L'entreprise Hyliko a été lancée en octobre 2021. Quelle est sa vocation ? Pouvez-vous détailler l'offre de la société ?
Lorsque la société a été créée, l'idée était d'apporter une solution de décarbonation clé en main pour le TRM. De trois personnes lors sa création, Hyliko a bien grandi depuis, avec un effectif d'une trentaine de collaborateurs en propre sur deux sites, à Paris et à Aix-enProvence. Sans compter la trentaine d'externes issus des partenariats que nous avons noués. Désormais, l'entreprise se veut être une plateforme servicielle d'accès à l'hydrogène. Nous avons donc construit notre offre truck-as-aservice selon un triptyque énergie/véhicule/ traçabilité. Sur l'énergie, nous avons opté pour l'hydrogène vert afin de pallier les besoins d'autonomie du transport longue distance, sa facilité d'usage similaire au diesel. En matière de véhicule, nous avions constaté que l'offre constructeurs était limitée pour la motorisation hydrogène. C'est pour cela que nous avons proposé de mettre à disposition des camions diesel rétrofités avec une pile à combustible à hydrogène, sous un modèle de location au kilomètre parcouru indexé à la consommation d'hydrogène. Et pour compléter notre triptyque, nous assurons la traçabilité de l'empreinte carbone de bout en bout. Notre stratégie se concentre en premier lieu sur le territoire français, pour aider à faire émerger une filière nationale de la mobilité lourde à l'hydrogène.
Pouvez-vous détailler la vision stratégique de la société sur l'avitaillement ?
Sur l'énergie, nous avons choisi de tenter de découpler notre activité des marchés énergétiques traditionnels pour être stable sur le prix de notre hydrogène. Pour mieux maîtriser notre production d'hydrogène, nous avons fait le choix d'une production décentralisée en partenariat avec la société Carbonloop, ce qui évite du transport. Il consiste en un maillage sur tout le territoire d'unités de production et distribution à 350 bars d'hydrogène vert, d'une capacité comprise entre 400 et 800 kg par jour, ce qui représente 10 à 20 pleins de poids lourds. Des stations qui seront ouvertes au public, permettant une interopérabilité avec des véhicules hors offre Hyliko (bus, taxis, etc.). À propos des infrastructures, nous venons d'officialiser un partenariat avec NEL et Mesure Process pour la construction, courant 2024, de stations haut débit de 700 bars d'hydrogène vert plus adaptés aux poids lourds. En attendant, nous allons, dès la rentrée de septembre 2023, proposer un avitaillement d'hydrogène pour poids lourds, au travers d'une station mobile fournie par notre partenaire Atawey et implantée chez l'un de nos partenaires. À terme, nous envisageons de développer une offre de cartes carburant, Hyliko Extended, pour permettre de s'avitailler.
Est-ce que l'hydrogène d'Hyliko sera compétitif face au diesel qui devrait encore subsister un temps?
Élaboré en collaboration avec la société Carbonloop, notre hydrogène « super vert » est accompagné de biochar produit par un procédé de thermolyse de biomasse. Ce qui nous permet d'avoir même un bilan CO2 négatif, le biochar étant considéré comme un puits de carbone. Le coût complet de détention d'un poids lourd hydrogène est toutefois entre deux à trois fois plus cher que le diesel aujourd'hui, mais il faut tenir compte du kilométrage dans notre modèle et du passage à l'échelle de la filière pour voir ce coût se réduire. Toutefois, ce coût ne tient pas compte des subventions et de participation des pouvoirs publics. Le déploiement de l'hydrogène va bénéficier de près de 155 millions d'euros au travers des différents appels à projets et dispositifs de soutien dans les années qui viennent.
Et quelle stratégie Hyliko a-t-elle adoptée concernant les véhicules ?
Nous sommes avant tout des intégrateurs de technologies éprouvées. La pile à combustible provient du groupe Toyota, le réservoir est fourni par Plastic Omnium, les batteries sont fabriquées par Forsee Power, la partie informatique est développée par Altran, l'intégration de l'ensemble par Green GT ... Nous avons opté pour une approche rétrofit des camions diesel afin de pouvoir proposer du serviciel. Nous avons dévoilé notre tracteur 44 tonnes à l'occasion du Salon Hyvolution en février dernier, et travaillons également sur un porteur 26 tonnes. Pour ce qui est de l'entretien et la réparation, nous sommes actuellement en pourparlers avec des ateliers indépendants implantés dans différentes régions de l'Hexagone. En matière de développement technologique, nous étudions la possibilité de recourir à des essieux électrifiés, pour se libérer de l'arbre de transmission et ainsi avoir plus d'espace pour les réservoirs.
Quelles sont les prochaines grandes échéances à venir pour Hyliko?
L'année 2023 est une année d'exécution. Après avoir dévoilé notre prototype de tracteur en début d'année, nous allons matérialiser notre offre auprès des transporteurs et des chargeurs sur le second semestre 2023. Nos premiers camions hydrogène devraient être opérationnels avant la fin de l'année. Mi-2024, nous devrions pouvoir nous implanter sur notre pôle d'excellence de la mobilité lourde hydrogène à Villabé, en Essonne. Il hébergera une station de production et de distribution d'hydrogène, un centre de formation, un showroom, ainsi que des ateliers de maintenance lourde. Cette implantation constitue une étape importante qui nous permettra d'accélérer sur notre montée en puissance : nous ambitionnons de déployer à l'horizon 2025 une dizaine de stations en France, et une centaine de véhicules (tracteurs et porteurs confondus). Si tout se déroule comme escompté, entre 2025 et 2030, nous pourrions doubler notre effectif en propre et envisager un déploiement dans les pays limitrophes entre 2025 et 2030.