L'UE ouvre un nouveau front sur le transport maritime vert

 

Alors que l'intégration du transport maritime dans le système d’échanges de quotas d’émissions de l’UE suscite inquiétudes et interrogations, la Commission européenne sort un nouveau rapport sur les transports verts. Le maritime y est central.

Quelle productivité. La mandature du nouvel exécutif européen ne pourra pas être taxée de procrastination. Sous la présidence verte de Ursula von der Leyen, il enchaîne les rapports, démultiplie les initiatives, ordonnance des mesures, cadence les trente prochaines années qui doivent mener le vieux continent sinon au « zéro émission » du moins à la neutralité carbone. Avec un cap intermédiaire : réduire d'au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre. Représentant jusqu'à un quart du total des émissions de gaz à effet de serre l'UE, le secteur des transports, encore très « accro » aux énergies fossiles, est stratégique pour atteindre ces objectifs de sobriété énergétique. Le maritime, bien que se revendiquant plus vert que la route et l’air, y aura une partition à jouer. 

Comportant 111 mesures organisées en 10 « flagship », le rapport (Sustainable and Smart Mobility Strategy – putting European transport on track for the future), rendu public le 9 décembre par la Commission européenne, réserve au transport par la mer une place de choix. Il détaille les politiques que l’administration de Bruxelles entend mettre en oeuvre pour donner à ses États membres les moyens de mettre leurs transports en ordre de marche climatique. Avec une première ligne de crête en 2030-2035.

À cette date, les routes européennes devront être empruntés par 30 millions de véhicules à émissions nulles, les déplacements collectifs de moins de 500 km être neutres en carbone, les navires et les avions à zéro émission prêts à être mis sur le marché et/ou commercialisés. « La combinaison des mesures politiques définies dans cette stratégie peut permettre de réduire de 90 % les émissions du secteur des transports d'ici 2050, assure le rapport.

Le « Green deal » pourrait faire payer le carbone au transport maritime

130 Md€ par an

Pour satisfaire cette grande « écologisation de la mobilité », les investissements pour 2021-2030 dans les véhicules (y compris matériels roulants, navires et avions) et le déploiement d'infrastructures pour les carburants renouvelables et à faible teneur en carbone sont estimés à 130 Md€ par an. Pour achever le réseau central du RTE-T et en faire un système véritablement multimodal, 300 Md€ seont nécessaires au cours des dix prochaines années, ont estimé les équipes de la nouvelle présidence.

L'Union entend donc créer un environnement réglementaire et fiscal favorable, notamment par des politiques adéquates de tarification du carbone et de recherche et d'innovation (R&I), en particulier par des cofinancements dans le cadre des différents programmes existants : Horizon Europe (tels que Zero Emission Waterborne Transport, Clean Aviation et Clean Hydrogen).

Un nouveau dispositif FuelEU Maritime

La Commission ne nie pas la complexité pour le transport maritime « en raison de l'absence actuelle de technologies à zéro émission prêtes à être commercialisées, du temps de développement, du cycle de vie des navires, des investissements importants requis dans les équipements et les infrastructures de ravitaillement en carburantn et de la vive concurrence internationale », relève le rapport.

Pour que ces secteurs aient un accès prioritaire à des carburants renouvelables et à faible teneur en carbone, l’Europe planche sur un nouveau dispositif baptisé FuelEU Maritime. En outre, elle entend stimuler l'offre et le déploiement des carburants les plus prometteurs et développer des normes ambitieuses de conception et d’exploitation de navires, « en travaillant en étroite collaboration avec l'Organisation maritime internationale (OMI) ».

Les ports, hubs énergétiques

Les ports n’échappent pas à cette révolution culturelle : ils doivent devenir des centres de mobilité et de transport multimodaux. Il est également attendu qu’ils soient non seulement autosuffisants mais s’affirment en tant que nouveaux centres d'énergie propre. Une voie que certains ont empruntée.

« La Commission proposera des mesures pour rendre nos aéroports et nos ports propres, en encourageant le déploiement de carburants renouvelables et à faible teneur en carbone et en alimentant les navires et les avions stationnés avec des énergies propres, en encourageant le développement et l'utilisation de nouveaux avions et navires plus propres et plus silencieux, en révisant les redevances aéroportuaires, en rendant plus écologiques les mouvements au sol dans les aéroports ainsi que les services et les opérations portuaires, en optimisant les escales et en recourant plus largement à la gestion intelligente du trafic. » 

Il est aussi question de la mise en place de vastes zones de contrôle des émissions « dans toutes les eaux de l'UE ». Les travaux sur la Méditerranée sont bien enclenchés alors que ceux pour la mer Noire vont être lancés.

La Corée du Sud et le Japon en première ligne

Enfin, sans surprise, la Commission et le Parlement semblent déterminés à intégrer les navires faisant escale dans les ports de l'UE dans le système d'échange de quotas d'émission (SCEQE) alors que la proposition de révision devrait être dévoilée en juin 2021. Dans le cadre de l'analyse d'impact en cours, « les exonérations fiscales actuelles sont examinées attentivement et des propositions sur la meilleure façon de combler les lacunes éventuelles en 2021 seront proposées », précisent les auteurs du document.

Depuis juillet dernier, date à laquelle le Parlement s’est prononcé en faveur de l’intégration du transport maritime dans le SCEQE, les antis s’organisent. Parmi les dernières réactions en date, celles du Japon et la Corée du Sud, qui ont jugé l’initiative contreproductive dans la mesure où elle pouvait « saper les progrès de la décarbonation du transport maritime sur la scène mondiale, provoquer une distorsion du marché et même ne pas réduire les émissions ». Ces arguments, qui avaient été présentées il y a quelques mois déjà par des associations d’armateurs, ont un certain succès auprès des opposants.

La Corée du Sud a indiqué par ailleurs que 154 navires exploités par 22 de ses compagnies maritimes faisaient régulièrement escale dans les ports européens et qu’ils devraient ainsi s’acquitter d’environ 100 M$ en quotas d'émission. Avec la Chine, qui a également rejoint le camp des « antis », la Corée du Sud et le Japon représentent les trois principaux constructeurs mondiaux de navires. Une donnée que ne manqueront pas d’avoir en tête les législateurs européens.

Un consensus à trouver 

La Commission européenne laisse entendre pour l’instant qu'elle prévoit d'étendre le SCEQE au moins aux voyages intracommunautaires, en laissant ouverte la possibilité que ne soient pas concernés les voyages à destination et en provenance de ports non communautaires. Une disposition qui pourrait fédérer chez les armateurs.

Maersk et CMA CGM, grand promoteur du GNL, œuvrent de leur côté à assouplir les règles du marché carbone, proposant notamment à la Commission d'attribuer des quotas d'émission gratuits en se fondant sur des critères d'évaluation qui récompenseraient les flottes les plus vertueuses. À n’en pas douter, le lobbying est bien actif. 

Adeline Descamps

 

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