Traque internationale contre des navires russes

Les immobilisations de yachts se multiplient en Europe, en Espagne, en Allemagne et désormais en France, qui vient de saisir le Amore Vero de Igor Setchine, à la tête du groupe pétrolier russe Rosneft. Une traque internationale s’organise et la scène est parfois rocambolesque alors que des yachts fuient vers des juridictions plus clémentes, tel le Graceful de Vladimir Poutine.

Il y a quelques jours, la presse relayait le geste désespéré et fou d’un marin de nationalité ukrainienne tentant de couler le yacht de son propre employeur, Alexander Mikheev, qui a dirigé un temps JSC Russian Helicopters et est aujourd’hui le PDG de Rosoboronexport, un conglomérat public russe dans la défense.

Les autres membres de l’équipage sont parvenus à le neutraliser avant qu’il ne commette son méfait à l’encontre du Lady Anastasia, un yacht de près de 50 m de long. Il s’est laissé intercepté par la police espagnole, assumant l'entière responsabilité de son entreprise.

Les autorités espagnoles doivent confirmer l'identité du propriétaire, non évidente, car ces incarnations suprêmes du luxe sont souvent détenues par des sociétés et non des particuliers selon des montages financiers et immobiliers les plus sophistiqués.

En Espagne

Avec ou sans liens avec cet événements, les autorités maritimes espagnoles ont demandé à toutes les marinas bordant les côtes espagnoles de renseigner le gouvernement sur les titres de propriété des navires de plaisance en stationnement. Parmi les premiers à être identifiés, le mégayacht Tango de 78 m, immatriculé aux Îles Cook et propriété du milliardaire Viktor Vekselberg, à la tête du conglomérat russe Renova. Il était amarré au chantier de réparation Astilleros de Mallorca lorsqu’il a été contrôlé.

Il a été question dans la presse du Clio, sous pavillon des Îles Caïmans, dont le propriétaire est Oleg Deripaska, fondateur du groupe d'aluminium russe Rusal, entreprise qui était déjà dans le viseur des sanctions américaines en 2018. Il aurait mis le cap sur les Maldives, alors que la saisie des actifs des oligarques proches du pouvoir russe n’était qu’une menace. Or, les dernières données positions reçues du navire datent du 2 janvier et il était basé aux Maldives.

En Allemagne

Ces derniers jours, les autorités allemandes ont saisi le Dilbar, parmi les plus grands au monde (156 m), appartenant à Alisher Usmanov, à la tête d’un conglomérat chapeautant Metalloinvest, la société de médias Kommersant et le fournisseur de téléphonie mobile Megafon. Selon les données AIS du navire, il est stationné dans le radoub Elbe 17 à Hambourg, cale sèche opérée par Blohm + Voss.

Le yacht personnel de Poutine, Graceful, a été lui repositionné de Hambourg au port russe de Kaliningrad au début du mois de février, ce qui le met hors de portée des sanctions occidentales.

En France

Dans la nuit du 2 au 3 mars, les services de la douane française ont procédé à la saisie du yacht Amore Vero, qui était en réparation dans un des chantiers navals de La Ciotat (Bouches-du-Rhône). Il a fait l’objet d’une procédure de confiscation « à l'issue d'un contrôle de plusieurs heures », précise la préfecture des Bouches-du-Rhône. Il est détenu par une société, dont le principal actionnaire est Igor Setchine, proche collaborateur de longue date de Vladimir Poutine quand il était alors Premier ministre. Il dirige actuellement le groupe pétrolier russe Rosneft.

Arrivé à La Ciotat le 3 janvier, le yacht devait y demeurer jusqu'au 1er avril pour y effectuer des réparations. Au moment du contrôle, le navire prenait des dispositions pour appareiller dans l'urgence, sans avoir achevé les travaux prévus, assurent les services de l’État. « Cette tentative de départ des eaux territoriales françaises constitue une infraction sur le fondement de l’article 459 du code des douanes, visant toute personne contrevenant aux mesures de restriction des relations économiques et financières prévues par la réglementation communautaire », indique le communiqué.

Le Amore Vero est le troisième navire intercepté dans l’Hexagone après le roulier Baltic Leader, qui transportait des véhicules à destination de Saint-Pétersbourg, et a été saisi dans la nuit du vendredi 25 au samedi 26 février par la police maritime à Boulogne-sur-Mer et le vraquier Victor Andryukhin à Fos, où il devait charger des bobines d’acier.

L’administration française indique qu’il y a eu cinq navires immobilisés suite à des contrôles. Les deux derniers en date sont le vraquier Pola Ariake (pavillon Panama), bloqué à Lorient par la douane depuis le 2 mars, alors qu’il était arrivé le 27 février, et le Vladimir Latyshev (immatriculé en Russie), immobilisé à Saint-Malo. Les trois – Victor Andryukhin, Pola Ariake et Vladimir Latyshev – sont la propriété de GTLK, la plus grande société de leasing en Russie, devant la banque publique russe Sberbank.

Des task force pour traquer des actifs de luxe  

Radicalement, les navires russes sont dans le collimateur des régulateurs européens et américains. La France aura sa « task force » pour repérer les biens et avoirs des oligarques russes qui se trouvent en France, a promis le 1er mars le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, sur France Info.

Dans un tweet daté du 26 février, la Maison Blanche avait prévenu : « La semaine prochaine, nous lancerons une task force transatlantique multilatérale pour identifier, traquer et geler les actifs des entreprises et des oligarques russes sanctionnés, leurs yachts, leurs manoirs, et tout autre bien mal acquis que nous pouvons trouver et geler en vertu de la loi. » Depuis, le procureur général des États-Unis Merrick Garland a annoncé le lancement de la « Task Force KleptoCapture ».

Le cadre juridique encadrant strictement le gel des avoirs doit encore être clarifié. Le sort de ces navires, saisis dans le cadre de cette procédure de confiscation civile, reste flou.

Adeline Descamps

 

 

 

 

 

 

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