Brittany Ferries peine en Manche mais performe sur les lignes longues

Brittany ferries a publié le 3 novembre ses résultats pour la saison 2022, qui s’est clôturé en octobre. Alors que les longues routes (Royaume-Uni/Espagne, France/Irlande) sont en plein essor, le transmanche est toujours en difficulté. Avec le risque d’une concurrence qui pourrait vite devenir intenable. 

Les années d’après covid et post-Brexit se révèlent toujours difficiles pour la compagnie bretonne, qui a publié le 3 novembre ses résultats de la saison 2022, soit entre novembre 2021 et octobre 2022. Le volume fret vers le Royaume-Uni n’a pas retrouvé les niveaux de 2019, affichant une baisse de 27 % (115 376 unités transportées) sur les liaisons entre la France et la Grande-Bretagne et de 22 % (28 618 unités) entre la Grande-Bretagne et l’Espagne. « La compagnie reste préoccupée par une baisse de la demande fret depuis et vers le Royaume-Uni », indique le communiqué de l’entreprise.

Quant aux passagers, les flux sont en baisse de 35 % avec 1,22 million de personnes ayant transité en Manche. En cause, « la réouverture des frontières françaises à la mi-janvier 2022 qui a fortement impacté les projets de vacances des Britanniques » et l’obligation du passeport pour les voyageurs européens se rendant au Royaume-Uni, justifie la direction de Brittany Ferries.

Agitations et instabilité outre-Manche

Depuis le 31 décembre 2020, à minuit, date à laquelle le Royaume-Uni est sorti du marché unique et de l’union douanière, qui a mis un terme à quatre ans d’un intense feuilleton de négociations, les entreprises qui font encore affaire avec le Royaume-Uni ont dû composer avec les soubresauts de l’ex-enfant terrible de l’Europe : entre agitations en Irlande (démission de la Première ministre d’Irlande du Nord, tensions dans l’application du protocole nord-irlandais) ; manifestations des pêcheurs vent debout contre le quotas ; victoire des indépendantistes écossais et du camp nationaliste en Irlande du Nord aux élections locales britanniques ; procédures d’infraction de Bruxelles contre Londres ; démissions en cascade au Royaume-Uni (Boris Johnson, pilier des Brexiters, Liz Truss après 44 jours d’exercice, militante de la rupture unilatérale d’une partie de l’accord conclu avec l’UE) ; inflation record qui a déclenché une série de grèves outre-Manche…

Brittany Ferries construit progressivement son arc Atlantique

Réussite sur le long-courrier et le pari de l’arc atlantique

« Dans le contexte du Brexit et des facteurs conjoncturels qui y sont liés, Brittany Ferries veut maintenir une alternative viable aux lignes courtes opérées sur le détroit pour les opérateurs fret », réaffirme son engagement la compagnie bretonne, dont l’ancienneté sur le marché lui permet de capitaliser sur les opportunités nées des crises. 

La sortie du Royaume-Uni de l’UE, devenant ainsi un pays tiers, a ouvert la voie aux routes maritimes directes vers l'Irlande, pour éviter le transit par le Royaume-Uni, si bien que sur les lignes France-Irlande, les volumes ont été multipliés par 6 avec 9 587 unités transportées.

Même effet depuis la péninsule ibérique : la liaison Irlande-Espagne enregistre une hausse de 172 %, avec un volume de 13 644 unités. Sur ce marché, l’accélération de la tendance vers le fret non accompagné, qui représente désormais 45 % de l'activité, est net.  

L’activité passagers profite également de l’effet d’aubaine. Les volumes de passagers sur les liaisons Royaume-Uni/Espagne sont en hausse de 9 % pour atteindre 320 364 passagers, « permettant à Brittany Ferries d'enregistrer une performance financière positive », souligne l’entreprise dans son communiqué. Les résultats financiers, qui devraient être publiés à l'issue de l'assemblée générale en mars 2023, devrait acter un chiffre d’affaires de 420 M€ et un retour à la rentabilité après deux années de pertes. Les lignes longues n’y sont pas étrangères.

 « Alors que les longues routes sont en plein essor, la Manche est une préoccupation majeure pour la Compagnie. Pour aider à la reprise du marché transmanche, une action concertée des acteurs touristiques en France et au Royaume-Uni est indispensable », estime Christophe Mathieu, le directeur général de Brittany Ferries.

 

Brittany Ferries prépare l'après GNL

Promesse tenue sur le pavillon français

Le Salamanca, premier navire au GNL livré, qui sera suivi du Santoña et de deux autres navires hybrides GNL-électriques est, depuis le 17 janvier, l'un des neuf navires à naviguer sous pavillon tricolore. La compagnie de Roscoff s’était engagée, lorsqu'elle a lancé la première ligne directe reliant l'Irlande à l'Espagne en 2018, à ce que les navires opérant sur cette ligne soient sous le premier registre du pavillon français si la période d'essai s'avérait concluante.

Depuis le 2 novembre, le nouveau fleuron de la compagnie s’est substitué au Connemara, restitué à son propriétaire, le suédois Stena Ro-Ro. Le Salamanca effectuera deux liaisons hebdomadaires entre Rosslare et Bilbao et une traversée reliant Rosslare à Cherbourg.

Transmanche : unité française face au dumping social

Concurrence débridée en Manche

Sur un plan plus politique, le président du conseil de surveillance de Brittany ferries, Jean-Marc Roué ne lâche rien. Dans une lettre ouverte adressée le 5 octobre au secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, il a alerté une fois de plus quant à la concurrence débridée qui s’exerce sur les liaisons entre la France et la Grande-Bretagne.

« Le dumping social reste un véritable problème pour le secteur des ferries, avec des marins travaillant dans des conditions sociales déplorables sur les lignes courtes du transmanche. Moralement et économiquement, nous ne pouvons tolérer cela. J'ai demandé au ministre de la Mer, Hervé Berville, de prendre le sujet à bras le corps et de garantir la protection sociale des marins dans le secteur du ferry », indique l’ex-président d’Armateurs de France, attendant des « annonces » du gouvernement français « lors des Assises de l'Économie de la Mer » qui se tiennent cette semaine à Lille. Hervé Berville a rencontré à ce sujet le 26 octobre les armateurs (Brittany Ferries, DFDS) et les organisations syndicales au siège d’Armateurs de France.

Calais-Douvres : Irish ferries débarque, DFDS et P&O Ferries s'allient

Sans règles

La concurrence s’est exacerbée ces derniers mois sur le détroit avec l’arrivée d’Irish ferries dont les navires sous pavillon chypriote n’emploient aucun marin européen tandis que le licenciement sans préavis de tous les marins britanniques chez P&O Ferries, immédiatement remplacés par des extra-communautaires, a choqué au-delà des frontières du pays. 

« Elles peuvent désormais pratiquer une guerre compétitive des prix sur le transmanche, en faisant payer le prix fort aux marins qu’elles emploient dans des conditions sociales et salariales indignes », indique encore Jean-Marc Roué dans son courrier. « Devons-nous attendre que ce dumping social et fiscal s’étende de Dunkerque à Brest pour réagir ? Devons-nous attendre la disparition du Pavillon français sur le transmanche pour se poser les bonnes questions ? ».

Adeline Descamps

 

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