Les ports ukrainiens entravés par des exercices navals russes

Alors que la Russie a encore renforcé son dispositif militaire aux frontières de l'Ukraine au cours du week-end, des exercices navals russes prévus jusqu’au 19 février bloquent certaines parties de la mer Noire et de la mer d'Azov, zones d’exportation majeures pour les céréales, le minerai de fer ou encore les produits pétroliers. Le choc sur les volumes est déjà perceptible depuis l’amorce de la crise russo-occidentale.

Les inquiétudes de l’Ukraine, à propos de ses exportations notamment de céréales, qui s’étaient manifestées dès la fin janvier, ont trouvé ces derniers jours de quoi être ravivées. Des exercices navals russes dits « réguliers », en cours depuis le 13 février et ce jusqu’au 19 février, bloquent « certaines parties de la mer Noire et de la mer d'Azov ainsi que le détroit de Kertch », a indiqué dans un communiqué en date du 10 février, le ministère ukrainien des affaires étrangères. 

Les manœuvres sont en effet prévues dans des zones de navigation que les navires marchands empruntent après avoir chargé du blé et du maïs dans les ports ukrainiens d'Odessa, de Pivdennyi et de Chornomorsk. En outre, l’occupation du détroit bloque l’accès aux ports en eaux peu profondes de Mariupol et Berdyansk dans la mer d'Azov par lesquels transitent les navires côtiers.  

« La navigation dans les deux mers est pratiquement impossible, explique le représentant du gouvernement ukrainien. Cette complication injustifiée de la navigation marchande peut avoir des conséquences économiques et sociales importantes. Ces actions agressives de la Fédération de Russie, qui s'inscrivent dans le concept de sa guerre hybride contre l'Ukraine, sont inacceptables. C’est un mépris des principes du droit international et des conventions des Nations unies sur le droit de la mer. »

Céréales : la stratégie d'exportations de l'Ukraine compromise par la Russie

12 % des exportations mondiales de blé

Fin janvier, les experts internationaux s’alarmaient déjà de l’escalade dans le conflit entre la Russie et l’Union européenne au sujet de l’Ukraine. Le pays de la mer noire a gagné en influence ces dernières années sur les marchés agricoles mondiaux et les exportations de céréales sont une pierre angulaire de son économie. Cette année, l’Ukraine devrait représenter 12 % des exportations mondiales de blé, 16 % de celles de maïs, 18 % de celles d'orge et 19 % de celles de colza. 

Une grande partie des exportations de céréales de l'Ukraine – plus de 40 % du maïs et de blé –, sont destinés aux marchés du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, où les sécheresses historiques ont exacerbé leurs besoins. Le spectre d’une pénurie a déjà provoqué une envolée des prix alimentaires sur leur marché intérieur. 
 

Les trois paramètres qui vont influencer le vrac sec en 2022

Modifier les itinéraires

Plus de la moitié du volume de maïs attendu par l'Ukraine doit en outre être exportée au cours des cinq prochains mois, notamment vers la Chine, son premier client avant que les États-Unis, autre grand acteur du marché mondial du maïs, lui ravisse la place l'année dernière. Les deux pays sont les deux seuls fournisseurs mondiaux à l'heure actuelle, les récoltes de l’Amérique du sud étant plus tardives.

Le ministère ukrainien de l'Agriculture prévoit pour cette saison (juillet 2021 à juin 2022), exceptionnelle bonne, d’exporter entre 31 et 33 Mt quand les États-Unis sont en capacité de fournir le double au cours de sa campagne 2021-22 (septembre-août). C’est dire que si la situation devrait dégénérer en Ukraine, le marché américain deviendrait alors le seul fournisseur de la Chine. 

Pour préserver leur marchés et conforter leurs stature internationale, les producteurs de maïs ukrainiens pourraient dans l’immédiat être contraints de modifier l’itinéraire de leurs cargaisons.

Selon Vivek Srivastava, analyste chez VesselsValue, si les exportations de produits agricoles ont enregistré un mois de janvier particulièrement fort, elles pourraient connaître en février une baisse de 44 % (sur une base annuelle).

Au-delà des seules céréales 

Les tensions entre les deux pays riverains n’hypothèquent pas seulement les céréales. C’est l’ensemble du vrac sec qui est sur le qui-vive, concerné par ce qui se passe des deux côtés de la frontière.

« Ces dernières années, la Russie et l'Ukraine sont devenues de grands exportateurs de matières premières », rappelle le consultant spécialisé Drewry, qui estime la fréquentation des ports russes et ukrainiens par les vraquiers a quelque 700 unités par mois. « La Russie exporte principalement du charbon, des céréales, des produits sidérurgiques et des engrais, tandis que l'Ukraine exporte des céréales, du minerai de fer et des produits sidérurgiques ».

Si une guerre venait à être déclarée, ne serait-ce que durant un mois, cela augmenterait l'offre effective de navires sur le marché de plus de 4 %, indique-t-il. « Le marché du vrac sec serait alors confronté à une double choc : une forte baisse des échanges et une augmentation de l'offre susceptible de tirer vers le bas les taux », poursuit l’analyste.

Tinto, BHP, Vale dans les affres de la production de minerai de fer

Le retour en grâce de l’Australie

La Russie a représenté 42 % des importations totales de charbon de l'UE en 2021 et 16 % des besoins mondiaux. « L’offre mondiale sera insuffisante pour contrebalancer la part de la Russie. Par conséquent, les prix du charbon s'envoleront, limitant la demande de nombreux pays asiatiques, ce qui affectera davantage la demande de transport maritime », envisage Drewry.

La situation pourrait aussi être profitable aux exploitants de vraquiers, notamment parce que la reconfiguration des flux pourrait allonger les distances parcourues. En brouille diplomatique depuis plus d’un an avec son principal fournisseur, l’Australie, la Chine a diversifié ses sources d’approvisionnement de charbon et de minerai de fer et a notamment augmenté ses importations de charbon en provenance de la Russie. Si celle-ci n'était plus en mesure de servir son client, la seconde puissance économique mondiale pourrait bien être contrainte de revenir à ses achats australiens, seul pays en mesure de satisfaire ses besoins voraces en matières premières. 

D’autant plus que l'Ukraine a exporté 36,5 Mt de minerai de fer en 2021, dont plus de 60 % étaient destinés à la Chine. Là aussi, Pékin dispose de peu de cartes dans son jeu. Le Brésil, autre grand acteur mondial dans le minerait de fer, peine à restaurer ses capacités depuis que des inondations ont rudoyé ses installations. L’exécutif chinois n’aurait alors pas d’autres ressources que se retourner vers Canberra. Et là encore, les vraquiers ne seraient pas lésés.  

Adeline Descamps

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