Le point sur les perturbations maritimes et portuaires

L'année 2022 a commencé comme 2021 s'était achevée. La congestion portuaire, l’accumulation des navires au large, la faible rotation des conteneurs et la fermeté des taux de fret semblent avoir signé pour un nouveau contrat de travail en ce début d’année. 

Selon les données communiquées le 11 janvier par Sea-Intelligence, il y avait 11,5 % de la capacité opérationnelle qui n'était pas disponible en fin d’année (novembre 2021) parce que bloquée à bord des navires. En temps normal, à cette période de l’année, seuls 2 % de la capacité est piégée dans des retards quelque part. « Fondamentalement, 2021 a été une année où la demande a augmenté de 7 % par rapport à 2020 et où, dans le même temps, la capacité a effectivement été réduite de 11 % », résume Alan Murphy, le PDG de la société de conseil danoise. 

Allongement des délais d’attente 

La congestion portuaire a contaminé la plupart des principaux ports pivots des grandes lignes Est-Ouest. Les ports européens, en particulier, sont aux prises avec des niveaux de congestion record, qui augmentent depuis octobre. 

À l’exception de Felixstowe où les délais d'attente pour l'accostage des navires atteignent sept à dix jours, l’armateur danois signale des retards d'un à quatre jours dans les ports nord-européens. Il faut compter deux à trois jours pour accoster au North Sea Terminal Bremerhaven et à l’Eurogate d’Hambourg. Un à trois jours sont requis pour accéder à Maasvlakte II de Rotterdam. À Anvers, le MPET (MSC-PSA Europa terminal), qui a connu jusqu'à 10 jours d'attente la première semaine de janvier, la situation s’est nettement améliorée puisque le délai a été ramené à deux jours. 

Le transport maritime en dix données

Ruée à l’approche du Nouvel an chinois

L'amélioration observée au quatrième trimestre de 2021 sur les lignes transpacifiques, notamment après les vacances de la Golden Week en Chine, a été de courte durée. La ruée a en effet repris de plus belle en décembre dans l’anticipation des festivités chinoises du Nouvel an qui vont mettre les usines à l’arrêt ou au ralenti. Le 7 janvier, 103 navires avec 147 000 EVP chargés attendaient au mouillage de Los Angeles et de Long Beach, les deux ports critiques de 2021. 

Les différentes initiatives lancées sous la pression de l’administration Biden pour soulager les terminaux de la côte ouest américaine achoppent sur la vétusté et le sous-dimensionnement des installations. Lors d'un point de presse le 5 janvier, John Porcari en a convenu : « la pandémie a mis à nu la réalité sous-jacente d’une chaîne d'approvisionnement sous pression qui préexistait avant la crise sanitaire. » 

Tant et si bien que l’administration de Joe Biden a débloqué, le 27 décembre, 241 M$ de subventions, « immédiatement mis à disposition des ports » pour accélérer certains projets visant l’efficacité de la chaine d’approvisionnement. Long Beach a ainsi reçu 52,3 M$ pour son chantier de la « Pier B On-Dock Rail Support Facility ». Un investissement estimé à 870 M$ qui prévoit notamment de nouvelles lignes ferroviaires et doit être achevé en 2032. La Georgia Ports Authority a été subventionnée pour ouvrir des parcs à conteneurs satellites à Savannah. 

Certaines compagnies, à l’instar de Hapag-Lloyd et de ONE, n’ont pas hésité ces derniers mois à pointer la déficience des infrastructures de la côte ouest-américaine, due à un sous-investissement chronique, ainsi que la productivité des ports américains, qui ne seraient pas en mesure « d'importer des marchandises aussi rapidement que les ports asiatiques peuvent les expédier ».

« La productivité que nous constatons est généralement 50 % plus élevée dans les ports d'Asie par rapport à l'Amérique du Nord », avait glissé, perfide, Jérémy Nixon, le directeur général de ONE lors de la grand-messe du secteur TPM en mars 2021. Une trentaine de porte-conteneurs faisaient alors la queue au large de la baie de San Pedro alors qu’Oakland et d’autres ports servaient de ports de déroutage.

Faible rotation des conteneurs

Tandis que les ports se débattent avec des files d'attente de navires, le temps médian que les conteneurs passent en entreposage est particulièrement élevé dans les principaux ports à conteneurs mondiaux. Ou du moins dans les ports de destinations car les ports chinois semblent en effet d’une grande efficacité.  

Selon une analyse conjointe réalisée par Container xChange et Fraunhofer – CML, le temps de rotation dans les ports chinois est tombé à seulement cinq jours, contre 61 jours en 2020. « Une fois que les conteneurs atteignent l'Asie, ils sont redéployés à une vitesse record », explique Johannes Schlingmeier, le dirigeant de Container xChange, connu pour son baromètre sur la disponibilité des boîtes. Cette dynamique risque toutefois d’être contrariée par la recrudescence actuelle des clusters dans les principales villes portuaires. 

Parmi les autres grands pays exportateurs, le Vietnam, Singapour, la Thaïlande et l'Indonésie ont enregistré des durées moyennes de séjour dans les dépôts de neuf, 11, 16 et 19 jours, respectivement. 

Mais à l'autre bout du voyage, les indicateurs se sont affolés l’an dernier. Parmi les moins performants, les conteneurs stationnent en moyenne à quai 50 et 51 jours aux États-Unis et au Royaume-Uni. L'Afrique du Sud (47 jours), les Émirats arabes unis (40) et le Pakistan (31 jours) affichent également des taux élevés. À Hambourg et Bremerhaven, le séjour est plus limité mais quand même de 25 jours. 

Carburants pour les taux de fret 

La mécanique actuelle des taux de fret est bien identifiée. Le manque de fiabilité (retards et les ralentissements de navires) et de capacité disponible (pénurie de navires et de conteneurs) sont ses principaux combustibles.  

« La demande de la période précédant le Nouvel An chinois et la congestion persistante maintiennent les taux spot à un niveau élevé, tandis que la mainmise des transporteurs dans les négociations en cours pour les contrats à long terme se traduit par des augmentations significatives depuis le début de l’année », explique Xeneta dans sa dernière note.  

Pour la première fois en dix semaines, le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), qui mesure les prix au comptant du fret conteneurisé de Shanghai vers un certain nombre de destinations mondiales, a toutefois terminé la semaine dernière en baisse (de 0,3 %) mais reste fixés à 5 094,36. Ce qui ramène leur hausse sur un an à 76,6 %. 

Des trajectoires différentes selon les trafics

Sur deux des quatre principaux trafics au départ de l’Asie – vers l'Europe du Nord et vers la Méditerranée –, les taux spot ont augmenté de 6 % et de 2 %, à 15 400 $/FEU (conteneurs de 40 pieds) et 13 700 $ respectivement. 

De l’Asie vers les États-Unis, les taux continuent d’augmenter pour les boîtes à destination de la côte est-américaine, bien qu'à 10 700 $, ils soient légèrement inférieurs à leur pic de la seconde moitié de décembre 2021. En revanche, Xeneta, dont l’indice est établi à partir des taux de fret maritime fournis par les principaux chargeurs, observe une tendance à la baisse des taux spot vers la côte ouest américaine. « Les importateurs cherchent des solutions alternatives », justifient les analystes de la société. 

Dans l’autre sens, les taux au comptant vers l’Asie ont baissé de 11 %, tant pour les boîtes en provenance de la côte est-américaine que pour celles en provenance de l'Europe du Nord, à 1 100 $ par FEU. Ce qui, avec les nouveaux « expériences » tarifaires éprouvées ces derniers mois, paraît peu cher. Mais la moyenne était en 2019 de 970 $/EVP au départ de la côte Est, de 780 $ au départ de la côte Ouest. 

Contrats à long terme doublés ou triplés en un an

Pour ce qui est de l'évolution des taux à long terme en 2022, « il est tôt pour avoir une réponse définitive puisque certaines lignes [transpacifiques, NDLR] doivent encore faire l’objet de négociation ». Mais pour ce qui a été négocié ces trois derniers mois, ils ont doublé ou triplé depuis janvier 2021 selon Xeneta. Ils s'élèvent en moyenne à 9 300 $/FEU sur le trafic entre l’Asie et l'Europe du Nord. Mais à 1 300 $ au retour, ce qui représente une augmentation de seulement 160 $ par rapport à janvier 2021. 

De l’Asie vers la côte Est des États-Unis, ils sont manifestement passés de 3 700 à 7 000 $ en un an.  

Surcoût des stocks ?

La congestion portuaire coûte et pèse sur les stocks. « Les détaillants américains ont payé des millions de dollars d'intérêts pour financer des stocks excédentaires », soutient la dernière analyse de project44, dont les solutions numériques fournissent des données en temps réel sur la chaîne d’approvisionnement. Compte tenu d'un temps de transit moyen de 60 jours entre les principaux ports chinois et Los Angeles, les chargeurs ont dû payer en moyenne deux mois d'intérêts sur les marchandises transitant par voie maritime. La plateforme américaine évalue le surcoût à 321 M$ d'intérêts entre janvier et novembre.  

Sur la base d’une moyenne de 540 255 EVP par mois en attente au large du port, la société a fixé la valeur moyenne du fret à 40 000 $ par EVP. Avec un coût de financement de 3,2 %, les chargeurs auraient ainsi payé environ 106 $ par EVP et par mois.  

Mais selon Josh Brazil, spécialiste de la supply chain chez project44, les détaillants ressortiraient plutôt gagnants. « Avec des taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas, le coût de la détention d'un stock a été plus faible que prévu ».

Du coup, le fait d’avoir anticipé les commandes pour sécuriser leurs livraisons s’avère être une idée judicieuse pour le chercheur quand bien même la situation a considérablement contribué à alimenter la congestion. « Bien que cela n'ait pas été entièrement délibéré, la congestion a permis aux entreprises de minimiser les coûts puisque le surplus de stock a été immobilisé sur l’eau pendant deux mois. À terre, le coût de l'entreposage aurait été bien plus élevé et la disponibilité rare. »  

Adeline Descamps

 

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