Conteneur : du plafond au plancher

La fièvre est retombée. Le thermomètre du secteur conteneurisé qu’est l’indice SCFI est revenu à un niveau d’un peu plus de 1 000 points. Il n’est plus exclu qu’il passe sous ce seuil avant le 1er janvier 2023. Comme un symbole, l’arriéré de porte-conteneurs dans les ports ouest-américains, où la liste d’attente a dépasé la centaine à certains moments de l’année, vient d’être officiellement déclaré comme éclusé. La fin d’une saga portuaire de vingt-cinq mois. 

Le 7 janvier 2022. La sortie de la trêve des confiseurs 2021 s’est effectuée en sifflet, avec migraines et forte fièvre. L’indice du Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), composé des taux spot pour les conteneurs au départ de la Chine, dépassait alors le cap des 5 000 de 110 points d’indice. Un seuil qui restera ancré comme le sommet historique de l’année. Désormais, il ne fait plus de doute que le SCFI remonte à de tels niveaux depuis son plancher actuel à 1 307 points. Il reste toutefois une éventualité pour que d’ici le 1er janvier 2023, il passe sous la barre des 1 000 points, là où il était campé en janvier 2020 quand le satané virus est arrivé aux affaires.

Les taux de fret entre Shanghai et l’Europe du Nord ont encore baissé de 20,7 % la semaine dernière après deux semaines consécutives de repli de 16 %. C’est sur cette route où la descente est plus abrupte. Elle tire d’ailleurs l’indice vers le bas, toutes destinations confondues (- 9,5 %). Étrangement, le SCFI sanctionne également les destinations de Melbourne (- 20,3 %), Dubaï (- 15,6 %) ou Santos au Brésil (-12,5 %).

Alphaliner, qui a passé les étapes en revue, confirme la détérioration en mode accéléré après la période estivale : passé sous la barre des 4 000 points dès la deuxième quinzaine de juillet, « il n'a fallu que six semaines supplémentaires pour passer sous la barre des 3 000 points [début septembre] et quatre semaines de plus pour passer sous la barre des 2 000 points », indique l’analyste.

La Méditerranée, ilot encore préservé

C’est dire que pour acheminer un conteneur depuis le premier port mondial chinois vers le range nord-européen, les prix sont passés de 15 600 $ par conteneur de 40 pieds (FEU) – pic atteint le 14 janvier – à 2 350 $ le 18 novembre. Sanctuaire encore préservé, la Méditerranée est encore perchée à 4 000 $/FEU malgré la distance de navigation plus courte.

La pente semble moins raide sur le transpacifique, entre Shanghai et la côte ouest-américaine, mais les taux au comptant ont également dévalé de 81 %, passés de leur sommet de 8 100 $/FEU en février à 1 550 $ la semaine dernière. La côte Est des États-Unis, où des points d’engorgement persistent, les prix ont déroché de 67 % depuis leur piton à 11 800 $ enregistrés également en janvier à presque 3 900 $ (- 67 %) ces derniers jours.

Sachant que l’indice est un peu comme la température l’hiver. Il y a le degré Celsius ou Fahrenheit et le ressenti. Le SCFI ignore par exemple les primes payées pour garantir des espaces de chargement à bord par exemple. Les prix réels payés par les chargeurs ont donc sans doute été supérieurs à ces cotes d’affichage.

Un chaos de 25 mois outre-Atlantique

Si ce n’est pas un retour à la normalisation (sémantique des compagnies), il y a un semblant de retour à la normale. Le meilleur exemple en est donné avec l’officialisation de la fin de la congestion des ports ouest-américains, zone la plus encombrée au niveau mondial. Une histoire épique de vingt-cinq mois qui aura eu le pouvoir narratif suffisamment puissant pour faire descendre sur les quais un président américain en colère à peine élu. 

Alors que le 9 janvier, au paroxysme de la crise, plus d’une centaine de porte-conteneurs (109) faisaient la queue pour accoster à Los Angeles, le Marine Exchange of Southern California, qui aura suivi ce facteur pendant plus de deux ans, a décidé de lever la vigie. Il n’y a plus aucun mouvement qui témoigne d’une impatience au mouillage ou suggère une longue attente au large. Les porte-conteneurs qui arrivent actuellement peuvent directement se diriger vers leur poste d’amarrage

« Après 25 mois, et avec l'accord des ports de Los Angeles et de Long Beach, de la Pacific Maritime Association (PMA) et de la Pacific Merchant Shipping Association (PMSA), on peut dire que les arriérés de porte-conteneurs pour les ports de Los Angeles et de Long Beach sont jugulés », a assuré le capitaine Kip Louttit, le directeur général de Marine Exchange of Southern California, qui ne publiera plus de « rapports spéciaux » mais s’en tiendra dorénavant à informer sur les heures d'arrivée calculées (Calculated times of arrival, CTA).

Détente progressive

Si l’année 2021 a connu sur les quais américains des moments de grand chaos – 40 navires au mouillage début 2021, un niveau jamais observé en 17 ans, la zone de mouillage principale et de débordement complétement saturées, des navires placés en position de dérive, etc. –, la détente a été progressive en 2022.

Le ralentissement de la vitesse des navires afin de programmer leur arrivée en fonction de l'espace disponible à l’amarrage et les suppressions de services en réaction à la faiblesse de la demande ont en partie permis de soulager le système portuaire. Aussi, les annulations des services par les compagnies pour s’ajuster à la faiblesse de la demande ont eu leur effet. Selon les données du port de Los Angeles, une vingtaine de traversées ont été supprimées en octobre, ce qui représente environ 25 % du service normal. Vingt autres traversées devraient être concernées en novembre et décembre.

Les projections de récession économique et la hausse des taux d’intérêt, ennemi public de la consommation, ont fini par entamer la confiance des Américains.

Exode vers l’Est

Los Angeles a accusé une baisse de 27 % des importations en octobre par rapport à la même période de l’an dernier. Soit 340 663 EVP, le plus faible niveau annuel depuis 2009, quand sévissait la crise financière mondiale, et la plus mauvaise performance mensuelle depuis mai 2020, quand l’épidémie avait amputé les volumes de 14 % par rapport à son niveau d’avant crise sanitaire. Depuis le début de l'année, les imports sont en repli de 8,5 % par rapport à 2021, année la plus active de l'histoire du port.

Long Beach marque encore plus le pas, le trafic import ayant décliné en un an de 24 % le mois dernier pour s’établir à 293 924 EVP, en baisse de 13 % par rapport à octobre 2019, avant la pandémie.

La perspective d’un blocage des ports de la côte ouest, en négociation avec leurs partenaires sociaux pour s’accorder sur un nouveau contrat d’emploi des dockers, caduc depuis le 1er juillet, a par ailleurs incité les transporteurs à « délocaliser » une partie de leurs services sur le front est-américain. Symptomatique, les ports jumeaux de New York/New Jersey ont détrôné Los Angeles en tant que première porte d’entrée américaine pour le fret conteneurisé, après 22 années de règne sans partage.

Savannah en Géorgie (+ 32 % par rapport à octobre 2019) avec 33 porte-conteneurs au mouillage encore en octobre et Charleston, en Caroline du Sud (+ 27 % par rapport à 2019) en ont clairement profité.

Fin d’une saga portuaire 

Outre-Atlantique, la congestion a été le principal moteur à la combustion des taux de fret. Les embouteillages ont été entretenus pendant deux ans par un boom de la consommation, placée sous amphétamines par les aides publiques pour soutenir l’économie américaine, tandis que le télétravail a suscité un besoin démesuré d’équipements. Autant de béquilles qui ont disparu. La zone Euro n’aura pas tout à fait connu la même fête à la consommation, même si certains ports, tels Hambourg et Felixstowe, n’ont pas été épargnés par les rush. Quelques ports français, Le Havre et Dunkerque en tête, ont ainsi pu recueillir plusieurs escales détournées. 

Adeline Descamps

 

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