Italie : les transporteurs se mobilisent pour les élections européennes

À deux mois des élections européennes et soixante ans après la signature du traité de Rome, la question de l’Union européenne est désormais au cœur de nombreux débats qui brossent le portrait d’un pays tiraillé mais globalement prêt à se faire entendre le jour du scrutin.

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À entendre les Italiens maudire chaque jour l'Union européenne, qui ne saurait pas les écouter et les traite comme le parent pauvre que l’on place systématiquement en bout de table, on pourrait croire qu’ils sont prêts à claquer la porte. Pourtant, rien n’est moins vrai, comme le démontrent les derniers sondages qui affirment au contraire que les Italiens n’ont pas l’intention de se lancer dans la périlleuse aventure d’un "Italexit". 

Selon une enquête publiée par l’institut d’études économiques et sociales Eurispes, 60,9 % de la population, soit plus de six Italiens sur dix, ne veut pas abandonner le paquebot Europe. Ce chiffre contredit l’enquête publiée en septembre dernier par l’Eurobaromètre qui affirmait que seulement 44 % des Italiens accepteraient de rester au sein de l’union européenne en cas de référendum. Autre donnée intéressante : malgré un jugement globalement négatif sur l’euro considéré comme un véritable carcan, seulement 23,9 % des Transalpins souhaitent sortir du cercle de la monnaie unique contre 33 % il y a deux ans.

Mais ces chiffres ne veulent pas dire que tout va bien, au contraire. Car l’Europe vue par les Italiens n’a rien de bien séduisant. Ils la décrivent comme "très lointaine", égoïste, particulièrement incapable de comprendre les aspirations des citoyens en uniformisant par exemple les systèmes, notamment au chapitre de l’emploi, des salaires et de l’immigration, la bête noire des Italiens.

Deux camps

En clair, ils estiment que l’Europe ne sait pas améliorer leur qualité de vie et au contraire, qu’elle les appauvrit. “Ce sentiment est particulièrement fort chez les petits transporteurs, du moins ceux qui ne sont pas des entrepreneurs individuels car ceux-là ne se sentent pas concernés par la question de l’Union européenne (UE), qui estiment que la structure européenne actuelle est trop fragmentée, désarticulée et peu encline au compromis, qu’elle n’est pas en mesure de répondre aux besoins du secteur", note Sergio Soffiatti de Confartigianato Trasporti, la confédération des transporteurs et des petits artisans, qui représente en Italie quelques 25 000 transporteurs et une flotte de 75 000 véhicules. 

À deux mois des élections européennes et soixante ans après la signature du traité de Rome, la question de l’Union européenne est désormais au cœur de nombreux débats qui brossent le portrait d’un pays tiraillé mais globalement prêt à se faire entendre le jour du scrutin."Il y a deux courants de pensée en Italie avec, d’un côté, ceux qui perçoivent l’UE comme une possibilité de développement et d’intégration sociale et économique des pays membres au sein d’un seul continent. De l’autre, ceux qui vivent l’Europe comme un carcan, une structure politique et économique qui impose des règles et représente un danger pour la suprématie nationale du pays", estime le sociologue Antimo Luigi Farro. 

Rétablir la confiance

Alors comment faire bouger les choses et rétablir la confiance envers cette Union européenne tant décriée ? "Il faudrait entamer un parcours de remise en ordre, d’harmonisation entre les systèmes des pays membres pour combler le fossé, cela aurait dû être fait il y a quinze ou vingt ans. Aujourd’hui, nous sentons le poids des différences, par exemple au niveau des cotisations sociales, les entrepreneurs des états de l’Europe de l’Est sont favorisés car ils payent  moins que les ”vieux” pays et cela pénalise la filière italienne par exemple", analyse Sergio Soffiatti.

Cela veut dire convaincre les pays de l’UE que chacun ne doit pas rouler pour son propre compte, notamment au chapitre de la fiscalité, et introduire des notions de référence. “Deux points sont essentiels dans les bilans des petits entrepreneurs comme des entreprises en général : le coût de la main-d’œuvre et celui de l’énergie. Commençons par intervenir à ce niveau, cela lancerait un signal”, estime Sergio Soffiati. Il ajoute que les petits transporteurs qui votent en général pour les partis de centre-droit sont “les patrons qui n’ont pas les mêmes responsabilités et inquiétudes que les salariés” qui réclament avant tout une baisse de la taxation fiscale et une simplification au niveau administratif.

Des transporteurs mobilisés

Autre point important : les conditions de travail inégales au sein de l’Union. “Là encore il y a trop de déséquilibres, le marché n’est pas suffisamment stimulé, il faut introduire des politiques d’aide à l’emploi solides et uniformes”, estime ce syndicaliste. Pour réformer le système en profondeur et introduire un principe d’harmonisation, les transporteurs estiment aussi que l’autorité de la Commission devra être renforcée et  surtout, que  le prochain commissaire européen aux Transports, devra être un spécialiste. “Il devra être au fait des problématiques du secteur et être aussi suffisamment fort au niveau politique pour intervenir sur chaque pays membre”, préconise Sergio Soffiati. 

En attendant le jour du scrutin, les transporteurs se mobilisent pour faire entendre leurs revendications aux différents partis qui aligneront leurs candidats aux élections européennes. L’UETR, qui représente 200 000 transporteurs européens et une flotte de 400 000 véhicules, prépare un document qui sera présenté aux différents partis. Ce cahier de doléances des transporteurs évoque, entre autres, les questions de la compétitivité, de l’emploi, de la numérisation et des infrastructures. “Nous affrontons une période de défis importants qui partent de la transition énergétique à la numérisation sans oublier la sécurité et l’économie durable, il faut en finir avec l’idée de l’approche unilatérale qui pénalise la mise en place d’une politique européenne équilibrée au niveau des transports”, ajoute Sergio Soffiati. Reste à voir si la prochaine Commission saura entendre ce message.

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