Pénurie de chauffeurs et reprise économique : ce cocktail explosif commence à influencer sérieusement les relations entre les transporteurs routiers et leurs clients chargeurs. L'AUTF et le cabinet de conseil BP2R ont voulu prendre la température du phénomène. Pour cela, ils ont procédé à un sondage mené du 7 décembre 2017 au 21 janvier 2018 auprès d'un panel de 239 industriels et distributeurs localisés en France, qui représentent en cumulé un budget d'achat de transport routier de près de 12 milliards d'euros.
Un marché considéré comme sous-capacitaire
L'enquête confirme d'abord la reprise économique. 70 % des chargeurs ont enregistré une croissance modérée ou forte de leur volume global transporté par la route entre 2016 et 2017, et ils sont 73 % à prévoir une augmentation similaire entre 2017 et 2018. À cela s'ajoute une pénurie de chauffeurs, qui dépasse d'ailleurs les frontières françaises. Résultat : deux tiers des chargeurs interrogés considèrent que le marché est aujourd'hui sous-capacitaire, et aucune amélioration n'est en vue pour 2018.
L'enquête AUTF/BP2R fait ressortir trois conséquences majeures de cette situation : une dégradation de la qualité de service, une remontée des prix de transport et une modification des comportements d'achat.
La qualité de service est mesurée par le biais des reports ou annulations de transport. Selon l'enquête, le taux de défaillance moyen frôle les 6 % en 2017, contre 1 % en année "classique". Sur ce point, le service fourni par les transporteurs est jugé meilleur que celui des commissionnaires de transport.
Malgré ce contexte, la remontée des prix de transport reste relativement modérée. Elle est évaluée à 2 % par les chargeurs pour 2018. Un chiffre à "mettre en face de la revalorisation moyenne de 3,1 % que les transporteurs comptaient passer à leurs clients, selon une enquête que nous avions réalisée en octobre 2017", rappelle BP2R.
Se respecter pour réduire les coûts
Face à ce "défi capacitaire", 71 % des chargeurs plébiscitent des relations durables avec leurs prestataires. "En rupture avec la tendance passée, 33 % des chargeurs sont dans une démarche d'augmentation du nombre de leurs prestataires", indique l'enquête. Les solutions peuvent aussi venir d'une réorganisation des flux pour optimiser les taux de chargement. Par ailleurs, la notion de partenariat ne peut plus relever seulement de l'effet d'affichage.
Invité à témoigner lors de la présentation de l'étude au salon SITL le 20 mars, Jean-Baptiste Courcelle, directeur transports achats et packaging de Faurecia, confirme : "On ne peut plus acheter le transport comme ces 10 dernières années. Nous avons par exemple contractualisé des créneaux fixes pour limiter les temps d'attente. Car un chauffeur et un tracteur qui ne bougent pas, c'est beaucoup de pertes. On contractualise aussi les délais d'acheminement entre le point de chargement et de déchargement, en prenant en compte les bouchons et les aléas pour que le transporteur puisse respecter ses créneaux à chaque fois. On a appris à se respecter pour réduire nos coûts de part et d'autre. Nos 10 transporteurs ont eu 10 % de croissance avec nous ces 10 dernières années".
