Attaque du MSC Orion, marqueur d'un déplacement des conflits dans l'Ocean Indien ?

MSC Orion

Le MSC Orion a été touché dans la nuit du 26 avril alors qu'il naviguait dans l'ocean Indien par un drone de longue portée.

L'attaque du MSC Orion dans la nuit du 26 avril peut être interprétée comme un passage à l'acte de la menace houthie dans l'océan Indien. Les rebelles yéménites y ont revendiqué d'autres attaques au cours des dernières semaines. Mais celle du MSC Orion est la première d'une telle portée et d'une si grande précision.      

Ils en avaient fait la menace en mars. L'attaque par drones du MSC Orion (15 000 EVP) dans la nuit du 26 avril peut être interprétée comme un passage à l'acte.

Les Houthis élargissent leur zone d’influence au-delà de la mer Rouge pour faire entendre les armes dans l’océan Indien alors que pour éviter cette zone classée en risques de guerre, une bonne partie de la navigation marchande a dérouté le long des côtes africaines pour emprunter le cap de Bonne Espérance.

606 tirs contre 107 navires en mer Rouge

Dans une de ses dernières mises à jour, la milice armée, qui compte parmi ses soutiens financiers et militaires l’Iran et le Hezbollah libanais, revendique avoir jusqu'à présent lancé 606 missiles balistiques et drones contre 107 navires en mer Rouge, dans le détroit de Bab Al-Mandeb et dans le golfe d'Aden depuis novembre. Mais cela ne semble pas lui suffire.

Dans une récente allocution télévisée, le chef des Houthis Abdul Malik Al-Houthi a de nouveau menacé d’une intensification de leurs actions. « Nous nous préparons à un quatrième cycle d'escalade si l'ennemi israélien et les Américains poursuivent leur intransigeance », a-t-il affirmé.

Fréquence ralentie momentanément

La fréquence des frappes du groupe s'est ralentie au cours des dernières semaines mais elle serait liée, d'après plusieurs rapports de sociétés de gestion des risques, au fait qu'un navire iranien, censé fournir au groupe des informations de ciblage, a regagné l'Iran au début du mois d'avril.

Pour autant, les Houthis ont indiqué à plusieurs reprises qu’ils « poursuivaient leurs actions militaires contre toutes les cibles hostiles », certes en mer Rouge et en mer d'Oman mais aussi « dans l'océan Indien ».

Un drone de très longue portée

Le MSC Orion, porte-conteneurs de 15 000 EVP opérant sur le service Himalaya Express entre l'Europe, le Sri Lanka et l'Inde, a été touché dans la nuit du 26 avril par un drone à près de 400 milles marins (740 km) au sud-est de la corne de l'Afrique. L’événement, qui n'a pas fait de dommages corporels ou matériels, n’a été signalé qu'entre le 29 et le 30 avril.

Le navire, battant pavillon de Madère, appartient à Zodiac Maritime, propriétaire-non exploitant de flotte (NOO, non operating owner), société présidée par Eyal Ofer, aîné du défunt magnat du transport maritime israélien Sammy Ofer. Il est affrété par MSC, comme son sistership, le MSC Aries, saisi par le Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran le 13 avril dans le détroit d'Ormuz.

Les Houthis ont revendiqué des attaques contre d'autres navires dans l'océan Indien au cours des dernières semaines. Mais celle du MSC Orion est la première visant une cible à la fois aussi précisément et à ces distances. Dans un de ses bulletins, EOS Risk, une société de conseil basée au Royaume-Uni, avait averti ses clients que les drones des Houthis pouvaient toucher une cible à 2 000 km. L’Iran, qui arme les Houthis, dispose de drones d’une portée de 1 200 km et 1 600 km, selon des sources militaires.

La piraterie n'est plus la seule source d'inquiétudes

L’océan Indien inquiétait ces dernières semaines la communauté internationale mais plus pour le regain de piraterie qui s’observe le long des côtes somaliennes que pour une probable extension de la lutte houthis.

Épicentre mondial de la piraterie entre 2001 et 2012 mais apaisé depuis quelques années, cinq incidents de piraterie et détournements ont été signalés récemment.

Pour les spécialistes, cette résurgence dans la corne de l’Afrique n’est pas sans liens avec le fait que les forces navales étrangères soient accaparés par la lutte contre les houthis du Yémen, situation offrant une fenêtre d'impunité aux pirates somaliens alors qu’ils avaient été mis au pas.

Roquettes intermittentes

Densifiées en mer Rouge, les forces navales internationales continuent de faire face aux roquettes intermittentes des houthis qui ont redoublé fin avril.

La première qui ait rompu une trêve de deux semaines a visé, le 25 avril, le MSC Darwin VI (6 078 EVP) battant pavillon libérien, dans le golfe d'Aden, mais sans le toucher selon le Centre conjoint d'information maritime (JMIC), qui suit les attaques des Houthis contre la marine marchande. La frappe a été revendiquée par la faction rebelle et justifiée par sa présumée propriété britannique (le navire appartient à la société Darwin Oceanway).

Un pétrolier avec un casier chargé

Le pétrolier Andromeda Star, enregistré au Panama et de propriété britannique jusqu’en novembre 2023 (UML Abbey avant d’être acquis par Algae Marine), a signalé des dégâts mineurs lors d'une attaque de missiles le 27 avril à une trentaine de km au sud-ouest de la ville yéménite de Mokha.

Mais comme le MSC Darwin, il a pu poursuivre sa route. En provenance du port russe de Primorsk, le tanker, qui a manifestement des activités liées à la Russie sous sanction, avait pour destination Vadinar, en Inde.

Le pétrolier pourrait faire partie de la fameuse flotte noire, qui navigue avec une assurance et des certificats (classification, inspection, formation) délivrées par des sociétés peu regardantes, et permet actuellement au pétrole russe de contourner l'embargo. Après une collision dans le détroit du Danemark le mois dernier, le capitaine avait fourni de fausses informations d'assurance, selon Bloomberg.

Des justifications erronées

Le navire circulait en indiquant « No contact with Israel » via son signal AIS, conformément à la demande des Houthis, qui ont promis de ne pas toucher aux navires russes et chinois. Que ce soit accidentellement ou intentionnellement, plusieurs navires liés à ces pays ont néanmoins été visés ces dernières semaines.

Jusqu’à présent, bien qu’ils affirment viser des intérêts exclusivement ennemis, à savoir israéliens, américains et britanniques, les raisons justifiant certaines cibles restent opaques ou relèvent d’informations erronées.

Un navire sous contrat américain

Les rebelles ont également tenté d'attaquer, selon le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom), le Maersk Yorktown, un porte-conteneurs battant pavillon américain (18 membres d'équipage américains et quatre grecs à bord), exploité par l'armateur danois sous contrat avec l'armée américaine.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un vraquier grec, Cyclade, enregistré à Malte, a échappé au large du Yémen à un projectile lancé dans le cadre d’une salve de trois tirs de missiles balistiques antinavires et de trois drones, sans faire de dégâts, d'après l'agence de sécurité maritime britannique (UKTMO) et le Centcom. Le navire avait fait escale dans le port israélien d'Eliat le 21 avril bien qu’il ait masqué sa véritable destination.

85 navires escortés par Aspides

Les forces marines européennes, qui interviennent dans le cadre de la mission européenne l'EU Navfor Aspides, font valoir que cette dernière a permis « de protéger 85 navires marchands depuis son lancement, d’intercepter ou détruire neuf drones, un navire de surface sans pilote et quatre missiles balistiques ».

La frégate italienne Virginio Fasan vient de rejoindre la mission du bâtiment militaire qui dirigeait jusqu'à présent l'opération. L'Italie assure le commandement opérationnel de la démarche européenne.

Un nouveau bond des taux de fret

La question reste la même à chaque perturbation qui porte un risque de surchauffe : le déplacement du conflit vers la zone maritime, où une grande partie de la marine marchande s'est déportée, va-t-il faire bondir les taux de fret comme cela s'était passé à l'issue de la 23e attaque en mer Rouge.

Rien de probant à ce stade. L'indice mondial des conteneurs de Drewry a augmenté de 1 % à 2 725 $ par conteneur de 40 pieds (FEU) la semaine dernière (+ 55 % par rapport à la même semaine l'année dernière).

L'indice composite moyen depuis le début de l'année est ressorti à 3 230 $ par FEU. Les taux de fret de Shanghai à Gênes ont augmenté de 102 $ (+ 3 %) pour atteindre 3 717 $ et de 47 $ entre Shanghai à Rotterdam (+ 2 %), à 3 103 $/FEU, mais ont baissé de 1 % dans l'autre sens. Les prix de Los Angeles à Shanghai, Shanghai à New York, New York à Rotterdam et Rotterdam à New York sont restés stables.

Mais de l'Asie, l'envoi d'un conteneur de taille standard vers l'Europe coûtait certes en avril cinq fois plus que leur prix en octobre 2023 quand les taux de fret étaient au plancher.

L'autre crainte concerne la possible inflation de la prime d'assurance contre les risques de guerre, qui s'élevait à environ 0,05 % avant le début de la crise et a grimpé entre 0,75 % et 1 % de la valeur assurée du navire avec la crise de la mer Rouge.

Adeline Descamps

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