Bataille d'actionnaires chez Euronav

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Depuis l’annonce de projet de fusion entre les deux géants du transport maritime de brut et de produits pétroliers, c’est la course aux parts de capital au sein d’Euronav pour pouvoir influencer voire infléchir la stratégie tracée. La famille Saverys et John Fredriksen se relaient dans cette quête à la prise de contrôle. Le magnat norvégien et chypriote porte sa participation à plus de 10 % tandis que les Saverys sont désormais à près de 16,5 %. 

C’est l’histoire belge la plus virale du moment. Et jusqu’au 19 mai, date de la prochaine assemblée générale annuelle d’Euronav, qui devait entériner le processus de fusion entre Euronav et Frontline, de nouveaux épisodes devraient venir compléter la série.

En quelques jours, depuis l’annonce en avril de la fusion entre deux des plus grandes sociétés de transport maritime de brut, la norvégienne Frontline et la belge Euronav, les actionnaires se précipitent au board pour accroître leur influence.

Ainsi, la famille Saverys, qui via la Compagnie maritime belge (CMB), est cofondatrice d’Euronav dans les années 90, n’a eu de cesse de remonter à son capital depuis l’entrée dans le capital de John Fredriksen en octobre dernier à hauteur de 9,8 % du capital d’Euronav via Famatown Finance, le véhicule financier qui administre les participations pour le compte de l’homme d’affaires norvégien.

Montée au capital de John Fredriksen

Alors qu’elle avait réduit sa participation en dessous des 5 % suite à une série de transactions réalisées entre janvier 2016 et mars 2020, la famille d’armateurs anversois a racheté entre avril et aujourd’hui des centaines de milliers d’actions (financées par le fonds de roulement de la CMB et un prêt de 216 M$ contracté auprès de Belfius Bank et de KBC Bank) si bien qu’elle contrôle désormais 16,47 % du capital.

Suffisamment pour creuser l’écart avec le magnat norvégien et chypriote John Fredriksen. Du moins jusqu’à ces derniers jours. Car d’après le document déposé à la SEC le 28 avril, Famatown Finance vient de porter sa participation à 10,92 %.

Rejet des trois administrateurs proposés par la CMB

Par ailleurs, en fin de semaine dernière, la direction d’Euronav a fait savoir qu’elle s’opposait à la proposition de CMB et de ses trois candidats au conseil d'administration, rappelant que trois candidats sont déjà fléchés pour le renouvellement de leur mandat (y compris le président) et considérant la demande comme une « tactique » pour mettre en échec le projet de fusion.

Alexander Saverys, le PDG de la CMB, qui n’a pas cherché à cacher jusqu’à présent son rejet du projet, a en effet demandé d'inscrire à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale annuelle d’Euronav une résolution portant sur l’élection de trois administrateurs au conseil de surveillance avec un mandat jusqu’en 2024. Parmi eux, Bjarte Boe, ancien directeur de sociétés telles que Seadrill, Ludovic Saverys, directeur financier de CMB et Patrick De Brabandere, directeur chez CMB et membre du conseil d'administration de CMB Tech.

Menace pour l’impartialité

Dans un communiqué en date du 29 avril, Euronav estime que « le manque d'indépendance des candidats de CMB affaiblirait le profil du conseil et porte un risque de conflits d'intérêts dans la salle du conseil. S'ils étaient élus, ces candidats ne seraient pas en mesure d'offrir une opinion impartiale sur tout scénario futur pour Euronav. Ils représentent la position d'un seul actionnaire qui a publiquement exprimé son opposition à la fusion avec Frontline ».

Aujourd'hui, le conseil de surveillance est composé de cinq membres indépendants, « reflétant la diversité des genres » [trois femmes et deux hommes NDLR] « et d’expériences » [deux avec plus de six ans, deux avec trois ans et un nouveau membre, NDLR]. « Ils assurent un contrôle entièrement indépendant de la stratégie de la société dans le meilleur intérêt de toutes ses parties prenantes », souligne le communiqué.

En outre, la direction considère que les administrateurs proposés par CMB « n'offrent pas de compétences, de diversité ou d'expérience supplémentaires pertinentes qui ne soient pas déjà représentées au sein du conseil de surveillance ». Et elle réaffirme sa confiance dans le choix de Steven Smith, un ancien administrateur de Gener8, qu'elle propose de nommer à l’occasion de l’assemblée générale du 19 mai.

Conflit de stratégies

Il y a en effet un conflit de stratégies. Alexander Saverys propose un plan alternatif à la ligne défendue par les deux promoteurs du projet de fusion mais dont on sait peu si ce n’est que CMB Tech, une des filiales de la CMB, en serait une pièce maîtresse. Et qu’il s’agirait d’une rupture radicale puisqu’il s’agirait de transport d’énergies vertes.

« Une transaction visant à combiner CMB Tech et Euronav ne serait pas dans l'intérêt d’Euronav et détruirait très probablement la valeur actionnariale. Les deux entreprises sont hautement incompatibles, avec des profils financiers et des caractéristiques commerciales dissemblables. Cette évaluation a été soutenue par des avis indépendants de tiers », conclue Euronav dans son dernier communiqué.

146 navires, une fois Frontline et Euronav fusionnés

L’opération de fusion, telle qu’elle a été esquissée entre Euronav et Frontline, consiste en un échange d’actions de sorte que les actionnaires d'Euronav et de Frontline détiendront respectivement 59 et 41 % de l’ensemble consolidé. Euronav sera donc l’actionnaire majoritaire. L’ensemble gardera le nom de Frontline tandis que Hugo de Stoop, actuel directeur général d’Euronav, en sera le patron. 

Les deux armateurs de pétroliers, cotés en bourse, représentent ensemble une capitalisation boursière de plus de 4,2 Md$. La transaction donnerait naissance à un titan sur le marché des pétroliers en termes de capacités, avec une flotte de 146 navires-citernes. Les deux opérateurs pourraient ainsi contrôler 10 % de la capacité de la flotte mondiale des VLCC et des suezmax, selon les analystes.

Adeline Descamps

 

 

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