Canal de Panama : MSC et CMA CGM introduisent une surcharge spéciale Panama

Article réservé aux abonnés

Les restrictions de passage et de tirant d'eau instaurées par le canal de Panama pour lutter contre son déficit hydrique, combinées à l'augmentation des tarifs, ont un impact direct sur les coûts d'exploitation, indique MSC, dernier armateur en date à avoir annoncé une surtaxe spéciale après CMA CGM.  

Il y a un mois, l’autorité du canal de Panama a annoncé qu'elle allait contingenter un peu plus le nombre de passages quotidiens et restreindre davantage les tirants d'eau. Depuis, la congestion et l'attente se sont invitées aux abords de l'une des voies maritimes les plus empruntées, notamment pour les navires transitant entre l’Asie et la côte est-américaine.

L’administration du canal prévoit de réduire les transits de 43 % d'ici au 1er février 2024. Seuls 22 navires par jour sont autorisés à partir de ce 1er décembre à franchir les écluses néo-panamax (les plus récentes, celles qui autorisent le passage des porte-conteneurs de 15 000 EVP).

Cette jauge sera ramenée à 20 créneaux en janvier et à 18 à partir du 1er février. Le gestionnaire n'exclue pas de proroger les mesures dans la mesure où les premières pluies ne sont attendues que début mai (début de la saison des pluies qui s'étend en principe de mai à décembre).

Les limites de tirant d’eau, à 13,3 m pour les écluses récentes et 12,06 m pour les anciennes, qui avaient été annoncées préalablement, pourraient être maintenus pour les dix prochains mois, ce qui réduit la capacité de transport des navires néo-panamax de 1 500 EVP.

Le gestionnaire du canal (SCA) lutte contre le déficit hydrique. Le changement climatique se traduit depuis quelques années par une évaporation plus marquée des deux lacs artificiels qui fournissent en eau le système d'écluses, celui d'Alajuela (qui menace la pêche) et du Gatun (trafic maritime), seule source d'eau du pays, dont le niveau a atteint en octobre un niveau dangereusement bas.

Panama Adjustment Factor

Au 30 novembre, selon le système de notification du canal, 115 navires attendaient de pouvoir transiter, dont 56 sans réservations, pour un temps d'attente moyen de 10 jours vers le Nord (maximum à 25,9 jours) et de 11 jours vers le Sud (maximum à 19,7 j). Entre octobre et novembre, l’attente aura doublé.

CMA CGM et MSC ont été les premiers à annoncer des surtaxes spéciales. CMA CGM imposera une « Panama Adjustment Factor » de 150 $/EVP à partir du 1er janvier 2024, se justifiant, selon l’armateur français par les restrictions de transit et les tarifs plus élevés du canal introduits en janvier.

MSC l’estime pour sa part à 297 $/EVP pour ses services Asie-Côte Est des États-Unis/Golfe du Mexique et Asie-Antilles transitant par le canal. Cette taxe entrera en vigueur dès le 15 décembre.

Perturbations mineures dans la ligne régulière

Le trafic de porte-conteneurs transitant par le canal n'a pas été vraiment perturbé jusqu'à présent car les opérateurs de lignes régulières disposent de réservations, ayant la capacité de réserver leurs passages deux à quatre semaines à l'avance. Pour autant, le PDG de Hapag-Lloyd, Rolf Habben Jansen, a confié à Alphaliner que la situation au Panama le préoccupait au point d’étudier actuellement la possibilité de réorienter une ou plusieurs rotations par le canal de Suez.

La situation a également crispé Jeremy Nixon, le PDG de la compagnie ONE, qui a adressé un courrier au président de l’État panaméen, Laurentino Cortizo, pour déplorer le manque de mesures palliant l'approvisionnement en eau douce.

Le CEO envisage également des itinéraires alternatifs. « Nous subissons depuis deux  mois des retards continus et des restrictions de tirant d’eau. Nos clients d'Asie et d'Amérique du Nord se plaignent de la fiabilité des horaires de nos services qui ne répondent pas aux exigences de rapidité de la chaîne d'approvisionnement », indique le dirigeant qui ne manque pas de rappeler que, dans le même temps, le gestionnaire du canal a relevé ses tarifs.

Spéculation sur les enchères

Pour réguler la circulation, le gestionnaire a instauré un système de vente spéciale aux enchères, proposant des créneaux supplémentaires dans les écluses panamax deux jours avant le transit pour les navires sans réservations qui attendent depuis au moins 10 jours.

La mise initiale est de 55 000 $ (en plus du tarif normal) mais les passages étant de plus en plus limités, les prix flambent. Les courtiers ont relevé quelques folies : une offre à 4 M$ et une autre à 2,85 M$. Les prix de vente se situent en principe autour ou en dessous d’1 M$. Selon Bloomberg, les compagnies maritimes avaient payé en novembre un total de quelque 235 M$ en plus du péage, ce qui, selon l'agence de transport maritime Waypoint Port Services, représente une augmentation de 20 % par rapport à 2022.

Retour des caps

Le réacheminement général a bien démarré, notamment par le cap de Bonne-Espérance ou le canal de Suez. La migration se traduit par des coûts plus élevés, des temps de trajet plus longs (10 jours par Suez dont le péage est plus cher) et un allongement des tonnes-milles (demande de transport maritime mesurée en volume multiplié par la distance), paramètre toutefois favorable aux affréteurs.

« Le type et la taille de nos navires font que nous devrons éviter le canal dans un avenir prévisible », a indiqué Lars Bonnesen, directeur général de United Heavy Lift, dans un avis aux clients. L’armateur allemand, qui opère des navires de charges lourdes pour le marché conventionnel et de fret de projet (project cargo), estime qu’il ne pourra pas passer par l’isthme centraméricain avant mai-juin 2024.

Sa flotte empruntera la route historique des caps, Bonne-Espérance ou Horn voire le canal de Suez. Le dirigeant n’a pas caché une hausse de ses tarifs.

Stolt Tankers, le plus grand opérateur mondial de chimiquiers, a également confirmé auprès de Bloomberg « un réacheminement via le canal de Suez », Panama étant « de moins en moins fiable ».

Adeline Descamps

Lire aussi

Canal de Panama : les créneaux de passage se raréfient et se monnaient chèrement

Canal de Panama : une vingtaine de navires seulement pourront transiter en janvier et février 2024

Canal de Panama : quels impacts sur les flux énergétiques et les matières premières ?
 

Trafic et lignes

Shipping

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15