Home Depot va exploiter son propre navire pour pallier le déficit d'approvisionnement

Jusqu’à présent, seuls quelques transitaires, à l’instar de DSV, Geodis, Bolloré s’y sont essayés. Une nouvelle ligne rouge vient d’être franchie. L'un des plus grands détaillants américains réserve un navire à son seul usage. Acmé d’une crise logistique mondiale qui contraint les chargeurs à user de toutes les stratégies pour remplir leurs rayons. En mode tramp. 

S’il fallait une démonstration supplémentaire de toutes les tensions qui s’exercent actuellement sur la plupart des routes maritimes mondiales – capacités limitées, difficulté des armateurs à tenir leurs engagements contractuels faute de navires et en raison d’une extrême congestion, services premium qui n’en sont plus, flambée des coûts de transport, longs délais d’approvisionnement, retards des navires – le cas de Home Depot remplirait fort bien cet usage.

L'un des plus grands détaillants américains traduit indirectement les inquiétudes que partagent sans doute bien des chargeurs, prêts à tout pour que leurs marchandises puissent embarquer. Et il est visiblement déterminé à mettre le prix pour remplir ses entrepôts et surtout ses rayons à l’approche de la haute saison, prélude aux fêtes de fin d’année.

Le « retailer » vient de réserver un navire à son seul usage alors qu’il est en principe lié aux compagnies maritimes par des contrats à long terme sur des volumes importants et à des taux préférentiels. Avec un parc de 2 300 magasins répartis sur le continent nord-américain, Home Depot est le troisième plus grand importateur outre-Atlantique en termes de volume de conteneurs maritimes, selon le classement annuel du Journal of Commerce. Derrière Walmart et Target et devant Lowe's et Ashley Furniture.

Ses ventes ont bondi de 30 % au premier trimestre, dopées par l’appétit vorace des Américains pour les articles de la maison. Chacun de ses magasins stocke environ 35 000 produits et plus d'un million d'articles sont répertoriés dans sa boutique en ligne, indique l’entreprise, qui pose ainsi les termes de son équation.

Première fois en 40 ans 

« Nous avons un navire qui nous appartiendra exclusivement et qui fera des allers-retours en se consacrant à 100 % à Home Depot », a déclaré Ted Decker, président et directeur de l'exploitation, lors d'une interview à un média américain CNBC, sans donner de détails sur la taille du porte-conteneurs, le transporteur auprès duquel il est affrété, la durée de l'affrètement voire les routes et par quels ports. Ce qui fait dire à certains que le « coup de bluff » vise à créer un électrochoc auprès de ses partenaires de transport. 

C'est la première fois en 40 ans d’histoire que la société prend une telle mesure. Le navire sous contrat, dont le premier voyage est prévu en juillet, n'est qu'un exemple des solutions de secours auquel le commerçant a eu recours pour pallier les déficits d'approvisionnement. Il indique avoir sollicité le fret aérien pour des articles de plus grande valeur ou plus petits, justifiant le surcoût d’un avion-cargo. Il s’est même fourni en articles à des coûts plus élevés sur le marché au comptant, quoi qu’il en coûte, alors que ses fournisseurs contractuels auraient dû lui assurer un volume et un prix négociés.

Atténuer le risque de ne pas avoir les stocks à temps

Les détaillants entrant dans la période de pointe, qui commence généralement en août, et les ratios stocks/ventes des détaillants historiquement bas ont sans doute contribué à le faire basculer en faveur de ces alternatives pourtant coûteuses.

Pour les importateurs/exportateurs, les difficultés logistiques actuelles des chaînes d’approvisionnement mondiales se traduisent par des ruptures de stock, de longs délais avant d’être réachalandés et des prix beaucoup plus élevés. Certains d’entre eux ont même pensé à diversifier leur sourcing de façon à éviter les lignes encombrées voire à anticiper grandement leurs achats pour atténuer le risque de ne pas avoir les stocks à temps.

En mode « tramp » 

Jusqu’à présent, seuls quelques transitaires à l’instar de Panalpina, DSV ou Geodis se sont employés à affréter de petits navires polyvalents disposant d’une capacité de 800 à 900 EVP. Dans un autre style, le transporteur intra asiatique China United Lines, qui a commencé par mettre en service un navire sur un service mensuel entre Asie et Europe pour répondre à un acteur de la grande distribution en panne de conteneurs et de navires, a fini par rendre son service Asie-Europe AEX bimensuel à partir de juin avec quatre navires. 

Les transitaires, qui y ont recours, ne l’envisagent que comme une solution temporaire ou de circonstance, en mode « tramp ». Les prix élevés du spot peuvent justifier aujourd’hui un tel investissement mais dans la perspective de la baisse des taux de fret, exploiter un navire est un non-sens. Ils ne pourront jamais obtenir la rentabilité d’un 20 000 EVP. Affréter un navire suppose en outre un contrat avec un terminal sans parler ensuite de l’organisation du transport sans couture entre mer et terre, ce que les transitaires savent du reste organiser mais pas les chargeurs. 

À quand un retour à l’horloge ?

C’est la question qui ronge tous ceux qui en sont privés aujourd’hui : à quand le retour à un vrai service de ligne car « un départ hebdomadaire retardé de 21 jours, cela ne s’appelle plus un transport de ligne ? », plaisante un professionnel.

Le consommateur pour sa part va devoir s’y préparer. Vu le prix du transport qui dépasse largement, avec les frais et charges, plus de 10 000 $ sur des lignes stratégiques pour l’approvisionnement du monde, il est étonnant qu’une partie de ce coût n’ait pas encore été répercuté sur le chaland. Un cadeau de Noël sans doute si d’aventure les articles sont en rayon. 

Adeline Descamps

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