Les 1er et 2 juin, à Paris, les pays membres de l’OCDE se sont réunis en Conseil au niveau des ministres. À cette occasion, les « perspectives économiques » pour le deuxième semestre 2016 et l’année 2017 ont été présentées pour les 34 pays membres de l’OCDE à travers le monde, de l’Amérique du Nord et du Sud à l’Europe et l’Asie-Pacifique. Selon le résumé de cette publication, la hausse du PIB mondial devrait être modeste et s’établir à 3 % en 2016, sensiblement au même niveau qu’en 2015, « sous l’effet conjugué de la morosité de la progression des échanges, de l’évolution en demi-teinte des salaires et du ralentissement de l’activité sur les grands marchés émergents ». Le PIB mondial ne devrait croître que de manière mesurée en 2017 pour atteindre 3,3 %. En ce qui concerne les grandes économies avancées, une reprise modérée se poursuivra aux États-Unis, où la croissance devrait ressortir à 1,8 % en 2016 et 2,2 % en 2017. La zone Euro enregistrera une lente amélioration, et l’activité économique devrait y progresser de 1,6 % en 2016 et de 1,7 % en 2017. Au Japon, la croissance s’établira à 0,7 % en 2016 et 0,4 % en 2017. Pour les 34 pays membres de l’OCDE, « les projections permettent de tabler sur une hausse de l’activité de 1,8 % en 2016 et de 2,1 % en 2017 ». En Chine, « sur fond de poursuite du rééquilibrage de l’activité, la croissance, bien que soutenue par des mesures de relance par la demande, devrait continuer de s’éroder pour passer à 6,5 % en 2016 et 6,2 % en 2017 ». En Inde, « la croissance devrait s’établir aux alentours de 7,5 % cette année comme l’année prochaine, mais l’élan continue de s’essouffler dans de nombreuses économies émergentes ». La Russie et le Brésil « resteront plongés dans une profonde récession, et l’activité devrait ainsi se contracter de 4,3 % en 2016 et de 1,7 % en 2017 au Brésil ».
Ne pas s’en remettre à la politique monétaire
Les perspectives de l’OCDE soulignent l’existence de plusieurs risques qui pourraient entraîner une révision à la baisse des prévisions. « Un vote du Royaume-Uni consacrant sa sortie de l’Union européenne aurait un impact économique négatif sur le Royaume-Uni, sur d’autres économies européennes et sur le reste du monde. » Un Brexit provoquerait des incertitudes économiques, freinerait la croissance des échanges, et les conséquences au niveau mondial seraient encore plus prononcées si le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne devait déclencher un épisode de volatilité sur les marchés de capitaux. D’ici à 2030, en cas de Brexit, le PIB du Royaume-Uni pourrait être amputé de plus de 5 %. Plus globalement, le constat de l’OCDE est que « l’économie mondiale est prise au piège d’une croissance molle qui nécessite de recourir de manière plus large et mieux coordonnée aux politiques budgétaires, monétaires et structurelles pour qu’il soit possible de s’orienter vers une trajectoire de croissance plus vigoureuse et de veiller à ce que les promesses faites aux générations actuelles et futures puissent être honorées ». Le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, a expliqué: « La croissance est atone dans les économies avancées et a ralenti dans nombre d’économies émergentes qui ont joué le rôle de locomotives mondiales depuis la crise. Le ralentissement de la hausse de la productivité et le creusement des inégalités s’ajoutent aux défis en cours. Les décideurs publics doivent de toute urgence prendre des mesures globales pour qu’il soit possible, avec certitude, de sortir de cette dynamique de croissance décevante et d’imprimer à nos économies un élan qui leur permettra de préserver les niveaux de vie de tous. » La chef économiste de l’OCDE, Catherine L. Mann, a précisé: « Si nous n’agissons pas pour stimuler la productivité et la croissance potentielle, ce sont toutes les générations, jeunes et plus âgées, qui en pâtiront. Plus longtemps l’économie restera engluée dans ce piège de la croissance molle, plus il sera difficile aux pouvoirs publics d’honorer les promesses les plus fondamentales. Les conséquences de l’inaction se traduiront en termes de médiocrité des perspectives de carrière offertes à la jeunesse, qui a déjà beaucoup souffert de la crise, et de baisse des revenus des futurs retraités. »
Série d’actions
Aussi, l’OCDE propose une série d’actions à mener par les pouvoirs publics. Ceux-ci devraient notamment faire un usage plus large de la politique budgétaire et insuffler un nouvel élan aux réformes structurelles pour sortir du piège de la croissance molle. Selon l’OCDE, « s’en remettre uniquement à la politique monétaire ne peut donner des résultats satisfaisants en matière de croissance et d’inflation. Un surcroît d’assouplissement monétaire pourrait ainsi se révéler moins efficace aujourd’hui que dans le passé, voire contre-productif dans certains cas ». L’organisation estime que dans de nombreux pays, « il existe une marge de manœuvre permettant de mobiliser les politiques budgétaires pour renforcer l’activité grâce à l’investissement public, notamment parce que les taux d’intérêt à long terme ont permis, dans les faits, d’accroître la latitude budgétaire. Quasiment tous les pays ont, dans une certaine mesure, la possibilité de réaffecter les dépenses publiques au profit de projets plus favorables à la croissance, mais il n’en reste pas moins qu’une action collective de la part de tous les pays visant à accroître l’investissement public dans des projets susceptibles d’avoir un impact puissant sur la croissance permettrait de redynamiser la demande et d’améliorer la viabilité des finances publiques ». Compte tenu de la faiblesse de l’économie mondiale, et sur fond de creusement des inégalités dans de nombreux pays, des réformes structurelles plus ambitieuses, visant en particulier les secteurs de services, pourraient, selon l’OCDE, fortifier la demande à court terme et favoriser des améliorations à long terme en matière d’emploi, de hausse de la productivité et d’inclusivité.
Les prévisions de l’OCDE pour la France
Pour la France, la croissance économique devrait atteindre 1,4 % en 2016 et 1,5 % en 2017 grâce à la baisse des prix de l’énergie, aux allégements des cotisations sociales et des impôts sur les entreprises et à la faiblesse persistante des taux d’intérêt, selon les « perspectives économiques » de l’OCDE publiées le 1er juin. À la faveur de la réduction des cotisations sociales et de nouvelles aides à l’embauche, l’emploi va augmenter, ce qui n’entraînera toutefois qu’un reflux progressif du chômage. L’inflation restera peu élevée, les capacités de production demeurant partiellement utilisées jusqu’à la fin de la période de prévision.
En dépit des allégements d’impôt, la diminution du coût du service de la dette et le resserrement de certaines dépenses devraient réduire le déficit budgétaire pour le ramener à environ 3 % du PIB en 2017. Ces évolutions limiteront de nouvelles hausses de la dette publique tout en minimisant les risques pesant sur une reprise encore fragile. Pour lutter contre le chômage élevé, les autorités ont annoncé de nouvelles aides à l’embauche pour les petites et moyennes entreprises, et ont augmenté le nombre de formations offertes aux demandeurs d’emploi. Un projet de réforme du marché du travail clarifie les conditions de licenciement économique et offre plus de possibilités de négociation au niveau de l’entreprise, principalement au sujet du temps de travail.
La productivité est élevée mais progresse faiblement depuis plusieurs décennies. La mise en œuvre rapide des systèmes prévus d’assurance-qualité et d’orientation pour la formation professionnelle contribuerait à une meilleure insertion des travailleurs peu qualifiés en augmentant leur productivité. Une plus grande certitude juridique en cas de licenciement pourrait encourager les entreprises à embaucher et à développer leurs activités, en proposant des emplois plus stables. L’assouplissement des conditions d’accès à un plus grand nombre de professions réglementées stimulerait la concurrence et la productivité, entraînant une baisse des prix qui serait profitable aux consommateurs, en particulier aux plus pauvres.