"Je suis persuadé que le V8 a encore de beaux jours devant lui, affirme Anders Gau, ingénieur en chef du moteur V8 chez Scania, Si on jette un coup d'œil dans le rétro et qu'on voit à quoi il ressemblait dix ou vingt ans en arrière; celui-ci possède toujours ses huit cylindres ainsi que ses huit pistons. Entre temps, nous lui avons évidemment apporté de nombreuses améliorations : passage de la norme Euro 3 à Euro 6, hausse de la puissance maximum de 580 à 730 ch, tout améliorant les consommations. Ce qui me fait dire que le V8 sera toujours le V8".
Toujours besoin de puissance
D'après Anders Gau, le V8 restera la référence en matière de transport de lourdes charges. «C’est un moteur robuste et puissant, qui répond particulièrement aux exigences des industries du bois et minières, explique-t-il. Dans vingt ans, ces secteurs auront toujours besoin de camions assez puissants pour pouvoir fonctionner". On peut croire que cet impératif de puissance conduit automatiquement à des groupes moteurs toujours plus gros, toujours plus complexes et toujours plus gourmands en carburant. Mais, il n'en est rien. D'ailleurs le V8 en est le parfait exemple. Le lancement de sa dernière version en 2017 a permis de gagner en légèreté (- 80 kg sur la balance par rapport à la génération précédente) et en consommation (- 5% en moyenne), tout en améliorant la fiabilité, grâce essentiellement à son schéma de fabrication simplifié qui nécessite moins de composants.
Un V8 plus connecté
Par ailleurs, Anders Gau pense que la connectivité aura aussi une grande incidence sur l’avenir du V8, soulignant qu’il est déjà compatible avec tous les services connectés et les modules de coaching fournis par Scania. Il envisage de nouveaux développements dans les transmissions intelligentes, ce qui permettra aux conducteurs routiers de réduire encore leurs consommations de carburant. «Grâce au groupe motopropulseur intelligent qui vous aide à choisir le bon rapport et qui sait ce qui va se passer dans trois kilomètres, le chauffeur peut alors laisser l’énergie cinétique du camion le propulser. Il peut par exemple relâcher la pédale d'accélérateur juste avant d'atteindre le sommet d'une côte, pour ensuite la descendre en utilisant l'énergie cinétique pour l'aider à gravir la suivante. C’est l’approche la plus économe en énergie », souligne-t-il.
Efficacité énergétique
Face au changement climatique et à la pollution atmosphérique, en quoi le besoin croissant de solutions de transport sans carburants fossiles affectera-t-il le V8? Peut-être une grosse machine à moteur diesel comme celle-ci n'aura-t-elle plus sa place dans un tel scenario? Jonas Nordh, directeur Solutions durables chez Scania balaie cette hypothèse d'un revers de main : «Je soutiens le développement du V8 du point de vue de la durabilité, confie-t-il. Si l’électrification ne devient largement disponible qu’en 2030, il nous faudra quelque chose d’autre en attendant. Environ 25% de la réduction de CO2 requise doit provenir de solutions économes en énergie".
Ce dernier explique que la capacité du V8 à supporter des charges plus grandes et plus lourdes signifie que moins de camions sont nécessaires pour des travaux spécifiques et que les niveaux de consommation restent les mêmes, en particulier en utilisant l’énergie cinétique évoquée précédemment. «C’est la raison pour laquelle le V8 peut être un chef de file du transport durable. Si vous regardez ce que nous faisons avec la nouvelle génération de ce moteur, nous augmentons l'efficacité énergétique. Notre nouvelle plate-forme diesel pour le V8 réduit déjà la consommation d’énergie. Que vous transportiez une ou 76 t, cela doit être fait de la manière la plus efficace possible".
Sans compter que les biocarburants ouvrent également de nouveaux horizons : «Au vu des quantités limitées, nous devons donner la priorité aux utilisations qui en ont vraiment besoin. Nous n’en avons pas besoin pour les villes; là-bas, l'électrique et le bio GNV peuvent fonctionner. Mais pour les topographies montagneuses, dans les mines et dans les applications où le transport lourd est requis (entre 70 et 80 t), nous avons besoin de la puissance du V8. En utilisant le V8 730 sur Bio-fame ou HVO, nous pouvons également résoudre les problèmes de co2", indique Jonas Nordh. À noter que les ingénieurs du constructeur suédois travaillent aussi sur le mélange de carburants classiques et de biocarburants.
Vers l'utilisation de nouveaux matériaux
Enfin, les prochaines générations de V8 pourraient être fabriqués à partir de matériaux plus résistants mais aussi plus légers, tels que le kevlar et la fibre de carbone. Même si Kristofer Hansén, ancien responsable du design chez Scania, nuance un peu en précisant que leur coût important reste un frein à une utilisation massive. L'aluminium pourrait également être davantage employé dans les conceptions futures. «Aujourd'hui, un camion se compose de beaucoup de pièces, observe Kristofer Hansén. Mais peut-être que demain, nous parviendrons à en réduire le nombre, et par conséquent réduire le poids total du véhicule". Une chose est sûre le V8 continuera d'être adapté pour répondre aux enjeux de l'époque.
Retrouvez dans la rubrique "Rétro" du prochain numéro de votre magazine France Routes (n°450 -septembre 2019), un dossier spécial réalisé par Pascal Stich sur le cinquantième anniversaire du Scania V8 avec un focus spécial sur les premières générations LB140 et LB141.
