Quatorze jours de perturbations en juin, une opération « Ports morts », les professionnels alertent à nouveau

Depuis le début de l'année, à chaque crise répétée dans les ports, les professionnels de la chaîne logistique tirent la sonnette d'alarme. Comme annoncé en mai, le mois de juin devrait être particulièrement perturbé, le syndicat CGT poursuivant de façon perlée ses arrêts de travail, alors même que la reprise économique semble s'enclencher. Les professionnels attendent des mesures structurelles.

Comme annoncé le 25 mai, la CGT Ports et Docks, qui compose la Fédération nationale des Ports et Docks, poursuit en ce mois de juin les perturbations dans les ports français, leurs revendications portées dans le cadre de la réforme des retraites promulguée le 14 avril 2023 n'ayant pas été satisfaites.

Entamés sans grand bruit le 21 mai et observés les 23, 27, 29 et 31 mai, des arrêts de travail d’une durée de quatre heures (variant en fonction des ports entre 10 et 16 h) ainsi qu’une suppression des shifts exceptionnels et des heures supplémentaires, seront tenus, avec le même régime, les 4, 6, 10, 12, 14, 18, 20, 24, 26 et 28 juin. Il n’est pas certain à ce stade qu’ils soient tous maintenus ni observés avec la même force dans tous les ports.

Parallèlement, quatre jours de grèves de 24 heures sont prévus les 7, 13, 21 et 25 juin, avec notamment un point d’orgue : ce 7 juin en opération commando « ports morts ».

Le syndicat attend toujours une prise compte de la pénibilité de leurs conditions de travail sous la forme « d’une cinquième année » afin d'obtenir les conditions d’une meilleure retraite anticipée, estimant qu'ils sont soumis aux horaires décalés et aux astreintes. Pour rappel, jusqu’à la réforme de la retraite, les dockers pouvaient valider grâce à un accord de branche une carrière complète en partant quatre ans avant l'âge légal, à 58 ans. Or, la nouvelle loi les oblige à faire deux ans de plus (60 ans donc).

Ils demandent aussi une reconnaissance « des dates amiante », à laquelle ils sont exposés, jusqu’en 2027. Mais leurs revendications débordent largement du seul cadre de l'application de la réforme. Ils sollicitent toujours de la part du gouvernement un niveau d'investissement massif (10 Md€) dans les infrastructures portuaires. Des revendications non sans lien avec les inquiétudes découlant des mutations en cours (transition énergétique) dans les ports.

Revendications rejetées ?

« Considérant que l’organisation a été plus que patiente et ayant proposé plusieurs sorties de crise », fait valoir l’organisation syndicale dans un courrier adressé à Patrice Vergriete, ministre en charge des Transports, elle estime que les propositions du gouvernement ne permettent toujours pas de compenser les effets de la réforme des retraites.

Après plusieurs vagues de contestations – celles de novembre et de début février avaient été particulièrement suivies dans les ports du Havre, de Marseille-Fos, de Rouen, de Bordeaux et de Nantes-Saint-Nazaire mais aussi dans les ports secondaires comme à Brest et Lorient –, le gouvernement reste sans voix.

Dans un communiqué diffusé fin mai, la CGT soutenait que « le président de la République a très clairement exprimé en avril 2021, lors d'une visite sur le port du Havre, que la réforme des retraites ne s'appliquerait pas aux ouvriers dockers et travailleurs portuaires ».

Alerte des professionnels

Le 5 juin, l’Union TLF, l’OTRE et la FNTR, organisations représentant les transporteurs routiers et les commissionnaires, ont averti les pouvoirs publics sur les conséquences potentielles d’un énième mouvement de blocage dans les ports français. Comme elles l’avaient fait lors des précédents mouvements.

Dans un communiqué commun, elles indiquent qu’il faut « près d’une semaine à un transporteur pour obtenir un rendez-vous sur les terminaux portuaires à Marseille et au Havre ». En outre, l’immobilisation des marchandises sur les terminaux engendre des frais de stationnement, environ 230 € pour un conteneur immobilisé sept jours.

Lassitude répétée

À plus long terme, elles redoutent les conséquences de ces crises répétées. « Ce nouvel épisode de grèves désorganise l’ensemble de la chaîne logistique française, avec un risque accru de détournement des flux de marchandises au détriment de nos ports, outils essentiels à la balance commerciale de la France. Nous sommes inquiets d’un durcissement des grèves, qui pourraient compromettre la pérennité des emplois liés aux activités portuaires et logistiques », prévient Joël Glusman, Président de TLF Overseas.

Les professionnels craignent, dans un contexte de concurruence portuaire acharnée et de compétitivité dégradée des ports français, que les flux logistiques leur échappent au profit des ports européens comme Anvers, Gênes Rotterdam ou Barcelone.

Cette énième vague de mouvements sociaux arrive de surcroît, selon eux, « au pire moment car l’activité de transport de conteneurs commençait seulement à reprendre après de nombreuses crises récentes, mettant en péril la pérennité de nombreuses entreprises », font valoir les organisations patronales.

Appel à la réaction des pouvoirs publics

L'Union TLF, l’OTRE et la FNTR sollicitent en conséquence une réaction rapide des pouvoirs publics pour ne pas grever plus longtemps le fonctionnement de la chaîne logistique et des flux de marchandises.

En outre, des mesures, telles que la limitation des surcoûts liés en particulier aux frais de détention, surestaries et de stationnement ainsi que la suspension des frais d’annulation de rendez-vous sur les terminaux portuaires, seraient bienvenues. Pour les entreprises fragilisées par ce mouvement, les fédérations préconisent l’adoption de mesures de soutien, telles que des annulations de charges fiscales et sociales ou la création d’un fonds de soutien dédié.

Dans l'immédiat, elles appellent à la mise en œuvre de moyens supplémentaires (matériel, personnel) et la levée des interdictions de circulation les prochains week-ends.

Elles n’en sont pas à leurs premières revendications de ce type. À l’annonce des arrêts de travail pour les 16, 22 et 27 février, TLF avait vivement réagi, avec des propositions concrètes à l'appui afin d’éviter « ces crises récurrentes dans les ports français », notamment au travers d’un « plan d’urgence concerté » en cas de mouvements sociaux. Le mot « réquisition » n’était pas prononcée mais l'organisation demandait formellement à l’État d’assurer la libre circulation des marchandises et des personnes sur les domaines portuaires, comme le droit européen l’y assigne.

En février, le mouvement syndical avait renoncé in extremis à son opération de blocage total programmé le 27 février, qui devait clore une série de trois jours de perturbations sociales les 16 et 22 février. Finalement, les appels à l’arrêt du travail auront été observés uniquement le 16 février, le ministère des Transports ayant proposé d'ouvrir les négociations avec les organisations syndicales. Ce sont les propositions issues de ce processus que les dockers jugent « insuffisantes et inacceptables ».

Adeline Descamps - Dinhill On (L'Officiel des Transports)

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