Les navires en fin de vie demeurent toujours un épineux problème pour les armateurs. « Souhaitant tirer profit de la cession de ces navires, les armateurs peu scrupuleux continuent de les vendre à des intérêts tiers pour les envoyer ensuite dans des chantiers de déconstruction, en Asie du Sud, qui les démolissent dans des conditions sociales et environnementales intolérables », dénonce Shipbreaking Platform. En 2015, l’organisation non gouvernementale a dénombré 768 navires envoyés dans des chantiers de déconstruction, dont 469 – soit 73 % – dans des chantiers d’Asie du Sud où les conditions sociales et environnementales ne sont pas respectées. Ces chantiers sont souvent installés sur des plages, ce qui complique sévèrement les conditions de travail. Le solde des 299 navires déconstruits au cours de l’année l’a été dans des chantiers qui disposent d’installations à quai.
En comparant avec l’an passé, ce sont 25,1 % de navires en moins qui ont été déconstruits, selon le décompte de Shipbreaking Platform. Néanmoins, en 2015, la proportion de navires envoyés dans les chantiers d’Asie du Sud a augmenté, passant de 62, 5 % à 73 %. À regarder les chiffres sur les trois dernières années, le nombre de navires déconstruits dans une installation du Sud asiatique est en diminution de 37,5 %.
Au palmarès des pays à recevoir ces navires, le Bangladesh arrive en tête cette année après avoir doublé l’Inde qui a longtemps occupé la pole position. En nombre de navires, Inde et Bangladesh rivalisent avec chacun 194 navires. Le Bangladesh arrive en première place en nombre de tonnes déconstruites avec 6,7 Mt contre 4,5 Mt pour l’Inde. La Chine fait une entrée fracassante dans ce classement avec 158 navires déconstruits sur des plages. Vient ensuite le Pakistan avec 84 navires, soit 16 de moins qu’en 2014.
64 % des navires européens
Les armateurs de ces navires se situent toujours dans les mêmes pays. La Grèce arrive en tête suivie par l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud et la Russie qui chacun ont envoyé quasiment tous leurs vieux navires dans des chantiers situés sur des plages. Et pour continuer dans cette veine, Shipbreaking Platform souligne que les navires sous pavillon ou contrôlés par des intérêts européens ont pesé 28,5 % du total des navires envoyés dans les installations d’Asie du Sud. Au total, 64 % des navires européens déconstruits dans le monde l’ont été sur des plages d’Asie du Sud. « Alors que quelques armateurs européens font preuve de responsabilité dans la déconstruction de leurs navires et les envoient dans des chantiers qui assurent une fin de vie propre d’un point de vue environnemental, 64 % des navires partent vers des chantiers moins respectueux », explique le rapport annuel de l’ONG.
Le constat dressé, Shipbreaking Platform rappelle son action en faveur de la mise en place d’un texte sur le démantèlement de navires. Après la convention de Hong Kong en 2009 par l’OMI, dont l’entrée en vigueur ne devrait pas intervenir avant de nombreuses années, l’Europe a mis sur pied un règlement en 2013 qui devrait prendre effet en 2019 au plus tard (en 2017, estime Shipbreaking Platform). Ce texte visera donc l’ensemble de la flotte européenne, soit 40 % du total mondial. Le texte prévoit de donner une liste de chantiers agréés pour la fin de vie des navires.
La CFDT veut pousser le dossier
Depuis le mois de mai, la CFDT participe à un groupe de travail au sein du Conseil économique et social européen sur le démantèlement des navires. La convention de Hong Kong de 2009 est encore loin d’être mise en application. En effet, elle n’a été ratifiée que par quatre pays à ce jour alors qu’elle nécessite la signature de quinze pays représentant 40 % du tonnage mondial. La CFDT veut pousser ce dossier « pour que l’Union européenne prenne ses responsabilités face à cette situation intolérable. »