CMA CGM réitère les performances financières au premier trimestre 2022

Entre janvier et mars, le groupe de transport maritime et de logistique a fait mieux que le précédent trimestre, qui était considéré comme exceptionnel. Le résultat net ressort à 7,2 Md$, soit 40 % du bénéfice réalisé sur l’ensemble de l’historique année 2021. L’Ebitda, qui reflète sa rentabilité opérationnelle et ses flux de trésorerie, s’est établi à 8,9 Md$. Plus inattendu, CMA CGM, grand promoteur du GNL, a annoncé une commande de six porte-conteneurs dual fuel de 15 000 EVP au méthanol.

Tout a un coût élevé dans ce monde en transitions fondamentales. À peine remis d’une pandémie planétaire, qui a désorganisé des pans entiers de l’économie mondiale mais déjà rattrapé par une guerre aux portes de l’Europe qui stratifie les crises et les tensions sur les matières premières, les denrées alimentaires et les énergies. Toutes volatiles, mouvantes et incertaines.

Si l’ensemble pourrait entamer la consommation des ménages, dégrader la situation économique et assombrir les perspectives de croissance du commerce mondial, les résultats financiers du premier trimestre des plus grands armateurs de porte-conteneurs témoignent encore d’une situation enviable alors qu’ils avaient déjà été particulièrement gâtés par la conjoncture en 2021 avec un bénéfice collectif de quelque 200 Md$. La congestion portuaire et les tensions logistiques à terre restent les meilleures alliées des taux de fret. 

Source : CMA CGM, ©JMM

Un résultat net en hausse de 5 121 % sur un an

À l’instar de Maersk, Hapag-Lloyd et ZIM, qui ont déjà présenté leur exercice, CMA CGM a renouvelé les performances des précédents trimestres. Entre janvier et mars, le chiffre d’affaires du groupe maritime français (toutes activités confondues) a atteint 18,2 Md$, auquel ses activités maritimes ont contribué à hauteur de 14,85 Md$, non loin de son concurrent direct dans le classement mondial de la ligne régulière, Maersk avec son chiffre d’affaires de 15,57 Md$.

L’Ebitda (bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements), qui reflète sa rentabilité opérationnelle, s’est établi à 8,9 Md$. Soit une marge de 48,7 %. Mais cet indicateur (mesure du bénéfice d’exploitation en pourcentage de son chiffre d’affaires) n’a de sens que comparé à celui de ses concurrents.

Le résultat net part du groupe ressort à 7,2 Md$. CMA CGM a donc réalisé en trois mois 40 % du bénéfice net enregistré sur l’ensemble de l’année 2021 (17,9 Md$). Pour les opérations maritimes, seule la rentabilité d’exploitation est communiquée (8,53 Md$). Il fait à cet égard mieux que le danois (8,21 Md$).

Sur un an, le groupe français a donc vu ses revenus bondir de 69,9 %, sa rentabilité progresser de 178,6 % et son résultat net exploser de 5 121 % alors que sa marge a gagné 19 points. La croissance est plus forte encore sur le fret maritime (cf. tableau) avec notamment un chiffre d’affaires en hausse de 73,2 %. Sur la même période, les revenus trimestriels de Hapag-Lloyd ont augmenté de 187 % et ceux de Maersk de 121 %. 

CMA CGM : des résultats à l'image d'une année 2021 phénoménale 

Revenu moyen par EVP de 2 800 $

Parmi les transporteurs les plus lestés de dettes avant la pandémie avec 18 Md$l’entreprise marseillaise a encore tiré parti de son cash-flow pour réduire son endettement, à 6,9 Md$ au 31 mars alors qu’il était encore de 7,7 Md$ il y a trois mois

Les perturbations du transport maritime, qui se matérialisent par un allongement des temps de transit et des irréductibles retards de navires, se lisent dans les volumes transportés, qui durant les trois premiers mois de l’année se sont encore repliés de 2,8 % par rapport au premier trimestre 2021 avec 5,3 MEVP après avoir accusé une baisse de 4,3 % en 2021. 

Rien de nouveau en ce premier trimestre. Les compagnies maritimes ne doivent plus leurs recettes au nombre de boîtes transportées mais aux tarifs pour les embarquer. Le revenu moyen par EVP, qui avait été de 2 055 $, sur l’année 2021, s’est encore renchéri de 800 $.

Des dépenses d’exploitation en hausse de 16 %

Au regard de la rentabilité dégagée, ils ont été suffisamment élevés pour couvrir des coûts d’exploitation – soutes, affrètement dans un contexte de navires trop rares pour répondre à une demande trop forte, manutention portuaire obérée par la congestion –, en hausse de 16 % sur une base annuelle. Les seules dépenses unitaires de soutage ont gonflé de 46 %.

Le prix moyen du VLSFO, fuel à basse teneur en soufre, vient de franchir la barre des 1 000 $ (source : Ship&Bunker) dans un contexte d’offre serrée et de stocks tendus avec le repli de la production russe et la réorientation vers l’Est. Les compagnies ont toutefois la possibilité de compenser. Selon Xeneta, les surcharges liées aux soutes (Bunker Adjustment Factor, Fuel Adjustment Factor, Sulphur Surcharge...) ont augmenté de 50 % en moyenne depuis le début de l'année, frisant les 600 $ par conteneur de 40 pieds (FEU) et plus de 1 000 $ sur certaines routes. La part de la surcharge carburant dans le coût total du transport maritime s’établirait en moyenne à 13 %.  

Source : CMA CGM, ©JMM

Logistique en redressement continu

Enfin, la logistique contractuelle, dont la part dans le groupe est appelée à se développer au vu de ses récentes acquisitions (activités d’Ingram CLS et du spécialiste de la livraison du dernier kilomètre Colis Privé, notamment), est encore essentiellement incarnée par les activités de l'ex-commissionnaire suisse Ceva acquis en 2019.

Le chiffre d’affaires du segment est passé de 2,15 à 3,39 Md$ en un an et l’Ebitda de 172 à 250 M$ « malgré un contexte inflationniste, qui pèse sur les opérations et leur profitabilité, souligne le communiqué du groupe. Ceva a su mitiger ces impacts grâce à son dynamisme commercial dans le secteur Consumer et Retail et en particulier le e-commerce. » Néanmoins, la marge d’Ebitda reste faible (8 %) et a encore perdu 0,6 point (après avoir cédé 0,2 % point sur l’ensemble de l’année), ce qui tend à montrer une efficacité limitée à réduire ses coûts.

Incertitudes pour le reste de l’année

« En raison de la forte demande, du manque de capacité de transport disponible et de la congestion portuaire persistante, les tensions sur les chaînes logistiques mondiales vont perdurer (…) Nous sommes par ailleurs vigilants face au risque de dégradation de la situation économique mondiale, liée à la pandémie, la hausse de l’inflation et la guerre en Ukraine », indique Rodolphe Saadé dans le communiqué du groupe diffusé à l’issue du conseil d’administration.  

Si l’environnement de marché demeure incertain, le dirigeant reste néanmoins confiant quant aux performances financières du groupe pour l’année 2022. 

Consolidation portuaire

Au cours du premier trimestre, CMA CGM a finalisé l’acquisition de 90 % du terminal Fenix Marine Services de Los Angeles, pour lesquels elle a dégagé 2,3 Md$ (soit 2,7 fois plus que le prix auquel il l’a vendu il y a cinq ans) et dont elle détenait déjà 10 %. Cette concrétisation porte à 50 le nombre de terminaux portuaires dans lesquels le groupe a des participations.

Les opérations portuaires ont par ailleurs débuté en mars 2022 à Beyrouth. CMA Terminals en a récemment obtenu la concession pour dix ans. La filiale portuaire du groupe s’est engagée sur un objectif de 1,4 MEVP et un plan d’investissement de 33 M$. 

CMA CGM au capital d'Air France-KLM

Air France et Gefco, l’impensable et le probable

Depuis le début de l’année, le troisième armateur mondial de porte-conteneurs s’est surtout distingué par deux prises dont une a particulièrement interloqué.

Il a sorti de l’impasse Gefco avec l’acquisition de « près de » 100 % du spécialiste de la logistique automobile. Le commissionnaire était embarrassé par son principal actionnaire Russian Railways en raison des sanctions envers la Russie. L’armateur n’a toujours pas précisé les modalités de la transaction et du passage de témoin avec Stellantis.

Mais c’est surtout son entrée au capital d’Air France-KLM à hauteur de 9 % qui a détoné. L’accord entre les deux titans du transport aérien et maritime permettra de mettre en commun un pool de dix tout-cargos qui, avec les commandes en cours, sera porté à 22. De quoi donner des ailes à CMA CGM Air Cargo. Lancée en 2021 avec quatre A330-200F basés à Liège, la jeune compagnie aérienne de l’exploitant de navires a obtenu le 1er juin son CTA (certificat de transport aérien) et a effectué son premier vol au départ de Roissy-CDG dans la nuit du 1er au 2 juin avec le premier de ses deux B777F. 

Mais en participant à la seconde recapitalisation de 2,26 Md$ du transporteur aérien franco-néerlandais, l’armateur national deviendrait aussi son troisième actionnaire après les États français (28,6 %) et néerlandais (9,3 %)* si l'opération close le 9 juin se déroule comme prévu. Les 400 M€ que CMA CGM va investir tombent à point nommé pour renforcer les fonds propres de la compagnie aérienne, réduire son endettement et rembourser le solde (1,7 Md€) de son prêt garanti par l'État (PGE) alors qu’elle sort secouée de la crise sanitaire qui lui a coûté près de 11 Md€. 

En contribuant à libérer Air France KLM du remboursement des aides d’État, CMA CGM permettrait à Air France de participer à la consolidation du secteur aérien, ce qui est lui est actuellement interdit par Bruxelles (la Commission européenne ne permet pas à une société de prendre 10 % du capital d'une autre si elle n'a pas remboursé 75 % d’une aide d’État). Et le transporteur aérien français semble l’être à en juger par sa participation au consortium qui a soumis une offre pour reprendre la compagnie transalpine ITA Airways, l’héritière d'Alitalia qui a fait faillite en 2021. Or, l’alliance Air France-KLM, Delta et Certares se heurte sur ce dossier à un os : la soumission portée par le duo Lufthansa-MSC. Et l’homologue allemande de Air France-KLM n’a pas, elle, de dettes envers le citoyen allemand.

 Adeline Descamps

* La participation de China Eastern passerait de 9,6 à 4,7 % et celle de Delta de 5,8 à 2,9 %. 

 

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