Golfe de Guinée : la mort de quatre pirates marque une évolution dans la façon d'appréhender la problématique

Moins d'un mois après avoir commencé ses patrouilles dans le golfe de Guinée, la frégate danoise Esbern Snare a tué quatre pirates présumés à l’occasion d’échanges de tirs. C'est la première fois que des hommes sont tués par la marine internationale opérant dans la région. Cet événement pourrait influencer les futurs modes opératoires.

En mars, la ministre de la Défense danoise Trine Bramsen avait essayé d'obtenir, sans grand écho, le soutien d'autres pays européens à son « Initiative européenne d'intervention », appellation donnée à une mission marine conjointe à l’UE dans le golfe de Guinée qu’elle appelait de ses vœux. Sur le modèle de la Somalie, épicentre mondial de la piraterie de 2001 à 2012, où des gardes armés et des bâtiments de guerre dépêchés par l'UE, l'OTAN et une force opérationnelle dirigée par les États-Unis ont été déployés pour escorter les navires empruntant le canal de Suez. À défaut d’une « réponse conjointe » de l’UE, le Danemark a maintenu son intention de positionner une frégate dans la région pendant cinq mois « durant l'automne 2021 ». En mai, le parlement danois avait voté en ce sens.

La décision faisait notamment suite aux assauts que deux porte-conteneurs de Maersk – les Maersk Cardiff et Maersk Cadiz – ont essuyés en fin d’année dernière un peu avant Noël. Le leader danois du transport maritime de conteneurs avait alors appelé à une « solution militaire ». Les moyens dont disposent les armateurs sont en effet limités. Contrairement à la Somalie, ils ne peuvent pas recourir à des gardes armés privés à bord, puisque les États du Golfe de Guinée les interdisent pour la plupart.

Quatre tués, un blessé

C’est la frégate danoise, équipée d'un hélicoptère et armée par 175 marins, qui a tué quatre pirates au large des côtes du Nigeria le 24 novembre alors que l’Esbern Snare cherchait à intercepter une embarcation avec huit pirates à bord. Selon la marine danoise, ils auraient ouvert le feu sur la patrouille danoise, laquelle a riposté, en agissant conformément au droit international, « après un coup de semonce » et « en état de légitime défense ». Au cours de la fusillade, aucun soldat danois n'a été blessé, précisent les forces danoises, mais cinq pirates ont été touchés dont quatre sont décédés, le dernier étant blessé. Les autres se sont rendus. 

« Cet incident représente une étape clef dans l'évolution de la piraterie dans le golfe de Guinée, a fait savoir Dryad Global, le cabinet de conseil en sécurité, qui fait référence sur le sujet. Il montre l'intention du gouvernement danois d'avoir un impact coercitif dans la région dans le cadre de son mandat souverain. À court terme, les pirates qui ciblent les navires commerciaux opérant dans le golfe de Guinée ne seront probablement pas dissuadés de manière significative de mener de telles opérations à l'avenir. Mais il montre la détermination à faire régner la sécurité dans la région ».

spécialiste pose à nouveau les termes d’un débat qui a déjà animé les réflexions en début d’année à savoir « si une coalition multinationale pourrait aider les nations à assumer ce fardeau et ne pas le laisser à la charge de la marine de chaque pays ».

Contexte régional sous tension

L'Esbern Snare, qui avait déjà été déployé pour des missions de sécurité en Afrique de l'Est, a quitté le Danemark à la fin du mois d'octobre pour un déploiement de six mois le long des côtes ouest-africaines. Le Danemark n'est pas le seul pays à avoir opté pour cette solution dans la région. En novembre 2020, un navire de guerre italien a entravé l'attaque d'un pétrolier par des pirates, et en octobre 2021, un navire de guerre russe a évité l’assaut d’un porte-conteneurs. À la mi-octobre, le Royaume-Uni a annoncé qu'il déploierait un navire de guerre et un contingent de Royal Marines dans le golfe pour participer à la lutte contre la piraterie.

Zone devenue très dangereuse

L’an dernier, la région, bordée par 6 500 km de côtes du Sénégal à l'Angola, où croisent chaque année 20 000 navires, a représenté plus de 95 % du total des prises d’otages (142 marins) et 84 navires y ont été attaqués selon les données du Bureau maritime international (BMI, IBM en anglais), l’organisme qui recense les atteintes au commerce maritime pour la Chambre de commerce internationale. Les trois détournements de navires et neuf des onze navires, qui ont fait l’objet d’attaques avec armes à feu en 2020, concernaient cette région. 

Elle a été le théâtre des 50 enlèvements de marins et de l'unique décès enregistré par l'IMB au cours des six premiers mois de l’année. Depuis 2019, elle a connu une augmentation sans précédent du nombre d'enlèvements en concentrant 25 % du total mondial.

Jusqu’au-boutisme contre volontarisme

Une pratique y devient courante, témoignant du jusqu’au boutisme des assaillants : des chalutiers sont détournés et utilisés ensuite comme navires-mères pour cibler les navires marchands. Début juin, un vraquier a été abordé par un skiff avec six pirates alors qu'il transitait dans la région à environ 210 milles nautiques (389 km environ) au large de Lagos.

En mai, plus de 120 organisations du secteur maritime, dont les administrations des États du pavillon, des armateurs, des affréteurs et des associations de transport maritime, ont signé une déclaration commune en faveur d’une « éradication de la piraterie maritime », tous fermement convaincus que les attaques de plus en plus violentes contre les navires de commerce dans cette région peuvent être évitées avec du volontarisme et un activisme collectif. Ils soutiennent même que, d'ici à la fin de 2023, le nombre d’actes de piraterie pourrait être réduit d'au moins 80 %.

Adeline Descamps

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