Mer Rouge : les houthis réintégrés dans la liste des organisations terroristes, les attaques s'intensifient

Genco Picardy

Les Houthis se sont attaqués par deux fois au vraquier américain Genco Picardy. Le navire a été touché par un drone sur son côté bâbord. Il a pu reprende sa route avec l'aide de la marine indienne.

Crédit photo ©Indian Navy
Avec les frappes massives de la coalition menée par les forces américaines et britanniques, le 12 janvier a marqué une rupture dans la stratégie « Prosperity Guardian » de protection de la navigation marchande. La milice houthie, qui redouble dans ses attaques, vient d'être à nouveau classée parmi les organisations terroristes.

La mer Rouge a sa propre échelle de temps. La rapidité et l’ampleur des mouvements, manœuvres et événements sont telles que la semaine n’a pas la même mesure. Les jours sont des heures, les heures, des secondes.

Depuis que les forces américaines et britanniques ont lancé des frappes massives contre des sites militaires et infrastructures détenus par les Houthis, avec le soutien (non opérationnel) de l'Australie, de Bahreïn, du Canada et des Pays-Bas (sans la France qui défend la voie diplomatique, ni l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Égypte, puissances régionales), les événements se sont déchaînés.

Le 12 janvier, qui a marqué une rupture dans la stratégie « Opération Prosperity Guardian » de protection de la navigation marchande, fait passer « un message clair », a justifié le président américain Biden. « Les États-Unis et leurs partenaires ne toléreront pas les attaques contre leurs personnels et ne permettront pas que la liberté de navigation sur cette route maritime essentielle soit mise en péril ».

Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a évoqué pour sa part une « action limitée, nécessaire et proportionnée dans le cadre de la légitime défense ».

Extension du domaine de la lutte

Non seulement, la milice alignée sur l’Iran, soutenue par le Hezbollah libanais et se revendiquant solidaire du Hamas palestinien, ne s'est pas laissé intimidée par les raids aériens et les multiples frappes américaines qui ont suivi, mais elle a aussi élargi son champ d'action, affiné ses cibles (bâtiments de guerre américains et britanniques et bases militaires américano-britanniques) et accru la portée géographique de la zone de danger (Golfe d’Aden) de façon à contraindre leurs adversaires à éparpiller leurs (faibles) moyens sur plusieurs « terrains ».

Témoignant de cette détermination quasiment acharnée, ils se sont attaqués par deux fois au vraquier américain Genco Picardy, immatriculé dans les îles Marshall, et opéré par l’armateur Genco Shipping & Trading.

Le navire, qui transitait dans le golfe d'Aden, a d’abord été touché, au cours d'une attaque nocturne le 17 janvier, sur son côté bâbord et sur la passerelle, puis dans la journée suivante par une nouvelle frappe aux drones, dont l'un a explosé à 800 m du navire.

Le vraquier, qui a subi des dommages mineurs mais sans blessés, a repris sa route avec l'aide de la marine indienne vers le port de Tuticorin, en Inde.

Le Chem Ranger, un chimiquier américain de 26 000 tpl, également sous pavillon Ile Marshall, mais géré commercialement par un exploitant grec, était en transit de Djeddah (Arabie Saoudite) vers le Koweït quand il a essuyé le tir de deux missiles perdus (sans toucher le navire).

34 attaques selon le Centcom, 40 selon Atalanta

Vendredi 19 janvier, en fin de journée, le centre de commandement américain (Centcom) a fait état d'une sixième frappe sur une position houthie tandis que selon les informations diffusées à chaque attaque, il y aurait eu 34 navires marchands pris dans le feu des rebelles de Sanaa.

La mission de l'UE dans la région, Atalanta indique que 40 navires marchands au total ont été ciblés jusqu’à présent (le 18 décembre) tout en rappelant ses préconisations, partagées par les associations d’armateurs depuis le 19 novembre : transit de nuit dans le sud de la mer Rouge afin d'éviter les skiffs, limite la présence des marins sur le pont de navigation, multiplier les exercices de secours pour vérifier les équipements de sécurité avant d’entreprendre la traversée de la zone, et surtout « rester à bonne distance de Bab-el-Mandeb », a rappelé l’association représentant les armateurs de pétroliers Intertanko, ajoutant avec un optimisme apparent que « la période de menace pour la navigation devrait durer plusieurs jours ».

30e et 31e incidents

À vrai dire la démonstration de forces américano-britanniques est intervenue aux termes d’une autre semaine (celle du 8 janvier) émaillée de multiples incidents contre des navires.

Les vraquiers grec Zografia et américain Gibraltar Eagle avaient alors été identifiés comme les 30e et 31e incidents observés depuis la mi-novembre. À 24 heures d’intervalle.

Immatriculé à Malte, le Zografia (56 894 tpl) a été touché au nord-ouest du Yémen, en mer Rouge. Parti de Chine, transitant par le Vietnam et le Sri Lanka, il a opéré une escale en Israël. C'est la raison de son attaque, soutient la société de sécurité maritime Ambrey. Selon les rapports, le navire a subi des dommages mineurs dans la zone de chargement mais les 24 membres de l'équipage étaient indemnes.

Le Gibraltar Eagle, armé par la compagnie cotée à New York Eagle Bulk, battant pavillon des Îles Marshall, a été touché par un missile balistique antinavire, selon le Centcom.

L’armateur a confirmé dans un communiqué que son navire, qui transportait des produits sidérurgiques, avait été touché par un projectile non identifié à environ 100 milles au large du golfe d'Aden. « Il a subi des dommages limités à une cale, mais il est stable et se dirige hors de la zone. Aucun marin n'a été blessé », avait-il précisé.

Les Houthis sur la liste des organisations terroristes

Point d’acmé des tensions, les États-Unis ont réintégré les Houthis dans la liste des organisations terroristes. Ils l’avaient été sous la présidence de Donald Trump, en fin de mandat, avant que son successeur, Joe Biden, revienne sur cette décision en 2021 pour des raisons humanitaires.

« Cette désignation est un outil important pour empêcher le financement du terrorisme par les Houthis, restreindre davantage leur accès aux marchés financiers et les tenir responsables de leurs actions », mentionne le communiqué du conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan.

La décision prendra effet dans 30 jours afin de permettre la mise en place de mesures humanitaires appropriées, précise la déclaration. « Les expéditions commerciales vers les ports yéménites, dont le peuple dépend pour son approvisionnement en nourriture, en médicaments et en carburant, doivent se poursuivre et ne sont pas couvertes par nos sanctions. Cela s'ajoute aux exemptions que nous prévoyons dans tous les programmes de sanctions pour les denrées alimentaires, les médicaments et l'aide humanitaire ».

L'administration maritime américaine a réitéré sa mise en garde, étendant sa recommandation d'éviter la région d'un avertissement initial de 72 heures à une période allant jusqu'au 5 février.

Adeline Descamps

 

La crise en mer Rouge percutée par les différends entre l'Iran et les États-Unis

Quatre pétroliers et deux compagnies maritimes ont été ajoutés à la liste noire de l'Office américain de contrôle des avoirs étrangers (Office of Foreign Assets Control, OFAC, sous la tutelle du Trésor américain). « Les États-Unis continuent de prendre des mesures contre les réseaux financiers iraniens illicites qui financent les Houthis et facilitent leurs attaques », a déclaré le sous-secrétaire au Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier Brian E. Nelson dans un communiqué.

D'après les renseignements américains, les deux sociétés – Global Tech Marine Services, basée aux Émirats arabes unis, et Cielo Maritime, à Hong Kong –, expédiaient des marchandises pour le compte d'un facilitateur houthi, Sa'id al-Jamal, lui-même sanctionné en 2021.

Cielo possède et gère le suezmax Mehle, battant pavillon panaméen. Global Tech gère et exploite le pétrolier LR Sincere 02, immatriculé au Panama, l'aframax Fortune Galaxy (IMO : 9257010) ainsi que le panamax Molecule sous drapeau camerounais. Le pétrole serait d'origine iranienne.

Cette décision intervient alors que l'Iran a saisi le St Nikolas, un pétrolier qui était au centre d'un litige d'un an et qui a finalement conduit les États-Unis à confisquer sa cargaison de 1 million de barils de pétrole brut iranien.

La rédaction

 

 

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