Crise ukrainienne : éviter un « choc d’approvisionnement » en gaz et en pétrole

La dépendance de l'Europe à l'égard du gaz naturel russe – 35 à 40 % transitant principalement par oléoducs – rend les sanctions contre les exportations russes peu probables. Bruxelles et Washington ont néanmoins indiqué la semaine dernière étudier différentes pistes pour éviter un « choc d’approvisionnement ». Non sans impacts pour le transport de GNL et de brut.

Les États-Unis et l’Union européenne multiplient les rencontres en vue de préparer leur réponse aux agissements militaires russes à la frontière de l’Ukraine om jusqu’à 120 000 soldats russes seraient amassés avec tout une logistique de ligne arrière, menaçant le pays de la mer Noire d’une invasion. Comme la Crimée l’a connue il y a huit ans.. Le gazoduc controversé Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne, achevé mais pas encore opérationnel, est clairement devenu une monnaie d’échange dans la crise qui oppose actuellement Moscou à Bruxelles et à Washington.

Les États-Unis et les Européens ont affirmé la semaine dernière, dans une déclaration commune, qu'ils avaient « commencé à travailler, de concert avec les opérateurs du marché, sur la fourniture de gaz naturel à l'Europe depuis diverses sources à travers la planète » pour éviter des « chocs d'approvisionnement ». Ils chercheraient aussi à « stocker en sécurité le gaz ». Le sujet est à l’ordre du jour lors d'une réunion le 7 février. L’UE attend d’ailleurs beaucoup de la rencontre entre Joe Biden et l’émir du Qatar, les deux premiers exportateurs mondiaux de gaz naturel.

Détournement de gaz naturel

Selon certains analystes, le déclenchement d’une offensive russe aurait pour premier effet de booster les prix et… de favoriser les exportations américaines, offre abondante et compétitive. Il y a eu un précédent en la matière en effet.

Lorsque la Russie a réduit les flux par gazoduc en décembre, les prix sur les marchés spot européens ont bondi au point d’éclipser les cours observés en Asie, ce qui a eu pour effet de doper la demande de GNL américain et de le détourner de l’Asie en raison de l’écart de prix.

Les données de suivi des navires indiquent en effet que le trafic des méthaniers s'est déporté vers l’Europe : environ 7,15 Mt de GNL (106 méthaniers) avaient été expédiées du continent américain vers l’UE en décembre, soit une augmentation de 16 % par rapport aux 6,14 Mt en décembre 2020.

Les analystes d’Affinity notent que la Chine a commencé à revendre certains volumes de GNL à l'Europe, tandis que l'Australie se dit disposée à en faire autant. Dans tous les cas, « les tonnes-milles qui en découlent seraient de bon augure pour le transport maritime de GNL, en plus des volumes provenant du Qatar », estiment les coutiers.

Augmentation des coûts de soute

Pour Maritime Strategies International, « la première conséquence d’une invasion de l’Ukraine concerne tous les segments du transport maritime : c’est une hausse des coûts de soute. Une telle volatilité géopolitique fait généralement grimper les prix du brut ». « Il pourrait potentiellement dépasser les 100 $ le baril », confirme Alphatanker dans une de ses dernières notes. Le coût du carburant maritime est déjà particulièrement élevé. Le fuel a 0,5 % de soufre (VLSFO), a atteint la semaine dernière un pic historique de 694,50 $/t.

« On peut s'attendre à ce que les pays européens augmentent leurs achats pour éviter les pénuries. Cela donnera un coup de fouet à court terme aux marchés transatlantiques des transporteurs de produits pétroliers, ne croit pas si bien savoir le courtier Poten&Partners. « Les MR [capacité de 25 000 à 54 999 tpl, NDLR] devraient en profiter. Des volumes additionnels peuvent provenir du Moyen-Orient et de l'Asie, en favorisant les LR1 [capacité : 55 000-79 999 tpl] et les LR2 [80 000-199 999 tpl] ».

Selon Poten, la Russie a exporté environ 7,6 millions de barils par jour de pétrole brut et de produits raffinés vers le reste du monde en 2021, dont la majeure partie est acheminée par les oléoducs Sibérie orientale-Océan Pacifique vers les marchés chinois et Druzhba vers l'Europe de l’Est. La plupart des cargaisons de brut russe sont chargées depuis la mer Baltique (vers l'Europe du Nord-Est) et la mer Noire (vers l'Europe du Sud).

D’après les données de Braemar ACM, les exportations russes de pétrole représentent 8 % de la demande mondiale de pétrole, un dixième du volume du commerce maritime mondial de pétrole et environ 7 % des tonnes-milles des pétroliers internationaux. L'Europe absorbe les deux tiers des exportations russes de brut.

Dilemme pour l’OPEP ?

En cas de sanctions, « les raffineurs européens devront se tourner vers les pays de l'OPEP, poursuit l’analyste, curieux de connaître leur réaction : « les pays producteurs de pétrole sont-ils prêts à augmenter les livraisons à l'Europe alors que l’un de leur partenaire, la Russie, est la cible de sanctions ? » . La demande pour de très gros transporteurs de brut (VLCC, plus de 2 millions de barils) serait dans ce cas stimulée.

La Russie serait alors amenée à chercher d'autres clients pour son brut et naturellement elle regardera vers la Chine, où Vladimir Poutine sera pour la cérémonie d’ouverture des JO d’hiver de Pékin. « Cela signifierait une augmentation des distances depuis la Baltique et la mer Noire. L'infrastructure russe n’étant pas adaptée pour traiter des VLCC, les suezmax et, dans une moindre mesure, les aframax, pourraient être très sollicités », anticipe Poten.

Adeline Descamps

 

 

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