Tanger Med et Port Saïd seront considérés comme des escales dans le calcul des quotas carbone

port de Tanger Med

Crédit photo ©APMT
Parce qu'ils se situent à moins de 300 milles nautiques d’un port de l'Union européenne et que l'activité de transbordement représente une part importante de leur trafic total de conteneurs, les escales à Tanger Med et Port Saïd seront considérés dans le calcul des quotas carbone. Une mesure pour éviter notamment le détournement du fret vers des ports voisins non soumis aux réglementations. Une demande des ports et des exploitants de terminaux européens.

L'extension du système d'échange de quotas d'émission (SCEQE) aux activités de transport maritime, qui ouvre la voie à la tarification du carbone, va inévitablement augmenter les coûts du fret dès 2024. Les compagnies maritimes ont récemment donné un prix aux émissions de gaz à effet de serre tarifiées en présentant une nouvelle venue dans la galaxie des surcharges, qui pourrait être qualifiée de « surtaxe ETS » (pour Emission Trading System).

Pour atténuer les risques de « fuites de carbone » (détournement du fret vers des ports voisins non soumis aux réglementations), une fois que le SCEQE maritime de l'UE entrera en vigueur, et pour éviter des distorsions de concurrence entre ports, le législateur a prévu la « clause de transbordement » pour les ports situés en dehors de l’Union économique mais proches et où les activités de transbordement pèsent.

Dans ce cadre, Tanger Med et East Port Saïd viennent d’être ajoutés à la liste des ports qui seront considérés comme des escales. Ils remplissent tous deux les critères définis pour relever de cette catégorie : être situé à moins de 300 milles nautiques (550 km) d’un port relevant de la juridiction d'un État membre avec une part du transbordement ayant dépassé les 65 % du trafic total de conteneurs au cours des douze derniers mois.

Ils seront donc soumis aux règles de l'UE sur les émissions de gaz à effet de serre et, à ce titre, concernés par le système communautaire d'échange de quotas d'émission à partir du 1er janvier 2024 (cf. plus bas).

Les exploitants de terminaux et les ports européens vent debout

Plusieurs associations professionnelles, représentant les exploitants de terminaux à conteneurs (Feport) et les autorités portuaires (Espo), sont montées au créneau début octobre pour alerter sur les risques de détournement de cargaison résultant de l'entrée en vigueur du marché carbone européen.

Bien que la Feport soutienne le SCEQE, insiste l'association professionnelle, « il y a un risque élevé d'évasion, qui se traduirait alors par des émissions plus élevées en raison de voyages plus longs, tout en n’incitant pas les compagnies maritimes à rendre leur flotte plus verte ». L’organisation redoute aussi les effets en cascade, à savoir les répercussions négatives sur l'emploi et l'activité économique dans certains ports européens.

Elle faisait donc partie des parties prenantes qui ont appelé à l'inclusion de Tanger Med et East Port Saïd dans la liste européenne qui, sans cela, pourraient bénéficier d'un avantage concurrentiel, fait-elle valoir.

Plusieurs options pour éviter les coûts liés aux émissions carbone

Les compagnies maritimes peuvent se soustraire à l'application extracommunautaire du système communautaire d'échange de quotas d'émission de plusieurs manières, rappelle la Feport. La première consiste à « modifier l'ordre de leurs escales de façon à toucher un port non communautaire avant d’arriver ». Ainsi d’un navire en provenance de Chine qui pourrait faire escale à Tanger Med avant un port de l'UE.

« Elles peuvent aussi reconfigurer les routes maritimes, par exemple, en déchargeant le fret dans un hub de transbordement non européen, qui sera distribué via des feeders vers les ports de l'UE ». Dans ce scénario, le trafic de transbordement est déplacé vers des ports situés en dehors de l'UE alors que le fret est bien à destination d’un État membre de l’UE.

Enfin, « il reste possible d'éviter de contribuer au système d'échange de quotas en modifiant l'ordre des escales dans des ports qui ne figurent pas sur la liste car ils n'atteignent pas le seuil de 65 % de trafic de transbordement de conteneurs ». Il suffirait d’ajouter par exemple une escale supplémentaire dans un port britannique.

Suivi plus rigoureux

L’association n’est pas la seule à avoir demandé un suivi rigoureux du SCEQE dans le cadre de la consultation préalable à l’introduction de la clause de transbordement dans la directive.

Dans sa copie rendue à Bruxelles, l'Organisation européenne des ports maritimes (Espo) avait également exprimé ses craintes quant au principe de ne pas considérer, dans le calcul des quotas carbone, les touchés dans certains ports de transbordement voisins de l'UE.

Pour les autorités portuaires européennes l'identification de Tanger Med et de Port Saïd Est était capitale. « Toutefois, cela ne suffira pas à empêcher l'évasion. Alors que seuls quelques ports voisins atteignent les seuils de volume de transbordement très élevés prévus par la législation, de nombreux ports et terminaux en Europe ont et/ou sont en train d'augmenter leur capacité de transbordement. », avait-elle alors notifié.

Pour les ports européens, la surveillance devrait s'exercer bien avant la date d'application, car les mouvements de détournement et d'évasion « sont déjà en préparation ou en cours. En outre, le contrôle doit être continu et ne pas se limiter à un rapport tous les deux ans »

« Il faut savoir qu'une fois que l'évasion est établie et que les routes commerciales ont changé, il sera très difficile d'inverser les évolutions négatives », soutient Isabelle Ryckbost, secrétaire générale de l'ESPO.

Le Clecat, qui représente les intérêts des transitaires au niveau européen, estime aussi que la liste devrait être révisée chaque année, la période de deux ans prévue par la directive étant jugée « trop longue ».

Inclure d'autres ports

À ce stade, le port turc de Tekirdag Asyaport – un autre port extracommunautaire mais très proche de l'Europe –,  n’est pas concerné alors qu’il est également susceptible de devenir à court terme une zone d'attraction pour des activités de transbordement actuellement réalisées dans les ports européens.

Le port de Valence, un des grands hubs de transbordement de l’UE, demande qu’il soit ajouté à la liste des ports à surveiller.

D'autres sont susceptibles d'être fréquentés par les compagnies maritimes dans le même but, indique l’autorité portuaire espagnole parmi lesquels Ambarli, Aliaga et Mersin (Turquie), Ashdod et Haïfa (Israël) et Beyrouth (Liban). Quant à Damiette II (Égypte), Nador West Med (Maroc) et Cherchell (Algérie), ils devraient être davantage contrôlés, indique le communiqué du port de Valence. 

Hub de transbordement historique, le port espagnol a encaissé une baisse de 10 % de son volume de conteneurs après avoir traité 5,1 MEVP en 2022 et 5,6 MEVP l'année précédente.

Adeline Descamps
 

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