Mauvaise séquence pour les compagnies asiatiques

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Il ne s’agit absolument pas d’un seuil d’alerte car l’année 2022 fut exceptionnelle. Mais Evergreen, Yang Ming, Wan Hai, qui avaient commencé à déboiter dès le troisième trimestre, se sont cabrées au cours des trois derniers mois de l’année. Les deux premiers mois de l’année sont sur la même trajectoire. Néanmoins, Evergreen et Yang Ming ont la politique de redistribution des profits incroyablement généreuse pour leurs salariés.

La conjoncture est la même pour tous mais tous ne la ressentent pas avec la même intensité. OOCL, Evergreen, Yang Ming et Wan Hai, qui ont publié leurs résultats financiers ces derniers jours, partagent plusieurs points. Par rapport aux plus grandes compagnies de la ligne régulière, les Asiatiques ont dévissé plus vite l’an dernier, dès le troisième trimestre, mais c’est surtout le dernier qui porte les stigmates de l’érosion continue de l’économie mondiale. Elles ont pour autre similitude d’avoir vécu les deux premiers mois de l’année en sous-régime.

Evergreen, recettes d’exploitation en chute de 45 % en 2023

Evergreen, le numéro six mondial de la ligne régulière, a déclaré un bénéfice de 10,9 Md$ pour 2022, ce qui représente en soi la meilleure performance jamais enregistrée par l'entreprise. Malgré cela, les résultats du quatrième trimestre sont en net recul par rapport à l'année précédente : les recettes se replient de 29 %, à 3,6 Md$, tandis que le bénéfice net trimestriel chute littéralement de 63 %, à 972 M$.  

Durant la pandémie, Evergreen a tenu le haut du pavé pour avoir les marges d'exploitation parmi les plus élevéesEngagé dans une course à la capacité, le transporteur taïwanais a pris livraison de plus de 300 000 EVP de nouveaux navires depuis 2020 (dont 15 de 24 000 EVP qu’elle continue de réceptionner), ce qui lui a permis de profiter de taux élevés sans devoir recourir à l’affrètement. D’où une exploitation opérée avec une base de coûts moins élevée que certains.

Pas de sursaut en ce début d’année. Il se présente dans la même configuration avec des recettes d'exploitation déclarées à 875 M$, en janvier, en baisse de 10 % par rapport à décembre et de 45 % par rapport aux deux premiers mois de 2022 si on intègre le mois de février.

Evergreen, Yang Ming, Wan Hai, au top de la rentabilité

Yang Ming, les recettes d'exploitation en repli de 40 % en 2023

Neuvième transporteur mondial de conteneurs et deuxième compagnie nationale, l’autre Taïwanaise Yang Ming, a vu ses bénéfices annuels augmenter de 9 % en 2022 par rapport à 2021, pour atteindre 6,06 Md$ pour un chiffre d’affaires de 12,61 Md$. Pour elle aussi, le quatrième trimestre a été celui des déconvenues. Les bénéfices se sont enrayés (- 70 %) entre le troisième et le dernier trimestre, s’établissant à leur plus bas depuis la période comparable en 2020. 

Les recettes d'exploitation poursuivent dans leur spirale baissière en ce début d’année, à 414 M$ en janvier, en contraction de 22 % par rapport à un mois de décembre déjà affaibli (532 M$). Elles ont persisté dans le repli en février, à 369 M$ (- 40 % par rapport à la même période de 2022).

Pour l’ensemble des compagnies de ligne, les crises inflationnistes successives et les niveaux de stocks élevés ont sapé les rendements. Les détaillants ont stocké des marchandises pour éviter de se retrouver dans des situations similaires à celles qu’ils ont vécues durant la pandémie où de nombreuses marchandises n’avaient pas été livrées pendant les vacances.

Mais Yang Ming reste confiante. « Plusieurs facteurs sont susceptibles de créer un environnement relativement positif pour l'industrie du transport maritime au second semestre, assure la direction. Le Fonds monétaire international (FMI) a relevé en janvier ses prévisions de croissance économique mondiale pour 2023 à 2,9 %, ce qui est supérieur à ses prévisions d'octobre de l'année dernière. Cela indique une amélioration potentielle de l'activité économique. La levée des restrictions par la Chine et la réduction progressive des stocks pourraient stimuler l'activité économique ».

L’entreprise considère par ailleurs que l'indicateur d'intensité carbone (CII), nouvelle prescription de l'Organisation maritime internationale (OMI) entrée en vigueur en janvier 2023, peut contribuer à équilibrer l'offre et la demande dans la mesure où il devrait accélérer le retrait des navires plus anciens, contraindre à la navigation lente et forcer la modernisation de la flotte.

Le raz-de-marée de nouveaux porte-conteneurs est imminent

Wan Hai, première perte trimestrielle d’un grand transporteur depuis 2020

Wan Hai, le 11e transporteur maritime mondial et troisième fleuron du pavillon taïwanais, a enregistré son premier déficit dans l'ère postpandémique avec un résultat net de 3 Md$ pour 2022, en contraction de 10 % par rapport à 2021, ce qui suggère un déficit au quatrième trimestre. L’entreprise affiche en outre la première perte trimestrielle enregistrée par un grand transporteur depuis le deuxième trimestre 2020, lorsque Yang Ming était dans le rouge.

Les recettes d'exploitation mensuelles se sont élevées à 424 M$ sur la période octobre-décembre, contre 692 M$ entre juillet et septembre. Elles ont encore reculé au cours des deux premiers mois de l'année pour atteindre 274 M$. Les recettes de janvier restaient néanmoins supérieures de 44 % par rapport à celles du même mois en 2020, mais cette situation pourrait s’expliquer par la croissance de la flotte du spécialiste du transport intra-asiatique qui a augmenté de 59 % au cours de la période.

La compagnie a ouvert une autre séquence. Elle a été la première à publier des détails sur un projet de vente de dix navires destinés à la casse dans un appel d’offres publié le 8 décembre 2022. Wan Hai pourrait être le premier d’une longue liste, les surcapacités menaçant l’équilibre de l’offre et de la demande du secteur. 

OOCL, sanctionnée sur l’intrarégional, son marché-phare

Pour Orient Overseas Container Line (OOCL), le quatrième trimestre a été cruel. La filiale cotée à Hong Kong du groupe chinois Cosco a été, depuis son acquisition par le groupe chinois de transport maritime une excellente affaire, affichant même souvent des performances supérieures à sa maison-mère.

Avec un chiffre d'affaires de 3,18 Md$ sur la période octobre-décembre 2022, OOCL s’affiche en baisse de 35 % par rapport à l'année précédente. Le revenu moyen par EVP (taux spot et contractuel) est en retrait de 31 % par rapport aux trois derniers mois de l’année 2021 et de 37 % par rapport au troisième trimestre, passé de 5 771 à 3 645 $ par conteneur de 40 pieds (équivalent quarante pieds, FEU en anglais).

Tous les marchés affichent des revenus en dégringolade, entre 30 et 40 % : - 46 % sur le transpacifique par rapport au troisième trimestre, à 4 959 $/FEU et - 39 % sur l'Asie-Europe, à 4 150 $/FEU. Sur son marché phare, le transport régional intra-asiatique, la sanction est d’autant plus sévère : – 32 % à 2 400 $/ FEU. En revanche, les lignes transatlantique d’OOCL sont moins pénalisées (- 3 %) et les taux de fret s’y sont maintenus à des taux élevés, à plus de 6 000 $.

Globalement, les revenus moyens restent perchés, en reflet soit d’une part plus importante dans son portefeuille de contrats annuels par rapport au spot soit de contrats annuels négociés à des taux très élevés l’an dernier.

Sur l'ensemble de l'année, la société mère d'OOCL, OOIL, a annoncé une augmentation de 40 % de son bénéfice annuel net pour 2022, à 9,9 Md$, après que les revenus aient augmenté de près d'un cinquième pour atteindre 19,8 Md$ (7,1 MEVP transportés). Les bénéfices d'exploitation (EBIT) ressortent à 10,1 Md$. Malgré un effondrement au dernier trimestre, les taux moyens ont augmenté de 26 %, à 2 619 $/EVP.

À la fin de l'année, le groupe disposait d'une trésorerie de 11,2 Md$ et d'une dette totale de 2,1 Md$.

Politique de redistribution

Pour la deuxième année consécutive, Evergreen et Yang Ming vont appliquer une politique de redistribution des profits particulièrement généreuse. Pour Evergreen, les bonus peuvent représenter jusqu'à 52 mois de salaire (salaire moyen mensuel de 40 000 dollars taïwanais, soit 1 230 €) pour « les salariés les plus performants »L’an dernier, la compagnie, qui avait déclaré un bénéfice après impôts de 5,7 Md$, avait déjà octroyé des rémunérations impressionnantes, jusqu’à 40 mois de salaire selon « les résultats » du salarié. 

Yang Ming, le deuxième armateur de porte-conteneurs du pays devant Wan Hai, a prévu de verser jusqu'à 13 mois de salaire mensuel.

Par comparaison, CMA CGM a octroyé l’an dernier à l’ensemble des salariés de l’activité shipping dix semaines de salaires supplémentaires après en avoir accordé huit au titre de l’année 2022. Maersk et ZIM ont été plus généreux avec leurs actionnaires.

Adeline Descamps

 

 

 

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