Un fonds de 5 Md$ pour décarboner le transport maritime

 

Huit des principales associations internationales d'armateurs sont prêtes à mettre sur la table 5 Md$ pour alimenter un fonds de recherche sur les technologies et carburants décarbonés. Il serait abondé par les compagnies maritimes à raison d'une contribution obligatoire à la R&D de 2 $ par tonne de carburant. Ils détaillent leurs propositions dans un document. Modalités, gouvernance, financement...

C’est pour le moins inattendu. Huit des principales associations internationales d'armateurs – Bimco (exploitants et propriétaires de flotte représentant 65 % du tonnage mondial), Clia (compagnies de croisière) ICS (International chamber of shipping), Intercargo (armateurs de vrac sec), Interferry (armateurs ferries), Intertanko (armateurs pétroliers), International Parcel Tankers Association, et WSC (World Shipping Council) – se disent en mesure d'abonder un fonds de recherche de 5 Md$ pour développer des technologies et carburants décarbonés. L'objectif étant de parvenir à « sortir d’usines » des navires sans carbone d'ici le début des années 2030. Ce qui s’assimilerait à la quatrième révolution de la propulsion.

Il le faudrait si le secteur veut honorer les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) décidés par l'OMI, l’organisation internationale qui réglemente le secteur du transport maritime. Car outre le GNL qui ne répond pas à la problématique du CO2, générateurs des GES, les nouveaux systèmes de propulsion sans carbone, comme l'hydrogène, l'ammoniac, les piles à combustible, les batteries ou les biocarburants, n’existent pas à une échelle pouvant s'appliquer aux grands navires de commerce, actuellement tributaires des énergies fossiles.   

« Un effort d'une telle ampleur devrait permettre d'identifier une ou plusieurs voies techniques qui pourraient mener à l'introduction de navires à émissions nulles dans le secteur maritime d'ici 2030 », assure le document d’une trentaine de pages en support au lancement de cette initiative inédite jusqu’à preuve du contraire. « Cette proposition est simple, responsable et réalisable et nous espérons que les gouvernements soutiendront cette initiative audacieuse », a planté Esben Poulsson, président de la Chambre internationale de la marine marchande (ICS).

Soumission à l'OMI

Assigné par la stratégie de l’OMI, à diviser par deux d’ici 2050 les émissions de CO2, générateurs des gaz à effet de serre, par rapport au niveau de 2008, le secteur a été enjoint à présenter instamment les mesures de court terme pour y parvenir. Cette proposition en est une et elle a fait l’objet d’une soumission que l'OMI pourra examiner à l’occasion de la prochaine session du Comité de la protection du milieu marin (MEPC75) en mars 2020 en vue d'un « débat plus approfondi » lors du MEPC 76.

La soumission contient les modalités de gouvernance et de financement de l’initiative qui peut être actionnée d'ici 2023. « Il faudrait prévoir des amendements à la convention existante de l'OMI pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol) ou un autre mécanisme juridique », expliquent les porteurs de ce projet dans le document. Une façon « d'assurer des conditions de concurrence équitables et de maintenir le niveau de financement nécessaire pour la R&D ». Sans cela, ils estiment qu’il n'y aurait aucune garantie que les contributions le soient sur une base juste et équitable.

Mode de gouvernance

La proposition prévoit la création d'une structure de type ONG pour piloter et gérer un Conseil international de recherche et de développement maritimes (International Maritime Research and Development Board). Il serait composé d'un conseil d’administration pour la stratégie, d'un organe de surveillance émanant de l'OMI (plus précisément par le MEPC), d'une entité de R&D pour mener les programmes et d'un Fonds international de recherche maritime (FIRM), qui financerait les programmes pour le compte de l'industrie. Cet ensemble aura une durée dans le temps, de 10 à 15 ans, temps estimé pour atteindre les objectifs.

Les attentes, les objectifs de R&D, les modalités de fonctionnement, les procédures du conseil d'administration et du secrétariat seront formalisés dans une charte. Le Conseil d'administration serait composé de professionnels « ayant une expérience, entre autres, de la R&D, du transport maritime, de la construction navale, des carburants sans carbone, des politiques énergétiques environnementales »

Financement

Le FIRM serait abondé par les compagnies maritimes à raison d'une contribution obligatoire à la R&D de 2 $ par tonne de carburant, ce qui générerait un financement d'environ 5 Md$ sur une période de 10 ans. Une participation établie sur l'hypothèse d’une consommation totale, avant l'introduction de carburants sans carbone, d'au moins 250 Mt par an.

Le Conseil international de recherche et de développement maritimes pourrait exiger, de certains bénéficiaires des subventions, le versement d’un pourcentage comme condition d’octroi de la subvention. Cette condition aurait pour « vertu » d'élargir l’assiette des ressources financières. Les huit membres fondateurs espèrent en outre pouvoir embarquer d’autres parties prenantes afin d'accroître à la fois les compétences techniques et d'alimenter ses caisses. Ils mentionnent « des fournisseurs d'énergie, des fabricants de moteurs, des institutions spécialisées en R&D, et autres entités ayant une expertise en matière de technologies décarbonées »

Le versement des fonds serait automatisé. Le FIRM « pourra accumuler des intérêts en vue de financer les programmes ». Enfin, la lecture du document laisse à penser que les programmes de R&D se limiteraient à la « recherche appliquée » jusqu’à la mise au point de prototypes… le reste appartenant au marché.

Critiques 

L'annonce, largement relayée par la presse spécialisée et généraliste, a déjà provoqué des réactions, notamment chez les associations, telle Transport & Environment, poil à gratter du secteur, qui estime bien insuffisants les 5 Md$. L'ONG rappelle que la valeur de 2 $ par tonne de carburant est 42 fois inférieure aux prix actuels du CO2 en Europe.

Adeline Descamps

Proposition complète à consulter sur ce lien

 

 

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