Les développements autour de la technologie du stockage et de capture de carbone (CSS) se sont accélérés ces derniers mois. Ils suscitent particulièrement de l’intérêt auprès des transporteurs maritimes, l’acheminement du CO2 vers les sites de stockage étant une pièce maîtresse de ce marché naissant.
Pour rappel, la technologie CSS vise à séquestrer le CO2 (sur des centrales de production d'électricité ou des sites industriels) et à le transporter vers des sites de stockage ultime. Dans certains cas, il peut aussi être réutilisé (CCUS), par exemple dans une centrale Power-to-X. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) en fait une technologie critique pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris contre le réchauffement planétaire.
Jusqu'alors, le transport maritime de dioxyde de carbone était plutôt l’exclusivité de quelques transporteurs spécialisés et pour le compte d’industriels. Manifestation de l’effervescence autour de ce segment, l’acquisition l’an dernier par la compagnie japonaise MOL du spécialiste norvégien Larvik Shipping, dont les navires-citernes transportent du CO2 liquéfié depuis trois décennies pour le compte de Norsk Hydro, Yara, Praxair et Nippon Gases Europe. Les deux partenaires envisagent la conception et commande de navires de plus grande taille.
Sur une technologie de Knusten
Une nouvelle alliance nippo-norvégienne vient d’être créée. Elle associe la compagnie nippone NYK et le groupe norvégien Knutsen. Les deux partenaires ont annoncé le 18 janvier la création de Knutsen NYK carbon carriers (KNCC), détenue à parts égales et basée à Haugesund, en Norvège. La joint-venture, qui vise le marché du transport maritime et de stockage de CO2 liquéfié (LCO2), exploitera la technologie PCO2, développée par Knutsen, qui permet le transport de CO2 liquéfié à température ambiante. Les deux sociétés visent des navires de grande capacité. KNCC prévoit en outre de faire construire et d’exploiter des navires à basse et moyenne pression basés sur d'autres technologies.
« Grâce à KNCC, nous conjuguerons nos savoir-faire dans l'exploitation et la gestion des navires pour parvenir à la réalisation rapide non seulement de navires de petite et moyenne taille, mais aussi de grands navires de CO2 liquéfié », indique le communiqué.
Un navire d’ici 2025 chez Mitsubishi
NYK n’en est pas à son premier essai. Il est par ailleurs associé au constructeur naval japonais Mitsubishi Shipbuilding, qui s’est engagé en février 2021 à commercialiser d'ici 2025 un navire pour le transport et le stockage du CO2.
Avant cela, en août 2020, le constructeur naval japonais et ClassNK avaient présenté une première installation de démonstration de captage de CO2 à petite échelle que K Line prévoit de déployer à bord de l'un de ses navires.
Hyundai Mipo Dockyard et sa société mère Korea Shipbuilding & Offshore Engineering (KSOE) ont signé en mars dernier un protocole d'accord avec American Bureau of Shipping (ABS) et le Marshall Island Registry (pavillon d’immatriculation) pour développer des navires destinés à transporter du CO2 liquéfié.
Evergas et Ultragas, deux compagnies danoises dans le transport maritime de gaz, ont créé l’an dernier Dan-Unity. La nouvelle compagnie, vise à la fois le transport de CO2 capté à la fois pour le stockage mais aussi sa réutilisation grâce à son partenariat avec Icelandic Carbfix. Le CO2 pourra ainsi être injecté dans le socle volcanique de l'Islande où il sera naturellement transformé en pierre en deux ans.
Développement de toutes les tailles
La coentreprise a reçu un financement du Fonds maritime danois pour lui permettre d’étudier la faisabilité technique de cuves capables de transporter entre 7 000 à 50 000 m³ de CO2 sous une forme liquéfiée et le développement d’un navire type. Plus précisément, la nouvelle coentreprise planche sur trois tailles de transporteurs, de 50 000 m³, 20 000 m³ et 7 000 m³. Soit des unités bien plus grandes que la capacité maximale qui est actuellement d'environ 3 600 m³ (1 770 t).
MOL et K Line ont rejoint en juin 2021 Nippon Steel Itochu Corp., JCSS, l'Engineering Advancement Association of Japan, groupement retenu suite à un appel à propositions lancé par le gouvernement japonais pour un projet de R&D et de démonstration de la technologie CCUS.
Le cahier des charges precrit le transport en toute sécurité et à faible coût de grands volumes de CO2 depuis les usines et les centrales thermiques vers des zones d'utilisation et de stockage avec pour horizon 2030. MOL se concentrera sur le développement d'un transporteur de CO2 liquéfié de grande taille. K Line entend mettre son expertise dans le domaine du transport de gaz liquéfié (GNL/GPL) et son expérience acquise dans le développement du premier transporteur d'hydrogène liquéfié au monde, le Suiso Frontier.
Dans les années 2010, des précédents avaient avorté. Le chantier sud-coréen HHI et Maersk Tankers avaient envisagé un temps de développer une nouvelle génération de transporteurs de CO2 liquéfié. L’autre géant de la construction navale sud-coréenne DSME avait également lancé un projet mais celui-ci n'avait donné lieu à aucune précommande.
Adeline Descamps