Le financement mondial du shipping proche des 500 Md$

Selon Petrofin Research, auteur du baromètre de référence en matière de financement mondial des navires, l’ensemble des fonds accordés en 2021 ont approché les 500 Md$, dont 290 Md$ par les 40 premières banques mondiales. BNP Paribas reste le premier bailleur mondial tandis que le Crédit agricole occupe toujours le cinquième rang sans que leurs engagements financiers ne progressent. La part des banques européennes a encore diminué de près de 10 Md$. Les institutions asiatiques et australiennes affichent la seule croissance.

L’année 2020 avait marqué le « le début de la stabilisation des portefeuilles » après un « long déclin » dans le financement des navires. En 2021, les banques ont renoué un peu plus avec le risque maritime. Les prêts accordés au shipping par les 40 premières banques ont augmenté, passant de 286,9 à 290,12 Md$ en un an tandis que l’ensemble des fonds accordés – toutes formes confondues, prêts bancaires, leasing et autres –, frise les 500 Md$.

C’est la première hausse observée pour la première fois en onze ans. Il faut de surcroît la mettre en perspective avec les commandes des nouveaux navires dont le tonnage est tombé à 177 Mt à la fin de 2021 selon Clarksons (mais est remonté à 219 Mt au 30 juin). Depuis 2010, date à laquelle les montants alloués s’établissaient à 449,76 Md$, les financements au transport maritime se sont effilochés chaque année un peu plus à une ou deux exceptions près. L’année 2011 représente le meilleur cru, avec 454,89 Md$ injectés dans le développement du secteur.

Ascension des banques chinoises

L’an dernier, les circuits européens de financement ne sont pourtant pas revenus dans le jeu, amputant encore leur enveloppe de 10 Md$ pour s’établir à 157,22 Md$. Depuis 2010 (374 Md$), les crédits sont plus de deux fois moins conséquents. Alors que leur part dans le total mondial a encore perdu 4 points l’an dernier (de 58 à 54 % en un an), elles ont laissé le champ libre aux institutions asiatiques qui assurent en moyenne un tiers du financement du secteur depuis près d’une décennie.

En 2021, ces dernières ont encore vu leur influence s’accroître au point de représenter désormais près de 40 % du total mondial alloué. Elles sont en outre les seules à avoir accru leurs créances (+ 14 Md$ par rapport à 2020) pour s’élever à 114,75 Md$. Il y a encore dix ans, ce montant était de 87 Md$. Leurs représentantes occupent d’ailleurs les premières marches du podium à l’instar de China EXIM et Bank of China (aux 2e et 4e rang mondial) avec 18,5 Md$ (17,5 Md$ l’année précédente) pour la première et 17,15 Md$ (vs 15 Md$) pour la seconde. Le leasing chinois s’est aussi imposé dans le domaine du transport maritime, représentant un quart de l’enveloppe mondiale.  

En matière de financement au maritime, les banques américaines sont plus effacées (en lien avec l’état de leur pavillon ?), représentant un volume de 18,15 Md$ (en baisse) soit 6 % du portefeuille mondial.

Les 40 premières banques mondiales par la valeur des prêts accordés au financement du transport maritime (source : Petrofin Research)

Évasion des banques européennes

Les bénéfices mirobolants engrangés par les compagnies maritimes, plus familières des pertes, a fortiori en périodes difficiles durant lesquelles les compagnies maritimes ne peuvent pas compter sur l’effet favorable de la taxe au tonnage, n’ont eu que peu d’effet. Le secteur semble toujours faire figure de repoussoir et les arguments ne manquent pas.

Les armements en Europe demeurent des sociétés à capital familial pour lesquelles conditions d’octroi des prêts peuvent être plus exigeantes. D’autant que le niveau de l’apport en fonds propres n’a de cesse d’être relevé sous l’effet de l’entrée en application des accords de Bâle. Le navire est par essence un actif encombrant, coûteux et au rendement aléatoire, soumis aux embardées des taux de fret…Pour toutes ces raisons et bien d’autres, les Européens ont fini par déserter.

Le retraits des banques allemandes est le plus stupéfiant avec des montants alloués passés de 154 à 22 M$ entre 2010 et 2021. Les britanniques (- 37 Md$) et scandinaves (- 50 Md$) ont également drastiquement restreint leurs apports ou se sont désengagés totalement durant la dernière décennie. Ainsi de la DVB, Commerzbank, Deutsche Bank, DVB et Nord LB en Allemagne ou de la Royal Bank of Scotland et de la Lloyd’s Bank au Royaume-Uni.

Poids des grandes régions géographiques dans le financement mondial du transport maritime (source : Petrofin Research)

Les banques françaises en haut du classement mondial

Bien qu’en prenant également le large face au risque maritime en termes d’allocations, les établissements bancaires français ont maintenu leur présence. Elles avaient touché le fond en 2015 avec 23 M$ de prêts accordés avant de se redresser progressivement jusqu’à remonter à 38 et 36 M$ en 2020 et 2021 (Belgique incluse).

BNP Paribas (19,8 Md$ en 2021 vs 21,5 Md$ en 2020) et le Crédit agricole CIB (13,5 Md$, niveau stable) figurent parmi les six premiers bailleurs mondiaux. La première occupe le premier rang parmi les 40 banques référencées tandis que la seconde maintient sa 5e place, la société Générale pointe à la 17e place avec 7,5 Md$ (+ 500 M$) et le CIC à la 37e place, en perte de deux rangs bien que ses prêts aient augmenté également de 500 M$ pour s’établir à 2,5 Md$.  

Les helléniques très actives

Les banques grecques se distinguent en revanche par leur soutien continu (au pavillon national) et en hausse depuis 2017. Cette tendance s'est poursuivie en 2021, leurs portefeuilles ayant augmenté d’un peu plus de 14 % par rapport à 2020, année qui avait déjà consacré une forte progression de 19,76 %. Mais en valeur (12 Md$), leur influence reste plus faible que leurs homologues puissantes nord-européennes qui ont très longtemps fait figure de phares. Toutefois, la Grèce génère encore des vocations. Des banques relativement nouvelles comme Bank of Cyprus, Hellenic, Pareto, M&M bank, etc. se sont développées en 2021 et ont apporté une pluralité aux sources de financement bancaire disponibles. 

Pour 2022, les chercheurs de Petrofin Research restent prudents. « En raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, des prix élevés de l'énergie, des sanctions géographiques, de la hausse des taux d'intérêt, du ralentissement de la croissance mondiale et des craintes d'une récession imminente, les prêts bancaires en 2022 sont perturbés, la prudence prévalant parmi les banques », préviennent les auteurs du rapport. « Les fermetures et le ralentissement économique de la Chine surajoutent aux préoccupations et ont également un impact sur le leasing chinois », ajoutent-ils. Les jeux ne sont donc pas garantis pour cette année.

Adeline Descamps

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