Crise russo-ukrainienne : fin de partie pour Nord Stream 2 mais impasse sur les matières premières

À la suite de la reconnaissance par Moscou de provinces ukrainiennes prorusses, l’Europe fait tomber les premières sanctions. Le sort du gazoduc Nord Stream II est sans surprise suspendu. Les Européens épargnent pour l’instant les matières premières. Reste l’incertitude du choc en vue qui met les flux de pétrole brut, de gaz naturel, de GNL, de charbon et de céréales sur le qui-vive.

Pour le transport maritime, une incertitude s’est substituée à une autre, à ceci près que jusqu’à présent le clair-obscur pouvait déboucher sur une détente et une marche arrière. La reconnaissance par Moscou des territoires ukrainiens séparatistes de Donetsk et Lougansk enclenche au contraire la vitesse supérieure et montre la détermination du maître du Kremlin d’aller de l’avant. Après avoir assisté à moult gesticulations diplomatiques et à un poker menteur entre chancelleries, la question n’est plus savoir SI des sanctions vont tomber mais QUAND elles vont se manifester pour les matières premières, là où le bât économique blesse vraiment.  

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Bombe diplomatique

Le 21 février, après un long discours, le président russe Vladimir Poutine a donc lâché sa bombe en ordonnant l'envoi de forces dans deux régions séparatistes de l'est de l'Ukraine faisant de l’Europe de l’Est une zone de guerre. 

Pour l’instant, les représailles des Occidentaux se sont matérialisées par un tour de chauffe tout symbolique en suspendant le gazoduc Nord Stream II, qui était de toute façon gelé. Le chantier porté par le géant gazier public russe Gazprom et financé en partie par des groupes énergétiques européens, dont le français Engie ou l’anglo-néerlandais Shell, est bloqué depuis quelques semaines par le régulateur allemand qui y a mis son véto pour non-conformité à la législation européenne.  

Le gazoduc long de 1 230 km et d’une capacité de 55 milliards de m3 de gaz par an (soit à peu près ce qu’a importé Berlin en 2020), devait acheminer via la mer Baltique le gaz russe vers l’Allemagne. « Bienvenue dans un monde nouveau, où les Européens vont bientôt payer 2 000 € pour 1 000 m3 de gaz », a asséné l'ancien président de la fédération du Rusie Dmitri Medvedev.

C’est encore plus vrai pour l’Allemagne dont 55 % des besoins en gaz sont assurés par le gaz russe. Depuis que Vladimir Poutine et ses homologues européens occupent le devant de la scène internationale, nul ne peut ignorer que quelque 40 à 45 % des besoins en gaz naturel en Europe sont satisfaits par la Russie (47,5 % même au cours du premier semestre 2021). 

Le projet Nord Stream II se trouve sur la selette mais il divise quoi qu’il en soit depuis ses débuts jusqu’à générer de l’embarras entre les partenaires européens et irrite les États-Unis pour la concurrence qu’il représente pour le gaz de schiste américain, devenu depuis quelques mois la première source d’approvisionnement de l’Europe.  

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Toucher les échanges bancaires

Les Européens, les Canadiens, les Britanniques ont en outre réservé leurs coups pour taper dans la finance russe en visant des banques soupçonnées de financer des activités militaires russes à l’instar de Rossiya, IS Bank, General Bank, Promsvyazbank et Black Sea Bank, ces dernières faisant partie de la liste noire émise par Londres. 

Le véritable impact serait d’empêcher l'État russe d'accéder aux marchés de capitaux européens pour refinancer sa dette, mesure susceptible de peser sur la valeur du rouble, et par ricochet sur le pouvoir d'achat des consommateurs russes pour les produits importés. Ou encore de lui interdire les transactions en dollars et de l’exclure du système international Swift qui sert aux échanges bancaires internationaux. 

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Viser les matières premières

Reste le vrai choc, mais à double tranchant : sanctionner les matières premières – pétrole, gaz naturel, blé, aluminium, palladium, nickel –, dont la Russie est un des premiers exportateurs mondiaux. En touchant au portefeuille de ressources naturelles de Moscou, les Européens mettent dans le même temps en péril leur approvisionnements tout en contribuant au renchérissement déjà manifeste des prix. 

Le pétrole, dont la Russie assurerait 8 % des exportations mondiales selon Poten, n’a pas tardé à réagir. Le prix du Brent de la mer du Nord a frôlé la barre symbolique des 100 $ (99,50 $) le baril au lendemain de la gifle infligée par Moscou. À New York, le baril de West Texas Intermediate (WTI), pour livraison en mars, a grimpé de 4,86 % à 95,50 $. 

L'aluminium et le nickel font aussi partie des métaux qui dépendent de l'offre russe au niveau mondial. Le premier a atteint 3 380 $ sur le London Metal Exchange, marché de référence des métaux, à quelques cents de son record historique atteint en 2008. Le métal du diable s'est lui échangé à 24 925 $. 

Quant au prix du gaz naturel, il s’est négocié à 76,47 € le mégawattheure (MWh), gagnant plus de 5,56 %, sur le marché de référence en Europe, le Title Transfer Facility néerlandais.

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Transports long-courriers

Quoi qu’il en soit, le secteur du vrac est assez unanime pour dire que toutes perturbations des marchés fera le jeu du tonne-mille car l'Europe devra s'approvisionner en produits de base dans des pays plus éloignés. 

Encore faut-il que l’offre soit disponible pour répondre à un accroissement et diversification des besoins. Elle est tendue pour certaines matières premières, comme le gaz pour lequel le Qatar ne cache pas ses difficultés, ou le pétrole pour lequel certains pays de l’OPEP ne parviennent même pas à honorer leurs quotas.  

Elle peut en outre rencontrer des limites. Pour accueillir plus de GNL importé, encore faut-il avoir la capacité de le traiter. En cas de perturbations prolongées de l'approvisionnement en gaz, les terminaux de GNL européens seraient limités pour absorber un surplus en provenance des États-Unis ou d'autres grands producteurs.  

Adeline Descamps

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