Iran/Israël : un point de pression supplémentaire pour le commerce maritime avec l'attaque du MSC Aries

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Dans un climat de tension électrique entre Tel Aviv et Téhéran, le porte-conteneurs MSC Aries a été saisi par la milice armée de l'Iran dans le détroit d’Ormuz, un des points de passage difficilement contournables pour les exportations de pétrole. Les observateurs s’attendent à l’ouverture d’un nouveau front au Moyen-Orient.

Le 11 avril, l'agence Bloomberg avait révélé que les renseignements américains disposaient d’informations à propos d'une « attaque massive et imminente » de l’Iran sur Israël. Et il faut, dans ce domaine et sur cette région, leur reconnaître une expertise certaine… Les États-Unis, alliés historiques d'Israël, n'ont pas tardé à réagir, annonçant hier soir, le vendredi 12 avril, qu’ils allaient renforcer leur présence dans la bande de Gaza « afin de soutenir les efforts de dissuasion régionale et accroître la protection des forces américaines ».

Une ligne rouge a été franchie depuis l’attaque meurtrière imputée à l’armée israélienne le 1er avril d’un bâtiment diplomatique iranien en Syrie qui a tué 16 personnes parmi lesquelles deux généraux iraniens. Depuis, l’incertitude est forte face à une possible riposte de Téhéran, ce dernier ayant menacé son ennemi juré de représailles. Les observateurs s’attendent à l’ouverture d’un nouveau front au Moyen-Orient

Un point de pression supplémentaire donc pour le commerce maritime mondial. Les navires marchands se trouvent déjà pris en étau par la géopolitique guerrière imposée par les révolutionnaires de Sanaa, les Houthis, qui ont perpétré des dizaines d'attaques en mer Rouge et dans le golfe d'Aden en soutien au Hamas palestinien. Le mouvement, que l’on dit armé par l’Iran, est aussi soutenu par le Hezbollah libanais.

Climat polaire

C’est dans ce climat électrique qu’est intervenue ce samedi 13 avril dans le détroit d’Ormuz, un des points de passage difficilement contournables pour les exportations de brut, la saisine du porte-conteneurs MSC Aries (14 300 EVP) battant pavillon portugais par les Gardiens de la Révolution, la milice armée de l'Iran opérant en dehors des frontières iraniennes.

Le navire affrété par MSC appartient au NOO (non operating owner) Zodiac Maritime. Cette société de gestion et d’affrètement de navires, basée à Monaco, est contrôlée par un des frères Ofer, Eyal, aîné du défunt magnat du transport maritime israélien Sammy Ofer, très connu en Israël (la tête de série des premiers porte-conteneurs au GNL de ZIM lui rend hommage en portant son nom).

Son cadet Idan est à la tête d’un autre propriétaire de flotte, Eastern Pacific Shipping (EPS), basée à Singapour. Les deux sociétés font partie du groupe fondé par leur père en 1950.

Abordage héliporté

Le navire a été arraisonné et ses 25 membres d'équipage, pris en otage, par les forces spéciales maritimes iraniennes, plusieurs hommes ayant débarqué sur le navire avec des moyens héliportés, a indiqué l'agence officielle iranienne Irna. Le MSC Aries doit être conduit dans les eaux territoriales iraniennes, a-t-elle précisé.

Jusqu'à présent, Téhéran n’avait pas assumé la responsabilité d'une attaque de navires dans le Golfe. Les autorités iraniennes n'ont pas non plus mentionné un quelconque lien avec l'attaque du consulat iranien à Damas.

Agitation du bloc occidental

Israël a prévenu ce samedi 13 avril que l'Iran devra « subir les conséquences d'une escalade » dans la région. « Nous avons renforcé notre préparation pour protéger Israël d'une nouvelle agression iranienne. Nous sommes également prêts à réagir », a fait savoir le porte-parole de l'armée israélienne, Daniel Hagari.

Dans un entretien accordé à un journal iranien en début de semaine, relayé par l’AFP, le commandant de la marine des Gardiens, le général Alireza Tangsiri, avait assurer « la sécurité du détroit d'Ormuz » et qu’il était en mesure de le fermer à la navigation si « l'ennemi venait pour la perturber ».

Les craintes d'un embrasement régional ont poussé les Pays-Bas à fermer, « par précaution », leur ambassade en Iran et leur consulat à Erbil, dans le Kurdistan irakien. Plusieurs pays, dont la France, l'Allemagne ou les États-Unis, ont par ailleurs invité leurs ressortissants à ne pas se rendre en Iran. Paris a annoncé le rapatriement du personnel d’ambassade.

Suspension des vols

Le 12 avril, après avoir annoncé une suspension temporaire (quelques jours) de leurs vols de/vers Téhéran, la compagnie allemande Lufthansa et sa filiale autrichienne Austrian Airlines ont prolongé leur mesure jusqu'au 18 avril. Les transporteurs n’emprunteront plus non plus l'espace aérien iranien, « du fait des tensions au Moyen-Orient », a justifié le groupe allemand.

La compagnie australienne Qantas a informé ce samedi 13 avril qu'elle allait dévier ses vols long-courriers entre Londres et Perth afin d'éviter l'espace aérien iranien.

Les armateurs de pétroliers, dont les taux de fret ont significativement remonté avec la succession des chocs géopolitiques – la guerre en Ukraine et la « crise de la mer Rouge » –, retiennent pour l'instant leurs réactions.

Des précédents pour Zodiac

Zodiac n'en est à ses premières attaques. Pour mémoire, en novembre dernier, un autre navire de sa flotte, le pétrolier Central Park (20 000 tpl), avait été abordé au sud-ouest d'Aden par les Houthis en vue d'un détournement vers Hodeïda. Ils en avaient été empêchés par le patrouilleur américain USS Thomas Hudner. Cinq des pirates avaient été appréhendés après avoir tenté de s'enfuir à bord d'un hors-bord.

En février 2023, soit bien avant les événements tragiques du 7 octobre des commandos du Hamas, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait réagi personnellement en Conseil des ministres à la suite de l'attaque par un drone iranien d'un aframax de Zodiac à Fujaïrah au large des côtes des Emirats arabes unis. L’homme fort de Tel Aviv avait alors mis en cause l'Iran, accusé de « porter un coup à la liberté internationale de navigation.

En novembre 2022, Tel Aviv et Washington avaient accusé Téhéran d'être à l’origine d’une attaque au drone, au large des côtes d'Oman, visant un autre pétrolier exploité par une compagnie appartenant à Idan Ofer.

Guerre de l'ombre

Depuis plusieurs années, l'État d’Israël et la République islamique sont engagés dans une guerre de l'ombre, qui prend aussi la forme d’actes de sabotages de sites militaro-industriels, ciblant les activités d'enrichissement d'uranium ou de défense.

« Il est dans l'intérêt du gouvernement israélien de faire une extension et en même temps une diversion du conflit qui l'oppose au Hamas, a indiqué , à propos des tensions régionales croissantes, Hasni Abidi, politologue spécialiste du monde arabe, dans un entretien à France Culture. « C'est une opportunité pour accroître le soutien, notamment américain et occidental. Aussi, pour Israël, l'Iran est un soutien important de tous les autres mouvements, le Hamas, le Djihad islamique et le Hezbollah. C'est probablement pour eux l'opportunité d'en finir avec la menace iranienne persistante. »

Adeline Descamps

 

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