Olivier Poncelet (Union-TLF) : « La compétitivité et la pérennité de nos entreprises doivent être préservées »

Olivier Poncelet

Olivier Poncelet, délégué général de l’Union TLF

Crédit photo TLF/ Astrid Lagougine
Alors qu’un accord sur NAO du TRM est sur la table, l’Union TLF ne paraphera pas le document. Olivier Poncelet, délégué général de l’Union TLF, explique cette position et revient sur les sujets qui chahutent les entreprises du secteur.

Dans le cadre des NAO du TRM, un accord de revalorisation des grilles conventionnelles à 5,4% a été posé sur la table. TLF sera-t-elle signataire de ce document ?

C'est un sujet très important évidemment pour les entreprises et pour les salariés qui vivent depuis 2 ans une forte inflation. Grâce à un dialogue social de qualité, la branche a connu des revalorisations significatives en 2022 : plus de 5% au 1er février 2022 puis 1% au 1er mai 2022 et 6% au 1er décembre 2022. Il y a eu depuis de nouvelles hausses du smic en 2023. L'Union TLF a donc souhaité retrouver rapidement les écarts entre les minimas conventionnels et le smic, nous avons donc porté un mandat pour une revalorisation de 2,5%, applicable dès la signature de l'accord, en nous engageant à revenir en négociation début 2024 pour prendre en compte la hausse du smic à venir de janvier, dont le montant est encore inconnu. Notre approche était à la fois déterminée pour retrouver les écarts mais aussi prudente compte tenu du contexte économique. Lors de la 2e réunion du 11 octobre, la FNTR a décidé seule d'ouvrir un accord à signature à +5,4% applicable dès le 1er décembre 2023. L’Union TLF ne sera pas signataire parce que nos adhérents nous ont fait part de leur large incompréhension face à cette proposition dans un contexte économique très dégradé. S'il est évidemment important de tenir compte des attentes légitimes de revalorisation des salariés, il est aussi de notre responsabilité collective de préserver la pérennité de l'emploi dans le secteur. Pour les frais de déplacement, TLF sera signataire de l’accord de revalorisation à +5%, qui a, lui, recueilli l’avis favorable de la majorité de nos adhérents.

Vos adhérents vous font-ils part d’une forte baisse d’activité ?

Nous avons beaucoup de remontées de nos adhérents en ce sens. Dans le transport routier de marchandises, selon le Service des données et études statistiques (SDES), l'activité s'est repliée de 6,4% au 2e trimestre 2023 par rapport au trimestre précédent, et de 5% d'une année sur l'autre. Le volume de fret routier est désormais sous le niveau d'avant crise Covid et le nombre de défaillances d'entreprises augmente significativement, de plus de 20% depuis un an. Sur le 2e trimestre, plus de 3000 salariés du secteur ont été concernés par ces défaillances. Parallèlement le secteur perd des effectifs, avec moins 4500 postes au 2e trimestre 2023, et les anticipations de la demande mesurées par l'Insee ne prévoient pas une amélioration de la situation dans les prochains mois.

Des sujets concernant l’amélioration des conditions de travail des salariés sont en cours depuis quelques mois dans le but de travailler l’attractivité du secteur. Comment se positionne TLF sur ces questions ?

La question de l'attractivité du secteur est une question importante et nous y travaillons avec l'ensemble des acteurs de la branche. Il y a des sujets sur lesquels nous avons fait des propositions, par exemple sur les conditions d'accueil sur les aires d'autoroute. En revanche, nous ne sommes pas favorables au principe d'interdiction générale du chargement -déchargement par les conducteurs. Le contrat-type, tel qu'il existe aujourd'hui, nous permet de répondre à la diversité des situations. En revanche, une interdiction générale par la loi risque de générer un grand nombre de situations inopérantes et une liste de dérogations ne suffirait pas à résoudre l’ensemble. Sur la gestion de palettes, nous nous sommes associés à la démarche portée par la Chaîne logistique du froid, de manière à pouvoir mieux encadrer et clarifier les conditions autour des palettes, tout en gardant la volonté de maintenir la liberté contractuelle. Le contrat-type nous semble être le meilleur moyen de répondre à la diversité des situations là encore.

La modernisation du congé de fin d'activité (CFA) doit encore être discutée. Où ce dossier en est-il ?

Nous attendons la nomination de la personne mandatée par le ministre pour animer cette deuxième partie de négociation. Nous commençons à y réfléchir au sein de l'union de TLF, et en lien avec les autres organisations, de manière à voir dans quelle mesure nous pourrions amender le dispositif du congé de fin d’activité. Des aménagements peuvent être trouvés autour du CFA qui peuvent être intéressants à la fois pour les salariés et pour les entreprises, par exemple sur la souplesse qui pourrait être donnée dans une forme de cumul emploi et CFA. Ainsi, une personne qui activerait son CFA pourrait revenir travailler pour des périodes à définir, dans des conditions à définir. C’est une piste qui nécessite évidemment un dialogue social pour s'assurer que toutes les parties sont favorables.

TLF avait rendu un rapport au gouvernement sur les ZFE le 10 juillet. Quelle est la prochaine étape ?

Ce rapport contenait deux demandes qui étaient d’une part d'harmoniser au maximum les modalités de déploiement des ZFE dans les métropoles et, d’autre part, de s'assurer que jusqu'à au moins 2030 les véhicules Crit’Air 2 pouvaient circuler sur le territoire français compte tenu de l'état actuel des solutions qui existent. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu avait alors annoncé un comité ministériel à venir en automne pour répondre à ces propositions. Il fallait au préalable que Barbara Pompili remette son rapport – ce qu’elle a fait la semaine dernière-, et que les discussions du PLF soient bien avancées, ce qui est le cas. Ce comité devrait donc avoir lieu. C'est à cette occasion que nous saurons dans quelle mesure le Gouvernement reprend ces propositions. Mais, quelle que soit l’issue, nous continuerons à travailler dans le sens d'une harmonisation, notamment avec France urbaine qui est le représentant des métropoles.

Quel est l’objectif de la liste de propositions émises par TLF concernant le bonus-malus sur les contrats courts ?

Depuis l'origine, l'Union TLF dénonce le bonus-malus. Bien sûr, nous partageons la nécessité de lutter contre les recours abusifs aux contrats courts mais le dispositif, tel qu'il a été conçu, ne permet pas de répondre à cet objectif et est même contre-productif. Il est également discriminatoire pour les sept secteurs concernés, dont le transport et l'entreposage. Nous avons donc saisi l’occasion de la concertation sur l’assurance-chômage qui s'est ouverte pour porter des propositions. Dans la mesure où le gouvernement prévoyait le maintien du dispositif, nous entendons l'amender radicalement pour limiter ses effets préjudiciables pour nos entreprises. Nous portons donc cinq propositions auprès des organisations interprofessionnelles afin qu'elles soient reprises dans la concertation assurance-chômage. Il y a un certain nombre de sujets sur lesquels il nous semble qu’un consensus peut être trouvé, notamment sur la modification des périmètres des secteurs concernés et sur la nature des contrats concernés. Nous souhaitons maintenant que la concertation assurance-chômage reprenne ces propositions de manière à pouvoir à minima limiter les préjudices causés par ce dispositif. L’une des grosses difficultés du dispositif est que l’on compare le taux de séparation de l'entreprise au taux de séparation médian d'un secteur. Or le secteur est extrêmement large. Il regroupe aussi bien le transport routier de marchandises et l’entreposage, que par exemple le transport scolaire mais aussi le transport par fusée spatiale ou par oléoduc… Par nature, certains segments sont saisonniers, par exemple le déménagement. Les gens déménagent l'été. Des entreprises sont donc quasiment condamnées à payer un malus quelles que soient les améliorations qu'elles pourraient amener sur leur politique RH.

TLF sera à Solutrans. Quel est le programme de la fédération sur ce salon ?

Il était important que nous soyons à Solutrans qui est un événement incontournable du secteur. TLF interviendra sur un certain nombre de conférences, sur différents thèmes que nous travaillons quotidiennement au sein de nos groupes de travail. Nous aurons aussi bien sûr un stand avec des animations. Nous dévoilerons par ailleurs un guide qui a vocation à aider les transporteurs et logisticiens à installer des systèmes IRVE (infrastructures de recharge pour les véhicules électriques) sur leur site. Ce sujet pose beaucoup de beaucoup de questions en termes d’aspects opérationnels mais aussi d'assurances, de réglementations.

L’Union TLF plaide pour un mix énergétique. Comment TLF accompagne-t-elle ses adhérents ?

La position de l'Union TLF reste inchangée depuis toujours : il faut pouvoir préserver un mix énergétique. Nous souhaitons que la France, y compris dans les débats européens, défende cette logique compte tenu des incertitudes que l'on connaît sur les différentes énergies, avec des solutions qui ne sont pas encore assez matures, notamment sur le transport longue distance. Il faut que les transporteurs puissent s’adapter en fonction de leur activité, de leur localisation, de la typologie de leurs clients… Ce mix énergétique n'empêche pas d'être dans une logique de planification, notamment en ce qui concerne les infrastructures et les réseaux d'avitaillement. Nous essayons aussi d'outiller nos adhérents de manière très opérationnelle, c’est d’ailleurs l’objectif du guide IRVE qui sera présenté à Solutrans. Les entreprises doivent pouvoir décider elles-mêmes de la stratégie la plus décarbonée possible qui leur conviendra.

2024 ne sera pas concerné par la réduction du remboursement partiel de TICPE, mais la fin de cette ristourne reste prévue pour 2030…

Ce qui est important pour nous, c'est de rappeler que nous devons défendre la compétitivité du secteur qui s'inscrit dans un cadre européen. La France est déjà le 4e pays le plus taxé d'Europe sur le carburant et, si on supprime le tarif réduit, elle sera le pays le plus taxé. On ne peut pas laisser notre secteur face à une telle concurrence étrangère et avoir une telle inégalité. C’est le combat qu'on a porté en 2023 et que nous continuerons de porter. Cela n’empêche pas de travailler avec les pouvoirs publics sur la transition écologique au sens large. Mais il faut absolument qu’elle se fasse dans un climat où la compétitivité de nos entreprises reste préservée.

 

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