Yasmine Iamarene, Midi Pile : "Aujourd’hui on arrive à relever le défi de la parité, avec autant de femmes que d’hommes"

Yasmine Lamarène, présidente de Midi Pile.

Crédit photo Midi Pile
Voici un an et demi, en pleine crise du Covid, Midi Pile a misé sur la parité pour se lancer dans la livraison du dernier kilomètre. Yasmine Iamarene, cofondatrice, en est la présidente. Aujourd'hui l'entreprise compte 100 salariés, une cinquantaine d'utilitaires et des vélos cargo. Le pari est réussi puisqu'elle emploie autant d'hommes que de femmes. 

Actu-transport-logistique : Comment et pourquoi est né Midi Pile ? 
Yasmine Iamarene : J’ai travaillé 10 ans en supply chain, notamment pour les Galeries Lafayette. J’avais une vision de consommatrice frustrée de la livraison du dernier kilomètre car je ne comprenais pas pourquoi le livreur n’était pas toujours soucieux de satisfaire le client, je me demandais pourquoi il n’y avait que des hommes alors que c’était un métier qui pouvait être accessible aux femmes et répondre à une certaine précarité.
Certains labels verts ne livraient pas les villes dans lesquelles j’ai grandi. Pour moi, le dernier kilomètre c’est partout. En pleine crise du Covid il y avait un vrai besoin, et pour nous il était important de le faire bien. Avec des livreurs fiers de porter leur uniforme, conscients des enjeux de leur métier. 

Actu-TL : Même si le moment était opportun, il n’était pas facile, en pleine crise du Covid, il y a un an un demi, de lancer votre société ?
Y. I. : Non car on ne pouvait rencontrer personne. Comme je ne savais par où commencer j’ai intégré Les Déterminés, une association incroyable, aujourd’hui incubateur. Moussa Camara a voulu donner les mêmes chances aux entrepreneurs, qu’ils viennent de banlieue, de zones rurales ou de Paris, qu’ils aient fait des études ou pas. Ils m’ont permis de rencontrer le n° 1 de BNP Paribas qui a cru en nous. Dans la mesure du possible, je fais appel, pour la sous-traitance, aux autres sociétés Déterminés qui ont envie de se lancer. 

Actu-TLVous utilisez de l’électrique, des utilitaires 20 m3, du GNV, du GNC, des vélos cargos... Ce sont des véhicules que vous louez ou les avez-vous acquis ? 
Y. I. : Les deux. Nous avons des véhicules en propre, mais étant donné que la livraison du dernier kilomètre est une activité très saisonnière, à Noël ou pendant les soldes, il faut multiplier notre flotte par trois. Et là, heureusement que la location existe. Pour l’électrique on n’a plus le choix, on est obligé d’investir dans notre flotte parce que la pénurie fait que si on attend les locations, c’est trop compliqué. 
On est partenaires de l’agglomération de Cergy-Pontoise avec ColisActiv’, dispositif destiné à inciter les villes à livrer davantage en vélo cargo. On avance avec la ville de Paris, avec laquelle c’est formidable, pour les sociétés qui souhaitent se lancer, étant donné qu’il y a les routes et les infrastructures. On met ainsi moins nos livreurs en difficulté. De ce fait il y a aussi de plus en plus de sociétés qui vendent et réparent les vélos cargos.
En revanche, on accompagne des enseignes du textile et du luxe pour lesquelles notre objectif est d’aller nous implanter en province afin de livrer en vélo cargo, mais on y trouve difficilement des réparateurs. Car certains vélos cargos sont faits avec des pièce de moto pour pouvoir soutenir jusqu’à plus de 250/300 kg de charge, et comme c’est nouveau, ce n’est pas évident à trouver. 

Actu-TL : Vous avez misé sur la parité. Pourquoi y croyez-vous et comment recrutez-vous ?
Y. I. : J’avais envie d’aller chercher des femmes, parce qu’en banlieue il y a une vraie précarité et pourtant les entrepôts, c’est là-bas qu’ils sont. Aujourd’hui on arrive à relever le défi de la parité avec autant de femmes que d’hommes. Elles n’accomplissent pas forcément tous les types de mission, le but est qu’elles se sentent bien. On a un bon retour des clients, les notes sont bonnes et elles touchent énormément de pourboire. Ça les motive à y mettre la meilleure énergie possible.
Nos femmes livreurs ont une notion de l’expérience client et souvent plus d’aisance à faire en sorte que le moment de la livraison se passe bien. Quand je me suis lancée dans ce pari, sachant qu’en France il y a 5 % de femmes sur les routes, on m’opposait par exemple que cela allait être trop lourd, sachant que le poids moyen en messagerie est de 15 kg. Quand je vois les résultats, je suis vraiment fière !
Pour recruter les femmes il faut aller les voir, leur parler, effectuer un vrai travail de sensibilisation, ce que je fais avec Pôle Emploi, la Mission locale et les associations de quartier. Encore rattachées à Pôle Emploi, des femmes en recherche viennent travailler chez nous pendant une semaine. Nous leur faisons découvrir le métier du transport et son quotidien pour qu’au bout du compte elles puissent se dire "J’aime bien, j’y vais" ou "Je n’aime pas". 

Actu-TL : Est-ce important pour vous qu’un livreur connaisse les clients de son entreprise, les produits qu’il transporte ? 
Y. L. : L’idée est plutôt de faire comprendre aux équipes que la personne qui attend son produit a les mêmes attentes que quelqu’un qui va en magasin. Et que la personne qui les rencontre à 8 h du matin attend la même énergie à 20 h. Ils sont garants de l’image de Midi Pile et de la marque qu'ils livrent. Il ne faut pas gâcher ce moment clé. On leur en demande beaucoup. On développe une dynamique collective en organisant des petits-déjeuners, des événements, des groupes sur WhatsApp pour qu’ils puissent partager les bons comme les mauvais moments, ce qui leur permet de prendre du recul sur des situations pas faciles. Et qu’ils se sentent moins seuls sur la route.

Actu-TL : Vous aviez constaté que le personnel était en général peu qualifié. Qu’avez-vous mis en place en matière de formation ? 
Y. I. : Du travail en coconduite, ce qui aide aussi à pallier le sentiment de solitude. Les livreurs ont tous envie de devenir livreurs formateurs. Une grande partie de nos managers étaient d’ailleurs livreurs il y a un an et demi.
Je prends aussi régulièrement la route avec un(e) salarié(e), surtout quand on a un nouveau client, pour comprendre les vraies contraintes et aussi pour être légitime. On ne peut pas comprendre des problématiques dont on n’a pas conscience. Une journée théorique est animée en visio pour les règles de sécurité notamment. 

 

Midi Pile en chiffres

  • Activité : livraison du dernier kilomètre, à 95 %
  • Périmètre actuel : Paris, Bordeaux, Marseille
  • Clients : Amazon, Chronopost, des marques de textile, de luxe,
  • Flotte : une cinquantaine d’utilitaires en propre, des vélos cargo
  • Effectif : 100 salariés, autant de femmes que d'hommes

 

 

 

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