La frénésie d'achats de navires est historique

À supposer qu’une partie de l’offre finisse en ferraille, dans la mesure où près de 30 % de la flotte ne sera pas conforme aux prochaines échéances réglementaires, il semble peu probable que toute la capacité livrée et libérée de la congestion puisse être absorbée sans nuire à l'équilibre entre l'offre et la demande dans les années à venir, pointe le BIMCO, l'une des plus grandes associations maritimes internationales représentant les armateurs.

À ce niveau, c’est un renversement de situation fulgurant. En dix-huit mois à peine, le carnet de commandes de porte-conteneurs est passé de 2 à plus de 6,5 MEVP, à en juger par le dernier relevé du BIMCO, l'une des plus grandes associations maritimes internationales représentant les armateurs. Entre temps, les opérateurs de lignes régulières ont enregistré des bénéfices records, dont une grande partie a manifestement été investie dans de nouveaux navires

Le carnet de commandes mondial représente désormais 26 % de capacité de la flotte en exploitation. « Nous devons nous attendre à ce que les problèmes de congestion dans le monde commencent à s'atténuer, ce qui pourrait libérer jusqu'à 2 MEVP de capacités. Avec les livraisons, l’offre supplémentaire dégagée semble en passe de dépasser les 8 MEVP entre 2022 et 2025, soit 33 % de la flotte existante », pointe avec inquiétude Niels Rasmussen, analyste en chef des transports maritimes au BIMCO

Le démantèlement pourrait toutefois soustraire des capacités à l’offre. Les nouvelles échéances réglementaires sont proches : les navires qui parviendront à se conformer à l'EEXI (pendant de l’EEDI pour la conception) devront également faire face à l'introduction de la CII (intensité carbone du navire, classé de A à E) le 1er janvier 2023 et à l'intégration probable du transport maritime dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission (ETS ou SCEQE).

Près de 30 % des navires non conformes

Clarksons avait précédemment indiqué que, dans le cadre de la CII, environ 29 % des pétroliers, des vraquiers et des porte-conteneurs seraient classées D ou E en 2023, voire à plus de 40 % s’ils étaient toujours en activité en 2026 sans avoir procédé à des changements dans les spécifications.

« Une partie de la flotte ne sera pas en mesure de respecter les objectifs sans procéder à des modifications ou à l'introduction de la limitation de la puissance des moteurs (EPL). Il se peut que certains navires n'aient aucune chance de se conformer aux objectifs tout en restant commercialement intéressants et qu'ils soient démolis », confirme le BIMCO.

À supposer qu’une partie de l’offre s’évaporera en ferraille, la limitation de la vitesse devrait nécessiter un navire supplémentaire à plusieurs services. « Pourtant, à moins que la demande ne surprenne à la hausse, il semble peu probable que toute la capacité livrée et libérée de la congestion puisse être absorbée sans nuire à l'équilibre entre l'offre et la demande dans les années à venir », alerte Niels Rasmussen.

32,7 % des nouvelles constructions commandées en carburants alternatifs

Depuis quelques jours, une donnée record se partage et se commente. Elle émane d’une publication de Clarksons Research, intitulée Fuelling Transition, portant sur les dernières tendances en matière de renouvellement de la flotte, 61 % de toutes les commandes de nouveaux navires passées au cours du premier trimestre l’ont été avec des propulsions aux carburants alternatifs. Exceptés les méthaniers, 48 % des nouveaux contrats de construction portaient sur une motorisation au GNL et 10 % à l'ammoniac.

À l’heure où des choix cruciaux en matière de motorisation sont en train d’être arbitrés par les armateurs pour répondre aux proches échéances règlementaires en matière de décarbonation, la flambée actuelle des cours des énergies pourrait pourrait propulser les solutions économes en carburant. La sobriété énergétique est de mise.

Pour le contexte, en 2021, 32,7 % des nouvelles constructions commandées (449 unités) concernait (en tonnages) des navires capables de fonctionner avec des carburants alternatifs contre 209 en 2020 et 46 en 2016. « Nous prévoyons que 5 % de la capacité de la flotte mondiale sera alimentée par des alternatives aux combustibles conventionnels d'ici le début de 2023 », jauge Steve Gordon, directeur général de Clarksons Research

 Dans le carnet de commandes actuel, 33,3 % de la capacité sont au GNL (647 unités), 2,3 % ont opté pour le GPL (88 unités) et 3,2 % pour d’autres carburants alternatifs, dont la propulsion par batterie/hybride (150 navires), le méthanol (24), l'éthane (11), les biocarburants (5) ou encore l'hydrogène (6).

Plus de 270 navires dans la flotte et 94 dans le carnet de commandes relèvent de la configuration « prêts pour le GNL », tandis que 74 unités le sont pour l'ammoniac et neuf pour l'hydrogène.

4 460 navires équipés de scrubbers

Il faut mettre ces dernières données en regard avec un autre indicateur – le nombre de navires équipés de EGCS (Exhaust Gas Cleaning Systems, appellation technique pour le scrubber) –, pour avoir une photographie précise des arbitrages qui se font actuellement pour tendre vers la conformité avec les objectifs de l’OMI en matière de décarbonation.

Quelque 23 % du tonnage mondial (2,13 Mtpl, 53 973 unités) – soit 4 460 navires –, sont équipés de ces dispositifs d’épuration des gaz d’échappement des moteurs (qui permettent une propulsion avec du fuel lourd, à 3,5 % de teneur en soufre) et 27,7 % de systèmes dits « écologiques » (gaines d'hélice, bulbes de gouvernail, rotors Flettner, cerfs-volants et systèmes de lubrification à air, etc.), soit 4 900 unités (25,1 % du tonnage mondial il y a un an)

En 2021, le scrubber était l’option mentionnée dans les contrats de 249 commandes, dont 194 porte-conteneurs. Au cours du premier trimestre, il semble que l’engouement se soit quelque peu enrayé avec 14 unités. Mais avec l'écart de prix actuel entre le HFO et le VLSFO étant proche de 300 $/t, Clarksons envisage une montée en puissance : « la part du tonnage mondial équipé d'un scrubber augmentera légèrement pour atteindre 24 % au début de 2023.

Forte demande de porte-conteneurs 

Enfin, si le carnet de commandes mondial ne représente que 10 % de la flotte en exploitation, il est écrasé par la demande des porte-conteneurs (26,4 %) qui ont d’ailleurs trusté tous les créneaux des chantiers navals pour a minima deux ans. Les vraquiers (6,6 %) et les pétroliers (6,3 %) font figure de parents pauvres. Les méthaniers dominent également dans les nouveaux projets en reflet de la forte demande en GNL.

Dernières données intéressantes à lire dans la publication de Clarksons, portant cette fois sur les infrastructures portuaires : 144 ports sont désormais équipés pour avitailler les navires en GNL et 94 installations sont en cours (il n’est pas précisé si c’est en ship-to-ship). Quelque 1 364 navires sont appareillés ou sur le point de l'être pour se brancher à quai. 

Prix à la construction en hausse

« Ce régime de marché positif se reflète également dans les prix de construction, qui se maintiennent à leur plus haut niveau depuis cinq ans pour les porte-conteneurs », indique dans son dernier rapport hebdomadaire, le courtier maritime Allied Shipbroking. « La même trajectoire de prix est observée dans le secteur des méthaniers », qui ont généré trois nouvelles commandes fermes sur la seule semaine dernière (dont deux confiés à Dalian pour China Merchant Energy de 175 000 m3 à livrer en 2025).

Le courtier maritime Banchero Costa a confirmé pour sa part la commande par MSC de 28 panamax à double carburant avec le GNL d'environ 8 000 EVP, avec une valeur d'investissement d'environ 3,4 Md$. En outre, MPC Containers a conclu un accord avec Hanjin pour construire 2 porte-conteneurs de 5 500 EVP à 72,2 M$ chacun et dont la livraison est prévue au cours du premier semestre 2025. Ils seront affrétés pour 7 ans à ZIM, qui porte ainsi son carnet de commandes à 47.

Adeline Descamps

 

Plus du quart de la flotte mondiale âgée de plus de 15 ans

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