Fiscalité du transport routier : vers la fin de la ristourne gasoil en 2030

Plusieurs déclarations récentes de ministres laissent entrevoir une fin des ristournes dont profitent les professionnels sur la fiscalité gasoil à horizon 2030. Le remboursement partiel de l’ex-TICPE, dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises, en fait partie. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire veut même l’inscrire dans le projet de loi de finances 2024, provoquant une levée de bouclier des organisations professionnelles.

Les dernières prises de parole gouvernementales concordent non seulement vers un rabot du remboursement partiel sur l’ex-TICPE (désormais fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons), mais également un renforcement de la fiscalité, tant locale que nationale, pesant sur les secteurs de l’agriculture, du bâtiment et du transport routier.

Fiscalité "brune". « Il faut basculer d’une fiscalité brune vers une fiscalité verte », avançait le ministre de l’Economie et des Finances dans l’émission « Les 4 vérités » du 20 juin sur FranceTV. « Aujourd’hui les agriculteurs, les transporteurs routiers, les travaux publics ont des avantages fiscaux sur le gasoil. Ils étaient justifiés un certain temps, ils devaient disparaître début 2024. Je propose que progressivement, en accompagnant ces professions, nous sortions de ces avantages fiscaux. On peut le faire d’ici 2030. Et dans le même temps qu’on soutienne les énergies vertes ».

Transition énergétique. Le numéro 2 du gouvernement l’avait déjà exprimé la veille, lors des Assises de la finance, comme le relatait Les Echos le 19 juin : « Nous ne pouvons pas d'un côté continuer à dépenser de l'argent public pour financer la transition énergétique et de l'autre conserver des avantages fiscaux pour les énergies fossiles. C'est nécessaire pour mettre nos actions en cohérence avec nos engagements climatiques. »

6 milliards d'euros d'économies potentielles. C’est qu’il y a des économies à faire : selon le site Fipeco, le coût annuel pour l'Etat des dépenses fiscales sur les carburants, hors exonération du kérosène pour l'aviation commerciale, s’élèverait à plus de 6 milliards d'euros.

Toujours dans Les Echos, Bruno Le Maire a précisé que ce « verdissement » de la fiscalité sur ces activités professionnelles se fera graduellement, et ciblera « les tarifs réduits d'accises sur les transports routiers et sur le gazole non routier ».

Dans la loi dès 2024 ? Le quotidien économique est formel : le plan sera intégré au projet de loi de Finances 2024, et la suppression des aides s'étalera jusqu'en 2030. « Le calendrier n'est pas encore arrêté et dépendra des discussions avec les fédérations professionnelles », lui a indiqué le cabinet du ministre.

Réaction des transporteurs. Ces organisations professionnelles n’ont pas tardé à réagir. Dans le transport routier de marchandises (TRM), OTRE, FNTR et Union TLF ont publié un communiqué commun, le 22 juin, demandant « des explications ». Elles contestent des déclarations laissant entendre qu’elles « auraient acté ou accepté une hausse de la fiscalité des carburants ».

Et réagissent sur cette fiscalité considérée comme avantageuse : déjà, elles expliquent que les aides à la pompe suite aux crises covid et ukrainienne se sont arrêtées en décembre 2022. Quant à la fin du remboursement partiel de l’ex-TICPE, elle a certes été actée dans la loi Climat et Résilience en 2021, mais cette mesure est conditionnée, comme le précise la loi, à : « la disponibilité de l'offre de véhicules et de réseaux d'avitaillement permettant le renouvellement du parc de poids lourds. Cette évolution s'accompagne d'un soutien renforcé à la transition énergétique du secteur du transport routier, notamment par le recours aux biocarburants dont le bilan énergétique et carbone est vertueux ».

Les conditions ne sont pas réunies. Ces conditions ne sont clairement pas réunies dans le TRM. L’offre de camions électriques existe mais elle est deux à trois fois plus chère et l’autonomie limitée ne correspond pas à tous les types de transport. Les réseaux d’avitaillement en électricité sont encore quasi-inexistants.

Basculement, mais pas avant 2040. Ces constats ont été faits durant les travaux sur la feuille de route pour la décarbonation du transport routier, au ministère des Transports. « Ils confirment qu’une offre dense reposant sur un mix énergétique décarboné ne sera accessible au mieux qu’à partir de 2030 et que, faute d’une offre alternative fiable notamment en raison d’un réseau de distribution adapté à la mobilité lourde non planifié, les véhicules lourds diesel constitueront encore une partie non négligeable de la flotte d’ici 2040 », rappellent l’OTRE, la FNTR et Union TLF. « A l’heure où des aides pour le financement de la transition des flottes sont attendues, il semble anachronique d’envisager un verdissement progressif de la fiscalité en même temps qu’une fiscalité punitive ciblant les tarifs réduits d'accises sur les transports routiers ».

Attention à la concurrence européenne. Les transporteurs craignent qu’une telle mesure ne mette en péril la compétitivité du pavillon français face à ses concurrents européens, ceux-ci opérant sur le sol français souvent sans y consommer la moindre goutte de gasoil.

La feuille de route décarbonation du TRM a évalué à 52,6 milliards d’euros le coût d’acquisition des véhicules et de développement du réseau d’avitaillement, rappellent les organisations de transporteurs. « La suppression du remboursement partiel de l’ex-TICPE est évaluée à 1,8 Md€. Les gains ainsi obtenus apparaissent marginaux au regard des besoins en financement de la transition énergétique alors que le rabot de cette ristourne aura une incidence forte sur l’équilibre financier des entreprises du secteur, fortement fragilisées depuis 2020 ».

Les trois organisations représentatives de transporteurs demandent un entretien à Bruno Le Maire, « dans les meilleurs délais ».

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