L’eau a coulé sous les ponts depuis les années 60, époque où les postes féminins du maritime se cantonnaient à la fonction de secrétaire de direction, que ce soit dans les ports, les compagnies maritimes ou chez les transitaires…
Deux générations plus tard, les femmes de tous bords (origine, âge) occupent des postes à responsabilité, dirigent des sociétés dans des bastions masculins et embarquent à bord de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins.
Le 8 mars, érigée en journée internationale des droits des femmes, plusieurs d'entre elles ont répondu à l’invitation de l’Union Maritime et Fluviale (UMF) de Marseille Fos et de l’association de promotion des femmes dans le maritime Wista France pour témoigner de l’évolution de la place des femmes dans la filière et des derniers verrous qui restent à lever. Ce fut également les premières apparitions publiques de Maria Harti en qualité de directrice générale de la Méridionale depuis février dernier et de Véronique Passarelli, promue en début d’année directrice d’exploitation chez Marfret.
Maria Harti, DG de la Méridionale
Des auto-limites
« Nous avons des croyances limitantes induites par notre éducation. Or, les femmes exerçant des responsabilités dans le management apportent performance, efficacité, et capacité à embarquer leurs équipes. Les sujets environnementaux ne sont pas non plus traités de la même façon par les femmes », appuie Maria Harti qui a fait carrière dans le rail, à la direction générale de l'ex-idTGV et de Ouibus.
Véronique Passarelli, qui se destinait à l’enseignement, côtoie le maritime de façon fortuite, à la faveur d’un stage chez Constship, et rejoint quelques années plus tard Marfret. Elle doit son ascension professionnelle à son travail, son humilité et surtout à la confiance que les hommes croisés sur son parcours professionnel ont placés en elle, signfie-t-elle. « Le premier ennemi, c’est nous-mêmes », reconnait volontiers Véronique Passarelli, pointant la difficulté des femmes à « oser ».
Véronique Passarelli, directrice d’exploitation chez Marfret
Double plafond dans le lamanage et la manutention
Quelques femmes ont ouvert d'autres brèches. C’est le cas d’Alexandra Valery, gérante depuis 2019 de la société coopérative de lamanage à Bastia, de la société bastiaise de remorquage et d’ETM, spécialiste des travaux sous-marins.
Difficile de se faire admettre dans un monde submergé d'hommes, a fortiori dans un environnement (la Corse) où la virilité est inscrite dans les gènes. La jeune trentenaire diplômée de Kedge Business School, fille de coopérateur, a passé la nouvelle certification professionnelle du lamanage. Être fille de... n'a pas pour autant été un sésame. Elle a dû faire ses preuves, insiste-t-elle. Aujourd’hui, elle est la seule femme en France à exercer ce métier.
Alexandra Valery, gérante de la société coopérative de lamanage à Bastia, de la société bastiaise de remorquage et d’ETM, spécialiste des travaux sous-marins
« Tu es la fille de qui ? », a-t-on posé d'emblée à Céloua Agnel lorsqu'elle a débarqué dans la manutention à Fos chez Sosersid/Somarsid. « On se prend des coups, on se relève. Il faut savoir se battre pour asseoir sa légitimité », affirme-t-elle. « Je ne parle pas aux femmes », lui opposera de prime abord un docker. Le rapport de force, la défiance des hommes des quais et des représentants syndicaux s’atténuent avec le temps.
Céloua Agnel, secrétaire générale de Sosersid/Somarsid
20 ans pour Wista
À l’occasion de son vingtième anniversaire l’association Wista France, qui rassemble 200 cadres dirigeantes du maritime, est à l'initiative de plusieurs actions. Un cercle des femmes administratrices du maritime devrait voir le jour tandis que des trophées de la mixité récompenseront les sociétés les plus investies dans ce domaine. Elle se pose par ailleurs en support à une nouvelle enquête lancée par DGAmpa (direction générale des Affaires maritimes) avec le Cluster maritime français (CMF) en vue de fournir un état des lieux documenté sur la place des femmes dans le secteur au sein d'un observatoire de la mixité.
Aujourd’hui, huit emplois sur dix sont encore occupés par des hommes dans le cluster industrialo-portuaire des Bouches-du-Rhône.
Nathalie Bureau du Colombier