Écarts extrêmes entre les carburants maritimes à Singapour

Le manque d'offre et les faibles niveaux de stocks des principaux produits pétroliers sont actuellement au centre des préoccupations des acteurs du secteur alors que les prix du combustible de soute bas carbone continuent de grimper.

Les marges de raffinage retrouvent des sommets historiques, proches de 30 $ le baril. Un niveau qui reflète, selon les analystes, « la plus grave pénurie actuelle de produits pétroliers ». La vigueur du prix du carburant bas carbone (VLSFO, jusqu’à 0,5 % de teneur en soufre toléré) et une nouvelle baisse du IFO (3,5 % de teneur en soufre maxi) entraînent des écarts importants entre les deux combustibles de soute les plus vendus pour les navires. La situation résulte d’un double mouvement : les prix du premiers ont grimpé en flèche résultant d’une plus grande activité de raffinage du pétrole en essence tandis que les seconds ont dégringolé en partie grâce à l'augmentation des flux russes sur le marché.

Le mouvement s’observe principalement à Singapour, première place mondiale d’avitaillement des navires. Il y a deux mois à peine, cet écart était de 100 $ la tonne de fuel. Il est désormais autour de 600 $/t (472 € pour l’IFO et 1 005 $ pour le VLSFO). L’écart est en revanche bien moindre à Rotterdam, autre place de soutage importante. Là, le carburant à basse teneur en soufre est coté à 786 $ tandis que son équivalent à haute teneur en soufre est à 786 $. La situation est en tout cas une « bénédiction » pour les exploitants de navires qui ont équipé leur flotte de scrubbers.

La frénésie d'achats de navires est historique

Une situation de marché très favorable aux scrubbers

Quelque 23 % du tonnage mondial (2,13 Mtpl, 53 973 unités) – soit 4 460 navires (selon clarksons) dont 19 % de porte-conteneurs et 13 % de pétroliers (d’après Drewry) –, sont équipés de ces dispositifs d’épuration des gaz d’échappement des moteurs (qui permettent une propulsion avec du fuel lourd).

En 2021, le scrubber était l’option mentionnée dans les contrats de 249 commandes, dont 194 porte-conteneurs. Au cours du premier trimestre, il semble que l’engouement se soit quelque peu enrayé avec 14 unités. Mais avec l'écart de prix observé depuis mars, Clarksons envisage une montée en puissance : « la part du tonnage mondial équipé d'un scrubber augmentera légèrement pour atteindre 24 % au début de 2023.

Plus le différentiel entre les deux combustibles est grand (le fameux écart appelé Hi5) plus vite est amorti l’investissement dans le scrubber, dont le coût varie entre 2 et 5 M$ selon la taille du navire. À l’heure actuelle, il est bien supérieur aux attentes formulées lorsque les engagements financiers initiaux ont été contractés.

Équations à plusieurs variables

Au-delà, l’équation actuelle permet aux VLCC d’alléger le coût à payer pour naviguer dans un marché déprimé depuis mi-2020 : un grand pétrolier équipé est fixé à 20 000 $ par jour contre 5 000 $ pour les unités qui ne le sont pas. Sans permettre de gagner de l’argent, ces conditions couvrent les coûts d'exploitation fixes.

« Les menaces économiques entraînent des révisions à la baisse de la demande future de pétrole, mais la demande devrait encore augmenter, mais pas autant qu'auparavant. Il semble donc que nous soyons en présence de pressions soutenues sur un système actuellement contraint, indique Integr8 Fuels, qui fournit des données sur ce marché. Ainsi, pour l'instant, les points clés à surveiller pour l'orientation des prix sont toujours les marges de raffinage avec également une attention particulière portée à toute augmentation des exportations de produits de la Chine et de l'Inde ». Sachant que les marges de raffinage en disent long sur le marché et que l’augmentation des exportations des premiers consommateurs mondiaux que sont la Chine et l’Inde ne sont pas flagrantes pour l’instant. 

Évolution des prix du VLSFO (< 0,5 % de teneur en soufre) et du IFO (> 3,5 % de teneur en soufre) depuis 2019 (source : Drewry)

Nouvelle vague porteuse pour les scrubbers

Alors que certains analystes estiment que la situation pourrait déclencher une nouvelle vague d’intérêts en faveur du scrubber, les « antis » – le dispositif compte de nombreux détracteurs chez les associations environnementales – ne manqueront pas réalimenter les craintes. 

Placés dans les cheminées d'échappement des navires, les systèmes utilisent principalement l'eau de mer pour « épurer » les gaz mais la plupart des navires ont opté pour un système en boucle ouverte dans lequel, au lieu de stocker à bord les contaminants traiter pour l'éliminer dans des installations portuaires spécialisées en vue d’un retraitement qui n’existe pas vraiment, ils déversent des eaux acides en mer. 

« Investir dans des scrubbers pour bénéficier de rabais grâce à un IFO bon marché est caractéristique du long chemin que l'industrie du transport maritime doit parcourir pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles. Bien que les acteurs du transport maritime déploient d'immenses efforts pour passer à des carburants plus propres, de nombreux défis subsistent », constate Drewry.

À partir de l’année prochaine, les exploitants de navires seront tenus de mesurer l’intensité en carbone de leur navire et de la reduire progressivement chaque année selon un planning strictement établi par l’OMI. À l'heure actuelle, seuls 5 % environ de la flotte mondiale utilisent des carburants propres. Mais plus de 40 % des nouvelles commandes de navires comprennent des propulsions alternatives, selon les données de Clarksons Research.

Adeline Descamps

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