Golfe de Guinée : six membres d'équipage enlevés après l'assaut du pétrolier Monjasa Reformer

Le Monjasa Reformer battant pavillon libérien a été abordé au sud-ouest de Pointe-Noire, au Congo, le 25 mars.

Crédit photo ©Préfecture maritime de l’Atlantique
Après une longue période d'accalmie dans le Golfe de Guinée, où la piraterie maritime s'est professionnalisée ces dernières années, un pétrolier a été la cible d'un assaut pendant lequel les agresseurs sont restés de façon inhabituelle à bord pendant cinq jours. C'est un patrouilleur de la marine française qui a localisé le navire.

Six des 16 membres de l'équipage du Monjasa Reformer sont actuellement retenus en otage après que le pétrolier (13 700 tpl) battant pavillon libérien a été abordé au sud-ouest de Pointe-Noire, au Congo le 25 mars, a indiqué le vendredi 31 mars le propriétaire du navire, que la base Equasis attribue à Monjasa Chartering DMCC depuis février 2023, un groupe (négoce de carburants marins, exploitation de terminaux pétroliers, transport maritime) fondé au Danemark mais basé aux Émirats arabes unis. C’est le gestionnaire du navire, Montec Ship Management, qui avait signalé l'incident survenu le 25 mars entre 22 et 23 h au Maritime Domain Awareness for Trade - Gulf of Guinea (MDAT-GoG), un centre de coopération entre les marines britannique et française visant à maintenir la sécurité dans le golfe de Guinée.

Une attaque localisée au sud du golfe, plus rare

L’Afrique de l’Ouest a ravi ces dernières années au détroit de Singapour son titre de zone la plus dangereuse au monde pour la piraterie maritime. Mais le sud avait été jusqu’à présent relativement épargné, les attaques se localisant davantage au large des côtes très sensibles du Nigeria et de plus en plus en haute mer. La piraterie s’est sophistiquée et professionnalisée ces dernières années, a fortiori dans le Golfe de Guinée.

Aucun blessé, aucun dommage au navire

Dans un communiqué, le porte-parole de la compagnie avait indiqué, dans un premier temps, que « les pirates avaient abandonné le navire et pris en otage une partie des membres de l'équipage », mais sans en préciser leur nombre.
Classiquement, conformément au protocole antipiraterie, les marins, dont les nationalités ne sont pas encore connues, s'étaient réfugiés dans la citadelle mais sans manifestement avoir pu échapper pour certains d’entre eux aux pirates.

Selon le porte-voix de l’entreprise, les rescapés « sont tous en bonne santé, se trouvent dans un endroit sûr et reçoivent les soins nécessaires ». Aucun dommage au navire, a-t-il précisé, alors que le navire de produits pétroliers était chargé de carburants marins (diesel et fuel à faible et haute teneur en soufre, MDO, HFO et VLSFO). Il a été escorté par le patrouilleur nigérian Gongola jusqu'au port de Lomé au Togo.

Une odyssée de plusieurs jours

Les autorités de la région ont tenté durant toute la semaine de localiser le navire. Il se serait déplacé vers l'ouest et le nord-ouest de sa position initiale, à 140 milles nautiques, à l'ouest du port de la Pointe-Noire, avant de parcourir des centaines de milles vers le nord et d'y être abandonné.

Là, le 30 mars, à l’aide d’un drone de la marine française, il a été repéré au large de Sao Tomé et Principe et secouru par le patrouilleur Premier Maitre L'Her, mobilisé pour contribuer aux recherches.

La France déploie de façon quasi permanente dans le golfe de Guinée un à deux bâtiments, ainsi qu’un avion de patrouille. Le Premier Maitre L'Her est engagé dans la région pour servir l’opération Corymbe. Cette présence s’inscrit dans le cadre d’une coopération avec les marines riveraines et les 26 centres dédiés du processus de Yaoundé (architecture de sécurité des espaces maritimes du Golfe de Guinée).

Une durée exceptionnellement longue à bord

La position du pétrolier, reconnaissable par sa coque et sa cheminée noires et son logo orange, n'a pas été précisée quand le patrouilleur lui a porté secours, mais le groupe EOS Risk Group, consultant en sécurité, a estimé qu’il se trouvait à environ 90 milles nautiques au sud de l'île de Bonny, au Nigeria.

Selon les premières notes des sociétés spécialisés dans la sécurité maritime, les pirates sont restés, de façon inhabituelle, longtemps à bord (cinq jours). La piraterie joue en principe de la surprise et se caractérise précisément par son caractère brutal, brusque et succinct.

Pour certains, le rapt contre rançon ne serait pas le motif mais le pillage de la cargaison, en l’occurrence le pétrole.

Après une longue période d'accalmie

Cette attaque intervient après une accalmie dans le golfe de Guinée, une région bordée par 6 500 km de côtes, du Sénégal à l'Angola. Elles avaient été particulièrement violentes en 2021 si bien que 120 compagnies maritimes avaient sollicité un recours militaire en signant à Lagos une déclaration appelant à créer une coalition contre la piraterie dans le golfe de Guinée.

Au cours d’un assaut cette année-là, quatre pirates avaient été tués, marquant une rupture dans la façon de gérer ce fléau.

En 2021, aussi, la Haute cour fédérale de Lagos a envoyé un signal fort en condamnant dix pirates nigérians à douze ans de prison pour le détournement d’un navire chinois dans le golfe de Guinée en mai 2020.

« Le Nigeria a une tolérance zéro envers les criminels maritimes, et ses institutions, comme la marine et les agences de sécurité, sont prêtes à contrer leurs activités criminelles », avait affirmé le porte-parole de la marine du pays, qui a déployé ces dernières années un arsenal lourd pour venir à bout du fléau, encadré par une loi antipiraterie.

Une menace sournoise et diffuse

Avec seulement 19 actes de cas de piraterie et de vols à main armée contre des navires signalés dans le golfe de Guinée en 2022 comparativement aux 35 en 2021, le Bureau maritime international estime que la piraterie est tombée l’an dernier à un niveau historiquement bas. Alors que 107 navires ont été arraisonnés l'année dernière (sur 115 incidents au total), le BMI n'a enregistré que deux détournements et deux enlèvements dans cette région, mais 41 membres d'équipage ont cependant été retenus en otage à un moment ou à un autre.

En Afrique de l'Ouest, la piraterie se déporte, non sans lien avec les actions du Nigéria. Le Ghana et l'Angola ont vu le nombre d'incidents de piraterie augmenter dans leurs eaux, les deux tiers des incidents ayant eu lieu alors que les navires étaient ancrés ou amarrés.

Retour du détroit de Singapour

Fait nouveau, le détroit de Singapour a atteint en 2022 son niveau le plus élevé depuis sept ans, avec 55 signalements en 2022 contre 49 en 2021. La majorité de ces incidents se sont produits la nuit avec les vraquiers pour cibles mais pour des vols opportunistes de faible ampleur et des attaques encore à l’arme blanche.

La zone à haut risque (ZHR) de l'océan Indien, que fut la Somalie pendant de nombreuses années, a été supprimée en janvier 2023. Mais l’histoire de la piraterie enseigne que des régions endormies ne sont jamais vraiment éteintes.

« Il faut toujours maintenir une vigilance extrême. Le niveau de menace de la piraterie et des vols à main armée en mer, ainsi que l'opportunité et le modus operandi des auteurs, diffèrent d'une région à l'autre et peuvent également changer rapidement », indique l'assureur Gard, qui appelle à redoubler d’efforts lorsque les que les navires sont à l'ancre, séjournent dans des ports ou des mouillages, zones à haut risque où ils sont alors particulièrement vulnérables. « Une bonne veille est considérée comme l'une des méthodes les plus efficaces de protection des navires. Elle peut aider à identifier une approche ou une attaque suspecte à un stade précoce, ce qui permet de déployer des moyens de défense », ajoute l’assureur.

Adeline Descamps

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