Les entreprises françaises doivent être prudentes mais présentes

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Depuis la levée des sanctions, l’Iran prend la voie de sa réintégration économique dans les échanges internationaux. S’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de cette réintégration sur les activités maritimes et portuaires au niveau mondial, il est certain que s’ouvre un gigantesque marché qui intéresse au premier chef les compagnies de transport maritime.

Du temps, c’est ce qu’il faudra pour rétablir la fluidité des circuits bancaires tout d’abord. L’économie iranienne ne sort pas indemne de longues années d’embargo. Au niveau des ressources pétrolières, les techniques d’exploitation sont dépassées et nécessitent des investissements de modernisation pour augmenter les quantités produites. La reprise s’effectue dans un contexte de marché très peu favorable, avec une offre excédentaire et des prix du baril bas. Le coût marginal d’investissement est par conséquent très lourd pour l’Iran.

Ce pays doit non seulement réviser et moderniser ses appareils de production en hydrocarbures, mais également ses infrastructures aéroportuaires, portuaires et ferroviaires pour assurer dans de bonnes conditions la logistique d’import/export. Tous ces efforts représentent des investissements colossaux et le gouvernement va devoir prioriser les dépenses. Ce qu’il est ressorti de la visite à Téhéran de la délégation française du Medef fin septembre – avec Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, et Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l’étranger –, c’est que les choix du gouvernement iranien sur l’ordre de priorité des investissements ne sont pas encore arrêtés. Notre source présume néanmoins que le domaine portuaire ne sera pas négligé du fait qu’il représente un enjeu crucial, comme en témoigne le contrat de développement du port de Chabahar signé avec les autorités indiennes. Ce port présente l’intérêt d’ouvrir l’espace maritime iranien en dehors du golfe Persique et d’offrir de meilleures conditions de sécurité en cas de troubles dans la région.

L’augmentation des trafics ne doit pas être surestimée

Les grandes compagnies maritimes internationales Cosco, Evergreen, CMA CGM, entre autres, ont déjà manifesté leur intérêt pour le marché iranien. CMA CGM, outre les accords de partenariat avec la compagnie de transport maritime iranienne Islamic Republic of Iran Shipping Lines (Irisl) pour des échanges d’espace de navires, a annoncé l’ouverture de six agences locales en Iran dès avril.

Toutefois, notre source invite à relativiser l’impact du retour de l’Iran comme destination maritime sur une possible redynamisation du secteur. L’augmentation des trafics ne doit pas être surestimée. D’une part, elle sera progressive. D’autre part, une partie des trafics réalisés avec l’Iran correspondra à un « effet de transfert » des trafics qui transitaient jusque-là par Dubaï. Enfin, le volume des importations en Europe, notamment en hydrocarbures, n’est pas soumis à l’augmentation de l’offre, mais répond aux besoins qui, eux, sont fixes et contrôlés.

Notre source souligne la complexité que peut parfois présenter l’organisation entrepreuneriale iranienne, qui nécessite « un réel coût d’apprentissage » pour identifier clairement ses interlocuteurs, si une société dépend du régime ou d’une fondation religieuse, par exemple. Selon cette source, commercer avec l’Iran implique de prendre le temps d’établir des relations de confiance et de bien comprendre le contexte politique, les « luttes intérieures » qui opposent les conservateurs, notamment les Pasdarans, le corps des Gardiens de la révolution islamique, fortement impliqués dans l’économie du pays, et les réformateurs. Le Maédi assure une mission de conseil auprès des opérateurs qui souhaitent investir en Iran, sous plusieurs formes.

Services à l’export, mises en relation

Dans ce cadre, l’ouverture d’un bureau de Business France à Téhéran en octobre offre des services à l’export: identifier des prospects et partenaires potentiels, effectuer une veille de marché et proposer des « mises en relation ». En termes de communication, les opérateurs peuvent exposer sous « pavillon français » au prochain salon organisé à Téhéran par le service Énergie, environnement, chimie, du 2 au 15 mai, intitulé Iran Oil and Gas 2016, ou participer du 28 mai au 1er juin à l’une des « missions plurisectorielles en Iran ». Des événements de ce type se multiplient notamment en direction des PME, pour les aider à développer sur le terrain les marchés de niche qu’elles ont identifiés et travaillés en amont.

Le frein principal à la reprise des activités commerciales avec l’Iran reste lié à la question du rythme de la remise en place des circuits financiers et d’assurances. À ce niveau, un signe engageant est marqué par l’accord signé le 29 janvier entre la Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) et la Banque centrale d’Iran sur le paiement de montants dus par des débiteurs iraniens. L’accord ouvre la voie au rétablissement des affaires entre les deux pays et permet à la Coface d’opérer à nouveau sur l’Iran en proposant des assurances-crédits à l’exportation. Cependant, notre source rappelle qu’à l’échelle internationale, les mécanismes d’assurance et de réassurance restent tributaires du cadre américain de levée des sanctions, et qu’une explicitation des sanctions américaines maintenues au titre du Congrès, ainsi qu’au titre des mesures antiterrorisme est nécessaire. Dans ce besoin de clarification, les « guidances », les lignes directives du Trésor américain, sont très attendues notamment par les banques françaises. Le marché iranien offre un gigantesque potentiel, déjà fortement concurrentiel, et les entreprises françaises ont toute leur part à y prendre: « Il faut être prudent, mais surtout être présent », conclut notre source à l’intention des opérateurs. Pour celle-ci, les entreprises des autres pays européens n’ont pas attendu et se succèdent en Iran. Les entreprises françaises doivent prendre le même chemin.

Enquête Iran

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