#Série d’été / Valérie Lasserre (La Chaîne logistique du froid) : « Nos inquiétudes portent sur la santé de nos clients et la crise énergétique »

Valérie Lasserre La Chaîne Logistique du Froid

Valérie Lasserre, déléguée générale de La Chaîne Logistique du Froid.

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L’association La Chaîne logistique du froid réunit des professionnels du transport et de la logistique du froid. Elle se veut porte-parole des problématiques et des enjeux spécifiques de la filière. Valérie Lasserre, sa déléguée générale, nous dresse un panorama des chantiers et des ambitions de l’association.

Qu’a accompli l’association La Chaîne logistique du froid en six ans ?

Valérie Lasserre : La Chaîne logistique du froid a six ans d’existence mais elle est ancrée sur des organisations professionnelles solides : l’Union syndicale nationale des exploitations frigorifiques (Usnef) et l’Union nationale du transport frigorifique (UNTF), avec le soutien de Transfrigoroute France, association sur les questions techniques du monde du transport frigorifique. Notre bilan est positif : la consolidation des organisations s’est faite sans perte d’adhérents, voire avec l’adjonction de nouveaux. Notre conseil d’administration est représentatif de la diversité des métiers que nous exerçons, de la taille de nos entreprises… Nous ne sommes pas là pour parler au nom des « gros » ou des « petits » mais des professionnels qui ont des problématiques. Une vraie synergie s’est opérée.

Quelle est votre feuille de route pour 2023 ?

L’année 2022 était placée sous le thème de la transition énergétique. En 2023, le thème est l’attractivité des métiers, c’est l’un des piliers de notre feuille de route « Ambition 2024 ». Un certain nombre d’actions sont lancées comme le FrigoTour – créé en partenariat avec l’AFT Transport et Logistique et Transfrigoroute France – afin de valoriser les métiers du transport sous température dirigée. Un camion de démonstration va faire dix étapes dans des lycées professionnels des Hauts-de-France, de Normandie, de Bretagne, de la façade atlantique, des Midi-Pyrénées, d’Aquitaine… pour finir à Lyon. Des démonstrations de matériel – casques de réalité virtuelle, simulateurs de conduite… – sont prévues pour valoriser les métiers du transport et de la logistique frigorifique auprès des étudiants et des demandeurs d’emploi.

Justement sur le recrutement, vos problématiques sont-elles identiques à celles du TRM ?

On parle beaucoup de la tension sur les postes de conducteurs, mais elle concerne aussi les métiers de la logistique : agent de quai, préparateur de commandes… Nous voulons valoriser ces métiers qui rencontrent des difficultés de recrutement du fait d’une méconnaissance. Nous avons des problématiques communes avec le transport, mais nous avons aussi des exigences techniques. Nous transportons des marchandises sensibles, utilisons des matériaux spécifiques, nous avons des groupes de production de froid, il faut surveiller les températures… Nous avons besoin d’un profil différent des conducteurs classiques.

Après trois années de crise, comment se porte la filière « froid » ?

Pour le moment, la filière ne se porte pas trop mal mais c’est compliqué de généraliser ce constat. Pendant la Covid-19, nous avons continué nos activités pour alimenter les grandes surfaces, mais ceux travaillant avec la restauration ont beaucoup souffert. En 2022 avec la grippe aviaire, les métiers du transport et de l’entreposage de volaille ont été fortement atteints. Attention donc à ne pas sous-estimer les difficultés sectorielles auxquelles sont confrontés nos adhérents ; nous sommes tributaires de nos clients de l’agroalimentaire, de l’industrie de la pêche, des fruits et légumes, de la viande, de la restauration, etc. L’année 2022 a été à peu près satisfaisante, car nous sommes revenus aux volumes d’activité d’avant-Covid-19, mais nous avons beaucoup d’inquiétudes pour 2023 concernant la santé de nos clients et la capacité de nos entreprises à faire face, entre autres, à la crise énergétique. Nous faisons du froid, donc nous sommes tributaires du prix de l’électricité. Il y a eu des aides mais il y a des trous dans la raquette, car elles ne s’adressent qu’à certaines typologies d’entreprises.

Comment les acteurs réagissent-ils aux inflations des prix de l’énergie ?

La hausse de la fiscalité sur le gaz naturel renouvelable (GNR) a été reportée à 2024. Nous ne subissons donc « que » les variations des prix des carburants. Nous avions obtenu la mise en place du pied de facture pour le GNR, entré en vigueur le 1er janvier 2023, qui nous protège car la variation des coûts est répercutée sur les clients. Sur le carburant de motorisation, nous sommes tous logés à la même enseigne. Nous avons fait face, là aussi en étant protégés par le pied de facture sur le gazole. Ce n’est pas forcément bien accueilli par les clients, mais la loi nous protège. La filière tient bon ; il semblerait que les prix de l’électricité et des carburants aient des frémissements à la baisse mais ils sont déjà à un niveau très élevé.

Quels sont les grands défis à venir de la filière « froid » ?

Un autre enjeu est la révision sur la réglementation des fluides frigorigènes. Il existe une réglementation européenne sur les gaz fluorés (F-Gaz) mise en place en 2006, révisée en 2014 et en cours de révision. La réglementation initiale visait à limiter l’émission de gaz à effet serre avec un contrôle d’étanchéité, complétée en 2014 par un calendrier de réduction progressive des quantités mise sur le marché pour limiter leur utilisation. Le projet de révision tel qu’il se profile pourrait être catastrophique pour le transport frigorifique, car il veut accélérer la limitation du recours aux fluides frigorigènes (ou HFC) avec une interdiction à partir de 2027. Sur la réfrigération fixe, des technologies alternatives existent, mais la question est économique pour les entreprises. Mais sur le transport, la question est technologique, les alternatives à la compression de gaz fluoré étant balbutiantes ! Certaines sont expérimentées mais ne sont pas adaptées à tous les usages, comme la cryogénie ou la compression de CO2. Il faut donc se donner le temps de trouver des alternatives. Il y a des spécificités liées au froid, on a besoin qu’elles soient prises en compte, comprises et intégrées dans les réflexions des autorités nationales et européennes.

Sur les motorisations, comment les transporteurs appréhendent-ils le déploiement des ZFE-m ?

Sur les ZFE-m, nous étions très inquiets de l’absence de concertation entre collectivités. Nous ne pouvons que saluer la mise en place de la cellule interministérielle. Nous espérons qu’il y aura une coordination et une harmonisation des règles. On ne peut que comprendre et soutenir le besoin de mettre en place des règles pour limiter les impacts environnementaux de nos activités, mais il ne faut pas que cela crée plus de difficultés. À Paris, les camions frigorifiques sont exclus des contraintes de la ZFE. Le jour où l’accès au centre est limité aux seuls véhicules porteurs d’une vignette Crit’Air 0 ou 1, cela ne s’appliquera pas à nos véhicules. C’est une démarche intelligente, car l’autonomie d’une ville en produits frais est de 48 heures maximum.

Le secteur doit pourtant se saisir de ces sujets…

Nous nous en saisissons : nous sommes vigilants à la motorisation de nos camions, à la classe énergétique de nos groupes… L’essentiel de nos camions est Euro 5, voire Euro 6, l’âge moyen du parc de camions frigorifiques en France est de 10 ans. Nous avons des camions très performants mais on voit se déployer de nouvelles exigences de motorisation, par exemple électrique, qui pose des problèmes d’autonomie, d’avitaillement et de production : on invite à limiter notre consommation pour faire face à la demande cet hiver, mais si on généralise l’alimentation électrique des voitures et camions, n’est-on pas en incohérence ? Aujourd’hui, tout le monde s’éloigne du gaz, à cause de son prix mais aussi car cette motorisation n’est pas aussi efficace que le diesel. On se débarrasse d’une solution technologique efficace pour la remplacer par une autre, dont le réseau d’avitaillement n’est pas développé, le coût énergétique énorme et l’achat initial du matériel élevé. Je crains qu’il n’y ait pas de marche arrière sur le diesel. C’est regrettable d’avoir tout misé sur une rupture technologique avant d’avoir réfléchi à une transition.

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