Voilà aujourd’hui un an que Jean-Louis Mazet, pur produit du groupe familial éponyme, a été nommé à la présidence de l'entreprise, à la suite du décès prématuré de son frère, Thierry. Le fils de ce dernier, Pierre-Louis Mazet, avait repris la direction générale quelques mois auparavant. « Après avoir finalisé, à San Francisco, un Master 2 en management des organisations, je me suis formé pendant trois ans, notamment à la tête de l’activité messagerie du groupe, explique Pierre-Louis Mazet. Mais mon père étant malade, nous avons accéléré ma prise de responsabilité. »
Tous deux se retrouvent à la tête d’un groupe aujourd’hui centenaire. L’histoire de l’entreprise remonte en effet à 1923 : cette année-là, le jeune couple que forment Louis et Joséphine Mazet se lance dans le transport de matériaux de construction et l’exploitation de carrière, à Lalevade, en Ardèche. Mais dès 1930, Louis Mazet « est l’un des premiers professionnels à anticiper l’essor du transport routier de marchandises », a fièrement rapporté son petit-fils, Jean-Louis, lors d’une célébration du centenaire avec les employés et partenaires, le 23 juin dernier. Le couple fondateur crée ainsi, dès les années 1930, ses premières lignes de messagerie, faisant le lien entre les entreprises ardéchoises de moulinage et celles de confection, en Rhône-Alpes et dans le Nord. Quatre ans plus tard, il leur faut même déménager à Aubenas sur 2 000 m2.
Diversifications, acquisitions…
Passée la rupture d’activité provoquée par la guerre, l’entreprise se développe à nouveau, grâce aux nouveaux créneaux du vin et de l’eau Perrier (un client qui l’aidera plus tard à se redresser du choc pétrolier et de la crise du textile), et grâce à sa diversification dans la logistique et le transport sous température dirigée. Lorsqu’arrive aux commandes la deuxième génération, en 1968 et 1969, les implantations à Lyon et Lille, en complément d’Aubenas, sont solides. Quand les Établissements Mazet célèbrent leurs 50 ans, l’effectif atteint 234 collaborateurs et un entrepôt parisien a été ouvert. Dans les années 1980, vient le tour de la troisième génération de prendre les manettes, l’entreprise est restructurée en holding et filiales, puis un garage de maintenance du parc est créé, la logistique renforcée. Le début des années 2000 voit le déménagement du siège à Montélimar (26) et la création de quatre filiales porteuses de quatre activités centrales (messagerie, route, logistique et international). Enfin, les années 2010 marquent une étape importante avec quatre opérations de croissance externe (Belmonte, Sud Transport, Laperrière et Ferrapie) et le choix d’investir en faveur du colza.
En cette année de son centenaire, le groupe Mazet atteint 1 000 collaborateurs et 1 200 cartes grises ainsi qu’un chiffre d’affaires consolidé 2022 de 140 millions d’euros. À des clients relativement fidèles comme L’Oréal, Coca-Cola, de grands noms du champagne ou la verrerie américaine O-I, d’autres s’ajoutent régulièrement comme, récemment, ce « gros acteur de la Plastic Vallée de l’Ain » que les dirigeants se félicitent d’avoir intéressé. L’entreprise ardéchoise est ainsi devenue un « poids lourd » du TRM, dont l’activité messagerie représente 60 % du chiffre d’affaires, assurés à 40 % en affrètement. Celle-ci s’appuie sur les 29 agences en France, positionnées en majeure partie sur l’axe nord-sud mais aussi dans l’Est et le long de la côte ouest de la France. L’objectif du tandem de direction est de poursuivre la croissance de cette activité : « Nous sommes toujours à l’écoute d’opportunités de croissance externe nous permettant de renforcer notre cœur de métier, assure Jean-Louis Mazet. Nous avons d’ailleurs quelques cibles spécialisées dans certains départements ou régions nous intéressant. » Leur souhait : ajouter trois ou quatre nouveaux sites aux 29 agences actuelles, pour renforcer la distribution en propre sur de nouveaux départements (une cinquantaine actuellement).
Développements logistiques
D’autres activités cependant sont, elles aussi, au cœur de la stratégie de développement du groupe, car davantage porteuses de valeur. À commencer par la logistique, déployée sur les dix centres logistiques et qui assure actuellement 8 à 10 % du chiffre d’affaires. « C’est très bien, commente Pierre-Louis Mazet. C’est une activité à forte valeur ajoutée, dans laquelle nous faisons du stockage, mais aussi du co-packing et de l’étiquetage, et que nous avons renforcée, depuis trois ou quatre ans, avec un outil de sortie en temps réel de l’état des stocks. » Le groupe Mazet a ouvert trois nouveaux bâtiments récemment, dans le Pas-de-Calais, dans l’Ain et en Ardèche. Quant aux sites de Gonesse (95) et Oyonnax (01), ils vont être agrandis. « Nous avons également déposé le permis de construire et les travaux vont démarrer pour la construction, à Montélimar, d’une plateforme de 4 600 m2, dont 1 600 m2 en température contrôlée, explique Jean-Louis Mazet. Ceux-ci nous permettront de stocker des cosmétiques ainsi que de l’alimentaire et du vin, dans de bonnes conditions. » L’été 2022, les vins et autres alcools d’un client ont en effet souffert des fortes chaleurs, ce qui a poussé le transporteur à accélérer cet investissement de quelque 7 M€ qu’il envisageait déjà pour intéresser d’autres entreprises du secteur, comme les nombreux producteurs de côtes-du-rhône de la région de Montélimar. Cette plateforme permettra d’ailleurs à Mazet de proposer le dropshipping, un service de livraison directe à partir de l’achat d’un produit sur le site Internet du client. Autre source d’attention des dirigeants du groupe : l’international, qui représente actuellement, lui aussi, de 8 à 10 % du chiffre d’affaires. Mazet assure déjà vingt départs quotidiens à l’international, desservant plus de trente pays, notamment européens. « Nous développons cette partie export avec des partenaires qui nous ressemblent, détaille Pierre-Louis Mazet. Nous ciblons actuellement une nouvelle entreprise, basée en France et ayant des activités à l’international. » Cet axe stratégique s’appuie sur la création récente d’un poste de directeur Europe gérant à la fois le national et l’international : « Il y a des synergies entre les deux, argumente le directeur général, en matière de clients et d’organisation de la distribution. » Le groupe, enfin, déploie trois autres activités, moins stratégiques mais qu’il souhaite néanmoins toujours conforter : le transport de lots et demi-lots, le multimodal « Air & Sea » et l’entretien des véhicules. Ce dernier est assuré par les garages créés dans chacune des implantations du groupe, pour la flotte Mazet comme pour celle de partenaires.
« Dépoussiérer »
Le plan de mise en œuvre de cette stratégie globale, baptisé « Horizon 2030 », a été élaboré dès 2022. Son but : atteindre 200 M€ de chiffre d’affaires en 2030. Pour y parvenir, l’objectif est de « booster la croissance organique comme externe », explique Pierre-Louis Mazet. Plusieurs acquisitions devraient ainsi être réalisées d’ici à 2026, « de manière réfléchie », ajoute Jean-Louis Mazet. Elles seront financées par les revenus d’une rentabilité de 2 à 2,5 % qui n’ont pas été distribués depuis plusieurs années afin de servir la mise en œuvre d’Horizon 2030.
Un plan qui vise aussi à « dépoussiérer, poursuit Pierre-Louis Mazet, comme dans toute entreprise familiale ». La charte graphique, par exemple, a été « rajeunie », des process modifiés, la digitalisation accentuée. Horizon 2030 s’appuie aussi sur une liste de dix « piliers » que les dirigeants considèrent comme « essentiels à la pérennité » du groupe. Parmi ces valeurs fortes, la priorité à l’action et à « la prise de risques calculés », la volonté de remettre en question les décisions en cas de désaccords ou encore celle d’innover « quitte à être incompris dans un premier temps ». « Nous incitons nos collaborateurs à sortir du moule, à avoir des idées », assure Jean-Louis Mazet. « Notre plan, c’est la réactivité, ajoute Pierre-Louis Mazet, pour faire la différence par rapport aux grands groupes internationaux. » Ayant observé des lenteurs internes lorsqu’il était à la tête de l’activité messagerie, le directeur général a recruté un project manager d’une trentaine d’années et l’a chargé d’impulser des démarches qualité et d’innover. Le contrôle de gestion, lui aussi, a été réformé par un renouvellement de ses équipes. À la clé de tous ces choix, un très faible turn-over, assurent les dirigeants, « surtout sur les manutentionnaires, mais aussi chez les directeurs d’agence et équipes administratives ». De quoi, là encore, « faire la différence ».
Siège : Montélimar (26)
Effectif : 1 000 salariés
Parc : 1 200 cartes grises
Agences : 20
Surface logistique : 80 000 m2 au total
Chiffre d’affaires consolidé 2022 : 140 M€