CMA CGM conçoit une barge sur-mesure pour Nike

Port de Cai Mep au Vietnam

CMA CGM est actionnaire à hauteur de 25 % aux côtés de Gemadept (75 %), d'un des huit terminaux de Cai Mep, port greenfield construit aux standards internationaux il y a plus d’une décennie.

Crédit photo ©Gemalink
Avec sa barge fluviale conçue pour Nike, l'armateur de porte-conteneurs sort de son précarré. Il innove dans la conception d’un navire qui bat en brèche les contraintes physiques d'accès des cours d’eau intérieurs avec un recours à l’électricité verte. Nike concentre 23 % de sa production à moins de 200 km du terminal portuaire de Cai Mep au Vietnam.

Avec son dernier coup à trois bandes pour le compte d'un des plus grands noms du retail américain, CMA CGM opère plusieurs pas de côté. Il démontre son aptitude à s’extraire de la massification à laquelle il doit son statut, à développer une solution logistique sur-mesure, domaine où il doit encore faire ses preuves, et à innover dans la conception d’un navire qui bat en brèche les contraintes physiques d'accès des cours d’eau intérieurs.

Le groupe de transport et logistique devrait mettre à l’eau en 2026 une barge 100 % électrique (certifiée verte), qui remontera du terminal à conteneurs de Cai Mep vers la province de Binh Duong, au sud du Vietnam, traversée par les rivières de Hô-Chi-Minh-Ville (ex-Saigon), Dong Nai et Bé. Le Vietnam est pour Nike un centre de fabrication clé (comme pour d’autres grands détaillants à l’instar d’Adidas et de H&M). Il y concentre 23 % de sa production de chaussures, vêtements et équipements de sa marque éponyme mais aussi de celle de Converse. Les 155 fournisseurs de la multinationale sont localisés dans les deux provinces de Dong Nai et de Binh Duong, au sud du pays, notamment en raison de la proximité du port de Cai Mep.

Installation greenfield construite aux standards internationaux il y a plus d’une décennie à une heure de route du port historique de Hô Chi Minh-Ville, Cai Mep a été pris d'assaut par les grands manutentionnaires mondiaux (le hongkongais Hutchison, le singapourien PSA ou encore le néerlandais APM Terminal/Maersk) qui se sont réparti les huit terminaux en eaux profondes. Celui dans lequel CMA CGM est actionnaire, à hauteur de 25 % aux côtés de Gemadept (75 %) via la coentreprise Gemalink, est le dernier en date à avoir vu le jour (janvier 2021).

Des contraintes de navigation particulières

Si Cai Mep n’a pas de limites techniques – les grues sont suffisamment grandes, le quai est suffisamment long –, pour traiter de grands porte-conteneurs, le chenal d’accès est contraint par les marées, les vents, le trafic et le tirant d'eau de 14 m, empêchant les navires de repartir à pleine charge. Le transfert des flux vers les rivières sont eux aussi compliqués par le tirant d’eau. Pour opérer sur ces « mers » un peu particulières, au Vietnam comme à Bangkok (fleuve Chao Phraya), il est souvent fait usage des bangkokmax, navires aux caractéristiques étudiées pour s’affranchir de ces contraintes.

C’est dans ce contexte que l’armateur français aligne son projet. Conçue en collaboration avec les équipes « Constructions Neuves » et R&D de CMA CGM, et en partenariat avec CATL pour le développement des batteries (puissance de 10 à 12 MWh), la barge de 180 EVP pourra transporter plus de 50 000 EVP par an sur un itinéraire de 180 km, « évitant ainsi l’émission de 778 t de CO2 chaque année », indique le groupe français. L’infrastructure de recharge sera alimentée par une ferme solaire installée sur le terminal de Gemalink d’une capacité 1 GWh par an.

« C’est une solution terrestre innovante et évolutive qui comprend le développement de la barge électrique, de la station de recharge et de la ferme solaire, fait valoir Christine Cabau-Woehrel, vice-présidente en charge des actifs et des opérations de CMA CGM. Le modèle développé en partenariat avec Nike, qui s’est engagé à l’utiliser sur les voies navigables vietnamiennes, peut être facilement reproduit dans d’autres régions et avec d’autres grands clients », ajoute-t-elle. Elle n'exclue pas un schéma similaire sur le Rhône entre Fos et le terminal Édouard Herriot de Lyon, où le groupe vient d'être retenu pour une concession de 35 ans.

« Les emplois locaux créés pour la construction de la ferme solaire favoriseront un développement économique responsable dans la région. Ce projet contribuera également à renforcer le Vietnam dans les énergies renouvelables et la logistique durable en Asie du Sud-Est », vante le communiqué de CMA CGM, présent depuis 1989 au Vietnam (cinq bureaux, 550 collaborateurs) d'où ils opèrent 29 services hebdomadaires (sept ports).

Nike s’est engagé à y avoir recours pour tout ou partie de ses volumes (une part qu’il n’a pas été possible d’obtenir en dépit de notre insistance de part et d’autre) dans le cadre d’un contrat dont on ne sait rien : durée, conditions, fréquence… Ni à quel mode de transport viendra se substituer la barge. Quant à la part qui serait ouverte à d’autres « éventuels grands clients » en spot et contractuel, elle reste à la discrétion de l'armateur. L'exploitation de la barge devrait être, elle, confiée à une coentreprise franco-vietnamienne dans laquelle CMA CGM sera actionnaire à 50 %.

Première concrétisation d'un engagement ?

Une relation préexistait à cette annonce. Les deux géants ont conclu un accord en mars dernier, s’engageant dans une collaboration visant « à réduire l'empreinte carbone de leur transport maritime ». Peu de temps avant, le groupe américain avait « acheté » l’offre « Act with CMA CGM+ » qui promeut l’usage d’une gamme de solutions bas carbone (à ce stade, le biocarburant, le GNL et le biométhane). Du 1er juillet 2023 au 31 mai 2024, Nike a ainsi utilisé le biocarburant durable pour le transport de 36 % de ses volumes.

La multinationale n’en est pas à son premier essai dans le fluvial. Elle est le chargeur pour lequel a été affrété le premier bateau fluvial à l’hydrogène à Rotterdam (110 m x 11,45 m) de la compagnie néerlandaise Future Proof Shipping (FPS). La barge, issue du rétrofit du porte-conteneurs fluvial Maas mais rebaptisée H2 Barge 1 (200 EVP), est le fruit d’une démarche collective associant FPS avec BCTN Network of Inland Terminals, Holland Shipyards Group, Koedood Marine Group, Kooiman Marine Group, Nedstack Fuel Cell Technology, Air Liquide et Rabobank. Le navire, alimenté par trois piles à combustible d'une puissance maximale de 300 kW chacune et des batteries lithium-ion de 1037 kWh alors que 900 kg d'hydrogène « vert » sont contenus dans deux conteneurs de 40 pieds sous une pression de 300 bars, a été développé pour naviguer entre le grand port néerlandais et l’un des terminaux intérieurs de BCTN à Meerhout, situé en amont d’Anvers sur le canal Albert.

Adeline Descamps

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