ArianeGroup mise sur la propulsion vélique et le maritime

 

Le leader européen de lanceurs spatiaux confie à l'armateur Alizés la réalisation du roulier chargé de transporter les éléments constituant le lanceur Ariane 6, collectés et acheminés depuis Brême, Rotterdam, Le Havre et Bordeaux vers Kourou. ArianeGroup n'est pas le seul groupe à miser sur la logistique maritime... et la voile. Airbus et Louis Dreyfus Armateurs sont aussi associés dans cet esprit.

ArianeGroup a choisi de confier à Alizés, un joint-venture créé ad hoc par Jifmar offshore services (Aix en Provence ; navires supports) et Zéphyr & Borée Alizés (armateur nantais créé en 2014 pour développer des navires de commerce à voile), le transport des différents éléments constituant le lanceur Ariane 6 qui devront être collectés et acheminés depuis Brême, Rotterdam, Le Havre et Bordeaux au centre spatial guyanais à Kourou. Là où les équipes d'ArianeGroup procéderont à son assemblage final, au sein du nouveau Bâtiment d'Assemblage Lanceur. Le Nantais était en négociation exclusive avec le groupe européen depuis que le duo Marfret-CMA CGM avait été écarté en dernier « tour » de l’appel d’offres lancé il y a deux ans.

Baptisé Canopée, le roulier de 121 m et 23 de large, muni d’un château à l’avant et, en arrière, d'un pont ouvert, sera équipé de quatre ailes articulées de 375 m² (totalisant une surface cumulée de près de 1 500 m2). Avec sa motorisation dual MDO (diesel fuel) et GNL, il promet une réduction de 35 % des émissions polluantes, et notamment de 7 200 t de CO2 par an. Il devrait naviguer à 16,5 nœuds en vitesse de croisière. Le navire, dont le lancement est prévu pour 2022, sera construit dans un chantier de construction européen qui reste à sélectionner.

Cahier des charges complexe

Le navire répondait à un cahier des charges complexe compte tenu des exigences techniques dictées par le transport du lanceur Ariane 6 mais aussi des contraintes nautiques liées à l’accès au port de Pariacabo en Guyane.

« Il démontre notre capacité à concevoir des projets spécifiques et sur mesure pour répondre à des contraintes industrielles complexes », se félicitent les dirigeants de cette jeune société, fondée par des officiers de la marine marchande sur « la volonté de faire évoluer le modèle énergétique des navires de commerce pour réduire l’impact environnemental du shipping en utilisant des énergies renouvelables et des technologies bas-carbone ». La propulsion vélique fut leur choix.

Les associés de Zéphyr & Borée Alizés et  VPLP Désign et Marc Van Peteghem ©DR

Une voile développée par VPLP Design et produite par CNIM

La société s’appuie en fait sur l’association de plusieurs technologies développées par différents partenaires (VPLP Design, Cnim, et D-Ice Engineering). L’un d’entre eux s’est vite imposé comme un pilier. Il s’agit du cabinet d’architecture navale cofondé par Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot Prévost, VPLP design. Lors de leur rencontre avec les associés de Zéphyr & Borée Alizés, VPLP Désign débutait alors ses travaux sur les OceanWings, des ailes articulées dédiées aux navires de transport, protégées par des brevets. En 2016, l'architecte concevait un premier prototype d’aile épaisse, affalable et automatisée (cofinancée par l’Ademe), qui a permis de valider le concept des ailes épaisses à surface réglable (le principal challenge était en effet de pouvoir affaler l'aile au port ou dans les conditions météorologiques extrêmes et une fois cette contrainte levée, il fallait aussi simplifier et fiabiliser le système). VPLP Design s’est associé à l’équipementier et ensemblier industriel français Cnim (déjà référencé dans l’aérospatial ou la défense) pour assurer le développement et la production des ailes.

Les ailes seront produites sur un des sites de l'industriel à la Seyne-sur-Mer (Var). Deux premiers démonstrateurs de 35 m2 ont été construits en 2019 et testés sur l’Energy Observer, navire démonstrateur de technologies écoresponsables. Pour VPLP design, ce projet est le fruit d’un long cheminement depuis la collaboration avec BMW Oracle et la victoire dans la Coupe de l’America en 2010 d’un trimaran à aile rigide. La société basée à Paris travaille aujourd’hui sur des projets de ferries à foils : « Grâce aux foils, nous sommes capables de faire baisser la consommation de 30 à 35 % », estime Marc Van Peteghem.

Le routage météorologique pour affiner les économies de carburant réalisables

Le routage météorologique statistique est une autre brique technologique sur laquelle s'appuie Zéphyr & Borée. Les économies de carburant permises par l’utilisation du vent étant très variables selon la zone géographique, la saison et la vitesse d’exploitation, la société a fait appel à l'outil développé par la société D-Ice Engineering.

« À partir des performances prévisionnelles du navire sous voiles et sur la base des statistiques de vent des huit années précédentes, il est possible d’estimer finement les économies de carburant réalisables sur une ligne maritime donnée. Nous pouvons ainsi déterminer à l’avance le degré d’opportunité d’une ligne maritime mais aussi mieux budgétiser un business plan. Une fois le navire en opération, l’outil de routage permet également de définir la meilleure route à emprunter et les régimes moteur à adopter pour tirer le meilleur parti du vent prévu sur la traversée », explique la société.

Ariane 6, où en sommes-nous ?

Pour ce qui est de son contrat avec ArianeGroup, filiale d’Airbus et de Safran, il est prévu que le Canopé soit mis à l’eau début 2022. Malgré quelques semaines de retard sur les planning initiaux, le lanceur Ariane 6 sera prêt pour son vol inaugural, assurait début octobre ArianeGroup et Arianespace, qui ont finalisé la revue de conception détaillée du lanceur européen le 25 septembre. Cette phase validée, il entre de facto dans sa phase finale de qualification pour vol. Initialement prévu en juillet 2020, le premier vol devrait se dérouler courant septembre. Les trois moteurs du lanceur sont également prêts (le Vulcain 2.1, qui propulsera l'étage principal d'Ariane 6, et le moteur Vinci de l'étage supérieur ont terminé leurs tests de qualification). Le prochain rendez-vous majeur pour Ariane 6 est le début des tests combinés entre le lanceur et son pas de tir à Kourou, en Guyane, dont la construction s'achève.

Pour ce premier vol, le lanceur européen emportera 30 satellites de la constellation OneWeb. Après un allumage commercial poussif, Ariane 6 a contractualisé six services de lancements à ce jour. Le Conseil de l'Agence spatiale européenne a voté une résolution le 17 avril dernier qui engage l'ESA à passer de 3 à 7 commandes fermes d'ici la prochaine conférence interministérielle prévue en novembre, à Séville.

Néanmoins, de 2021 à 2023, seules huit Ariane 5 et quatorze Ariane 6 seront lancées. Cela représente une moyenne de 8 tirs par an alors que le business plan s'appuyait sur 11 tirs par an. Les quatorze lanceurs, destinés à voler entre 2021 et 2023, seront produits dans les usines d'ArianeGroup en France et en Allemagne, et celles de ses partenaires dispersées dans 13 pays.

Tracté par le vent, le Ville de Bordeaux transportera dès 2021 les ailes, les pointes avant et les dérives des A320 depuis le site de Saint-Nazaire pour être assemblées à l’usine de Mobile, dans le Sud-Est des Etats-Unis. ©DR

Logistique maritime 

Airbus a aussi misé sur la logistique maritime pour en faire un des piliers de la supply chain européenne et internationale. « Plus de 50 % des composants des 700 avions produits par an par Airbus empruntent la mer, le reste voyage par les airs », expliquait Pierre Vermande lors d’un colloque sur la « maritimisation » du monde organisé le 28 mai à Paris par le Medef International et le Cluster maritime français. L’arrêt du programme A380, dont les transports associés sont prévus jusqu’au 2e trimestre 2020, n’y changera rien, assurait alors le directeur Transports Oversize Surface de l’avionneur européen.


Pour ces transports maritimes, Airbus s’appuie notamment sur une flotte de 5 navires dont 3 conçus et opérés par Louis Dreyfus Armateurs (LDA) « dans le cadre d’un partenariat de long terme de plus de 20 ans ». Pour conforter sa logistique maritime, LDA est aussi chargé de rechercher les partenaires industriels dans le but d’optimiser les coefficients de remplissage de ses navires. Le Ville de Bordeaux, un des 3 ro-ro avec le City of Hamburg et Ciudad de Cadiz, sous pavillon français et armés par LDA, sera équipé par la SeaWing, une voile de 1 000 m² reliée au navire par un câble de 400 m développée par une jeune entreprise toulousaine Airseas, né dans l’incubateur d’Airbus en 2016 (devenue une filiale). La voile, en complément d'une motorisation thermique, a été testée, d’une surface de 500 m², sur le Ciudad de Cadiz qui transporte les pièces d’Airbus entre Bristol et Pauillac (Gironde). Le Ville de Bordeaux transportera dès 2021 les ailes, les pointes avant et les dérives des A320 depuis le site de Saint-Nazaire pour être assemblées à l’usine de Mobile, dans le Sud-Est des États-Unis.

LDA planche aussi de son côté sur la conception d'un grand navire roulier transocéanique avec intégration complète de la propulsion assistée par le vent. 

Adeline Descamps

 

Colas, Vicat, Roullier s'appuient aussi sur une logistique maritime

Colas filiale du groupe Bouygues qui « consomme jusqu’à 5 Mt de bitume par an » a initié une logistique fluvio-maritime opérée par sa filiale Miller MacAsphalt, qui intervient sur les principaux ports de la côte Est des Etats-Unis et du Canada ainsi qu’à l’intérieur des terres via le Saint-Laurent et les Grands Lacs jusqu’à Chicago. Avec la même approche, le groupe de BTP s’appuie sur le maritime pour le transport de bitume sur la zone Asie-Pacifique au moyen d’une flotte de 7 tankers.

Fournisseur de l’industrie agroalimentaire, le groupe breton Roullier vend 5 Mt de produits à travers le monde, dont 3 millions sont transportés par mer. En association avec LDA, le chargeur opère aujourd’hui 4 navires. Un schéma logistique qui lui permet d’accéder aux petits ports, où sont localisées une partie de ses 96 usines. 


Le cimentier Vicat s’est doté récemment d’un navire de 3 000 t afin d’assurer la desserte ilienne dont la Corse et ce bien que 80 % de ses unités de production soient situées à plus de 100 km de la mer. Cette logistique maritime lui assure notamment l’approvisionnement en matières premières telles que la bauxite et les combustibles. Chaque année, le Français achète pour 22 M€ de prestations maritimes pour transporter ses marchandises d’une valeur de 120 M€. Sans ce sourcing par voie maritime, indique ce groupe, ses coûts de production seraient 30 % supérieurs et son coût de logistique, multiplié par deux.

 

 

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