Les taux de fret renouent avec les pics sur certaines routes

Les départs de foyers épidémiques se multiplient dans l’environnement des plus grands ports chinois, tels Ningbo, Tianjin ou Shenzhen. Pour l’heure, ils n’ont pas de portée directe sur les opérations portuaires mais contraignent les accès routiers, perturbent les services de transport et engendrent des retards dans un pays où les niveaux actuels de congestion portuaire sont déjà élevés.
Les taux de fret ne désarment pas. La pandémie, qui entre dans sa troisième année, n’abdique pas davantage. La chaîne d'approvisionnement continue de surfer sur ces vagues de crête. Et la Chine, dont la politique de « tolérance zéro Covid » est de plus en plus contestée, n’en finit plus de signaler de nouveaux foyers dans l’environnement de ses ports à quelques semaines de l'ouverture des Jeux olympiques d'hiver (4 février) et du Nouvel an Lunaire (1er février). Cette dernière période, portée par le réapprovisionnement généralisé des détaillants avant les festivités chinoises, est traditionnellement critique pour la sortie des marchandises avant les vacances.

Ningbo, qui avait été un des points névralgiques en août 2021 et dont la fermeture partielle avait fait dérailler la productivité et provoqué des retards dans le traitement des navires, est à nouveau concerné par un cluster après la détection de quelques cas chez un fabricant de prêt-à-porter de Beilun, zone qui abrite la plupart des terminaux et des entrepôts. Il s'agit de la troisième alerte au sein du troisième port chinois en six mois. Si les terminaux restent opérationnels, les accès portuaires ont été été limités (notamment aux services de livraisons), des routes bloquées et des entrepôts et usines ont également suspendu leurs expéditions et livraisons. Certains transporteurs ont signalé des déroutements vers Shanghai, déjà encombré.

Ningbo se rétablit selon Maersk

« Sur les cinq terminaux à conteneurs de Ningbo, trois sont situés à proximité de la zone épidémique mais sont jusqu'à présent opérationnels sans qu'aucun cas positif n'ait été signalé, rassure Maersk. Selon l’armateur danois, les escales et les départs de navires se déroulent normalement, de même que les activités de chargement et de déchargement. « Les entrées et les sorties des conteneurs sont également revenues à la normale, avec une densité d'environ 75 % [10 % la semaine dernière, NDLR]. Cependant, le transport routier à Jinhua Yongkang est suspendu en raison des restrictions. Les services de Maersk Intercontinental rail, Maersk Sea-rail et Barge sont des solutions alternatives à court terme pour rétablir la capacité de transport terrestre. »

Ningbo se remet à peine qu’au nord, le centre industriel de Tianjin, dont le port est une des locomotives portuaires mondiales avec ses 18,35 MEVP, doit aussi répondre à l’injonction d’Omicron. Après la détection de deux cas, les autorités ont lancé un dépistage massif. Près de 3,5 millions de résidents sur les 14 millions que compte la mégapole ont déjà été testés. En début de semaine, 41 personnes avaient été déclarées positives, 31 présentaient des symptômes et 10 autres considérés comme asymptomatiques selon les données officielles.

Tianjin se déclare

Les professionnels craignent surtout les conséquences d’un renforcement probable des mesures restrictives. Le ramassage des conteneurs à l’importation a été suspendu. Le manque de personnel dans les terminaux des ports maritimes est susceptible d'entraîner des retards pour la livraison des marchandises.

Des tests de masse sont également en cours dans le sud de la Chine, après la détection d'un foyer de quatre cas à Shenzhen. Pour l’heure, les activités portuaires ne sont pas touchées mais là aussi, des retards sont à prévoir.

Contrastes dans les taux de fret

Dans ces conditions, « des primes sont nécessaires pour sécuriser l'espace à bord des navires », indique un transitaire. Certains tarifs font en effet un retour au pic que le troisième trimestre avait connu : les taux en service premium de la Chine vers la côte ouest-américaine se situent autour de 18 000 $/FEU. Vers la côte Est de l’Amérique du Nord, ils ne sont guère plus sages, autour de 17 000 à 23 000 $/FEU selon la destination. 

Dans la semaine se terminant le 7 janvier, le Ningbo Containerized Freight Index (NCFI), qui reflète la fluctuation des taux de fret au départ de Ningbo-Zhoushan sur 21 routes, s’affichait à 4233,2 points. Le 15 décembre, déjà considéré comme affolant, il s’établissait à 4 079,4 points.

Toutefois, si cinq des 21 routes maintiennent une trajectoire haussière, quatorze autres ont baissé tandis que deux itinéraires sont restées stables. Sur le Ningbo-Europe, l’indice de fret conteneurisé flirte avec des niveaux particulièrement élevés, à 5883,6 points et à 5751,3 points vers la Méditerranée occidentale.

Vers l’Amérique du nord, « afin d'assurer le chargement des navires, les transporteurs ont libéré plus d'espace sur le marché, et le taux de fret global de la route est resté stable » , indique le rapport du NCFI. La semaine dernière, les tarifs vers les côtes est et ouest-américaines ont atteint 3451,2 et 4762 points, soit respectivement une baisse de 0,3 % et une hausse de 0,9 % par rapport à la semaine précédente.

Prédateurs

L’évolution des taux de fret reste plus que jamais sous le joug de la congestion alors que l'équilibre entre l'offre et la demande devrait être fondamentalement respecté en 2022. Dans son édition Shipping Market Cycle : container and dry bulk market outlook, IHS Markit prévoit que la flotte de porte-conteneurs devrait croître de 4,5 % en 2022 et de 7,5 % en 2023, contre 3 % en 2020 et 4,3 % en 2021. « Même si nous pensons que les taux de fret des conteneurs vont encore subir une correction et diminuer de 30 à 40 % en 2022, le niveau sera encore bien supérieur aux tendances historiques et restera suffisamment élevé pour solliciter un grand nombre de navires polyvalents et une partie des vraquiers équipés. »

C’est en effet un autre des phénomènes de l’année improbable que fut 2021. Faute de porte-conteneurs en nombre suffisant pour répondre au boom inédit de la consommation, les vraquiers et les polyvalents ont été préemptés pour transporter des boîtes. Il fut un temps de fret en fond de cale où les porte-conteneurs se comportaient comme des prédateurs en siphonnant les marchandises des navires conventionnels et les vraquiers.

Conteneurs versus vraquiers et polyvalents

« Il faut s’attendre à ce qu'un grand nombre de porte-conteneurs soient livrés à partir de 2023 et reprennent des parts de marché sur les deux segments, explique l’analyste qui craint que la croissance de la flotte des rois des mers soit bien plus forte qu’anticipé. « Elle pourrait alors être de 7 % si les options non déclarées mais prévues dans les contrats de construction sont exercées ».

En attendant les livraisons des premiers porte-conteneurs en 2023 et étant donné la croissance nulle ou négative de la flotte des general cargo en 2022, « une grande partie des boîtes devrait continuer à se déverser » à la concurrence. Si cette projection s’avère, les vraquiers, dont les revenus journaliers ont pu atteindre les 80 000 $ l’an dernier, et les polyvalents, dont les tarifs d’affrètement ont triplé en 2021, devraient donc encore connaître des jours heureux...

Adeline Descamps

 

 

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