillance internationale qui ne date pas du réveil des Houthis* dans la région, le 14 novembre, sous la forme d'une provocation – « nous coulerons vos navires » –, suivi d’un passage à l’acte le 19 novembre avec l’attaque du Galaxy Leader. Le porte-voiture et le vraquier Ruen sont à ce jour les seuls avec arraisonnement et prise d’otage de l’équipage.
Surveillance internationale depuis des années
Le golfe d'Aden, le détroit et la mer Rouge font l'objet d'une surveillance internationale depuis des années, notamment avec la présence d’une coalition navale internationale de 39 pays, connue sous le nom de « Task Force 153 », commandée par le vice-amiral de la cinquième flotte américaine, basée à Bahreïn.
L'International Maritime Security Construct (IMSC), coalition navale constituée de 11 pays, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Arabie saoudite, a été créée en 2019 pour assurer la libre navigation dans les eaux du Golfe, théâtre de tensions permanentes. Washington et Téhéran se sont mutuellement accusés ces dernières années d'une série d'incidents, attaques et saisies de navires.
Avec les nouvelles attaques des Houthis, l’administration américaine, qui y a renforcé son dispositif militaire en stationnant notamment les portes avions USS Gerald R. Ford et USS Dwight D. Eisenhower, a d’abord manœuvré pour obtenir une réponse internationale sur le plan de la sécurité maritime mais sans prendre des mesures unilatérales contre les forces houthies.
Des opérations qui se superposent
Dans ce cadre a été lancée mi-décembre l'opération « Prosperity Guardian », force multinationale de protection maritime en mer Rouge, sorte de version élargie de la Task Force 153.
Mi-janvier, les Etats-Unis ont arraché au conseil de sécurité de l’ONU un vote exigeant l’arrêt immédiat des attaques en mer rouge. Certains y ont vu un blanc-seing au principe d'une réponse armée internationale à la menace croissante en mer Rouge.
Quelques jours plus tard, les forces navales américaines et britanniques pilonnaient (frappes aériennes et navales) des positions terrestres détenues par les Houthis. Depuis les belligérants sont embarqués dans des représailles sans fin. S'il y avait quelques espoirs, avec deux ou trois frappes stratégiques bien menées, de contraindre des adversaires dits « rebelles » (ils restent des acteurs armés non étatiques), ils se sont volatilisés.
Les différentes interventions n’ont toujours pas fait dérailler la milice soutenue par l’Iran et les navires marchands restent au cœur des affrontements, certains d'entre eux considérés comme des « cibles légitimes » pour leurs liens supposés avec les intérêts israéliens, américains et britanniques. Or les données des Houthis sur les propriétés ne semblent pas tout à fait à jour.
La création par l’Union européenne de son dispositif de sécurisation des navires marchands, baptisé Aspides », s'inscrit dans ce contexte et ressemble à s'y méprendre à l’opération Prosperity Guardian. « L'Europe va assurer la liberté de navigation en mer Rouge, en coordination avec nos partenaires internationaux », a toutefois assuré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Une bataille politique durement gagnée.
Lancée officiellement le 19 février lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangers des États membres, le bouclier européen, selon sa traduction du grec ancien, bénéficie d'ores et déjà de l'engagement de la Belgique, de l'Italie, de l'Allemagne et la France mais pas de l'Espagne. Paris est du reste déjà très présent dans la zone avec deux frégates et un patrouilleur, dont l'Alsace dépêchée en janvier. Mais quant à son financement, ses ressources et sa capacité à durer dans le temps, rien n'a filtré.
Les attaques se multiplient
Pendant ce temps, les attaques aux missiles s'enchâssent. Le dimanche 18 février, au sud d'Al Mukha, au Yémen, le Rubymar a été endommagé, obligeant l'équipage (sain et sauf) à abandonner le navire, selon l’agence britannique de sécurité maritime (UKMTO).
L’incident a été revendiqué par un porte-parole du groupe Houthi dès le lendemain. Sous pavillon du Belize, le vraquier, appartenant à des intérêts britanniques et exploité par une société libanaise, a manifestement subi des dommages considérables et présente un risque d’échouage dans le golfe d'Aden.
Les insurgés ont par ailleurs indiqué avoir visé « deux navires américains » au moyen de « plusieurs missiles ». Il s’agirait du Sea Champion et du Navis Fortuna. Le premier est un vraquier dont la propriété est grecque (Sea Champion Marine), le second appartient à la société américaine Maritime Atlantic Spirit.
Des inquiétudes pour le canal de Suez
La situation inquiète le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qui s'en est ouvert auprès d'un public de compagnies pétrolières au cours d’une conférence qui se tenait le 19 février. Le chef d'’État égyptien a indiqué que les revenus du canal de Suez avaient diminué de moitié depuis le début des attaques des rebelles yéménites houthis. Il confirme indirectement les données délivrées par l'ONU, qui faisait état d’une baisse des volumes de 42 % ces deux derniers mois.
Le nombre hebdomadaire de transits de porte-conteneurs a chuté de 67 % sur une base annuelle. Le trafic des pétroliers et des vraquiers est moins impacté jusqu'à présent, en baisse de 18 % et 6 % respectivement.
Adeline Descamps
* la milice armée par l'Iran contrôle la zone depuis 2014, y compris la capitale Sanaa.
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