Cela fait un an que les exploitants de tankers traquent des signes de meilleure conjoncture. Mais ils tardent à se manifester. Les marchés des pétroliers continuent de subir l'impact de la pandémie et de la résurgence du énième variant. Ils ont encore douché les attentes d'un quatrième trimestre haussier alors que les revenus équivalents à temps ont été souvent, si ce n’est de façon constante, dans le rouge tout au long de l’année 2021.
Même les taux des VLCC américains n'ont pas réussi à tirer parti d'une saison hivernale que tous les analystes ont reconnu comme historiquement favorable. Les taux ont plafonné à 5,6 M$ pour un voyage entre le golfe du Mexique et la Chine à la fin du mois d'octobre, et sont depuis tombés dans une fourchette comprise entre 4,6 à 4,65 M$ en décembre (8,15 M$ en décembre 2018 et 11,84 M$ en décembre 2019).
La hausse de la production des États-Unis et de ses exportations, en raison d’un renforcement de la capacité du raffinage, fonde pourtant tous les espoirs des exploitants des transporteurs de brut. Avec la dynamique des exportations de brut outre-Atlantique, le retour de la demande mondiale de pétrole aux niveaux prépandémiques et de barils de brut sur le marché (si l’Opep ouvrait les vannes) pourraient jouer en faveur des VLCC.
La demande de pétrole devrait augmenter de 4,8 millions de b/j (Mb/j) en 2022 pour atteindre un niveau proche de 100 Mb/j, la jauge d’avant crise. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses partenaires emmenés par la Russie (Opep+) a annoncé le 4 janvier l'augmentation de son objectif de production de 400 000 barils par jour en février, témoignant d’une certaine confiance dans le marché malgré l'annulation de nombreux vols de fin d'année et les restrictions de mouvements dans plusieurs pays. Selon le rapport technique de l’Opep, les stocks commerciaux de pétrole de l'OCDE en 2022 resteront cependant inférieurs à la moyenne 2015-2019 au cours des trois premiers trimestres, et dépasseront cette moyenne de 24 millions de barils au quatrième trimestre.
La Chine et les États-Unis, jokers des pétroliers et des vraquiers
Alpha et oméga du marché
Le niveau des stocks américains est donc un indicateur alpha. Les marchés d'importation de brut asiatiques, à savoir ceux de la Chine, de la Corée du Sud et de l'Inde, est un paramètre oméga pour stimuler la demande. L'American Petroleum Institute (API), la fédération qui regroupe les professionnels du secteur pétrolier dans le pays, a fait état d'une baisse des réserves commerciales de brut de 6,432 millions de barils ces derniers jours.
La libération imminente de quelque 50 millions de barils de la réserve stratégique de pétrole des États-Unis – 40 millions au cours du premier semestre – pourrait pousser les volumes de brut excédentaires sur l'eau. C’est du moins ce que soutenait quelques-uns des exploitants de navires-citernes à l’occasion de la présentation de ses résultats du troisième trimestre.
Dans le contexte d'incertitude de l'Opep+ et d'augmentation de la production sur le continent américain, les acteurs du marché s'attendent à une plus grande utilisation des qualités de brut en provenance du golfe du Mexique et du Brésil. Cette tendance entraînerait une hausse de la demande en tonnes-milles, les VLCC effectuant des trajets plus longs vers l'Asie que depuis le Moyen-Orient.
Les propriétaires de navires de produits pétroliers ont retrouvé de l’espoir. Les exportations maritimes de produits raffinés devraient augmenter de 5,1 % en 2022, selon les données de Clarksons Shipping Intelligence tandis que la demande de produits en tonnes-milles devrait augmenter de 5,5 % en 2022. L'évolution du paysage du raffinage dans le monde, anticipée depuis un temps, l’explique en grande partie. La capacité devrait se concentrer plutôt dans les hubs régionaux, notamment au Moyen-Orient, en Asie du Nord, en Inde et à Singapour, en plus des centres de raffinage traditionnels de la région de Suez.
A.D.