Plusieurs raisons peuvent inciter un entrepreneur à céder son affaire. « Mais le motif des cessions a changé », observe Pascal Welz, gérant d’Eurêka Consulting, un cabinet « full services » référent dans le TRM, qui a accompagné 23 opérations de cessions en 2023. Si, aujourd’hui, la fin de carrière reste la cause la plus prévisible d’une cession entreprise, elle ne représente que « 50 % des cessions », contre « 75 % il y a encore deux ans ». En revanche, la part des entreprises cédées suite à des difficultés économiques est passée « de 20 % à 40 % ». « Nous voyons de plus en plus de dirigeants d’une quarantaine d’années qui vendent leurs entreprises. » D’après Pascal Welz, 2023 a été une année « exceptionnelle » en matière de cessions. 2024 pourrait suivre la même trajectoire. « Nous sommes partis sur les chapeaux de roues ! » lâche-t-il. Selon lui, sept cessions étaient d’ores et déjà prévues sur les quatre premiers mois de l’année.
La transmission d’entreprise est un projet complexe qui ne s’improvise pas. Cette opération requiert en effet du temps et de la réflexion. Plus tôt les chefs d’entreprise commencent à envisager leur succession, plus ils auront de chances de trouver le « bon » repreneur, assurer une transition en douceur et garantir la pérennité de l’entreprise. Pour Stéphane Foucher, conseiller création/transmission à la CCI Nantes Saint-Nazaire, le maître-mot pour la réussite de la transmission, c’est « l’anticipation », car « le processus est long ». Il faut compter en moyenne douze à dix-huit mois pour boucler une transaction.
Ne pas préparer la cession de son entreprise est donc une grosse erreur pour Pascal Welz. D’après lui, « il faut s’assurer au moins un an avant la cession de la mise en place d’une continuité de direction dans l’organigramme fonctionnel après le départ du cédant ». Gare donc à ne pas être « un dirigeant omniprésent qui prend toutes les décisions ».
La cession d’entreprise demande donc du temps, alors qu’en même temps, il faut maintenir le cap dans l’entreprise, voire limiter et gérer les perturbations probables. Mieux vaut donc se faire accompagner par un intermédiaire professionnel (experts-comptables, avocats spécialisés en droit des affaires, conseillers en transmission d’entreprise, cabinet spécialisé en cession d’entreprise) pour bien structurer sa démarche.
Parmi ces organismes figure le CRA, une association ayant vocation à faciliter la transmission des TPE/PME. Laquelle constate que les cédants ne sont pas toujours bien préparés. C’est pourquoi elle a étendu, courant 2023, son programme à ce public. « Il s’agit d’être bien armé et bien préparé », indique son président Frédéric Vincent. Au programme : une journée de préparation avec différents experts (avocat fiscaliste, expert-comptable, expert patrimonial…).
Pour aider les chefs d’entreprise à prendre le grand virage qu’est la cession, la CCI de Nantes anime de son côté, en collaboration avec la chambre des métiers, des réunions de sensibilisation ayant pour vocation de capter les dirigeants en amont de leurs démarches. L’idée de ces demi-journées consiste à « leur donner la marche à suivre et les inciter à se poser les bonnes questions », poursuit Stéphane Foucher. Il ajoute : « Nous apportons aussi des réponses très pratico-pratiques : comment valoriser son entreprise ? Comment trouver un repreneur ? Quel est l’état du marché ? » À noter, les prochaines réunions auront lieu les 11 avril, 6 juin et 21 novembre.
L’accompagnement du cédant, c’est aussi la mission du cabinet Eurêka Consulting. « Il y a une dimension psychologique. Nous questionnons le dirigeant sur ses motivations à la cession pour être certain d’avoir affaire à un vrai vendeur, parce qu’il y a beaucoup de faux vendeurs, des patrons de sociétés qui veulent juste une valorisation gratuite ou qui veulent tester le marché », indique Pascal Welz, avant d’ajouter : « Ce projet doit être une décision de couple, un projet mûrement réfléchi, même si le (la) conjoint(e) ne travaille pas dans l’entreprise. » Il doit aussi être validé par les enfants. « Il faut vérifier qu’il n’y a pas de velléité cachée. » Une fois cette étape psychologique passée, le cabinet réalise ensuite une évaluation d’entreprise, puis passe au dossier de présentation de l’entreprise, aussi appelé « mémorandum d’information », qui a pour objectif de présenter l’entreprise de manière attractive pour les repreneurs : taille, parc, trafic, effectif… Dernière étape : la communication ciblée.
Le succès de la vente d’une entreprise repose fortement sur le choix du bon repreneur. Il faut donc le chercher au bon endroit. Il existe plusieurs moyens de le trouver. Il y a notamment les organismes spécialisés, comme les chambres de commerce. Afin de faire se rencontrer l’offre et la demande, la CCI de Nantes Saint-Nazaire propose d’ailleurs la Matinale de la transmission. D’après le calendrier prévisionnel, la prochaine édition devrait avoir lieu le 15 octobre à Nantes avec des témoignages de dirigeants cédants et des rencontres avec des repreneurs potentiels. Cet organisme rend aussi visible les candidats à la reprise grâce au Label repreneur, qui est un dispositif « assez unique en France ». Objectifs : « sourcer les bons profils et faciliter le rapprochement entre repreneurs et cédants. »
Il y a également les réseaux de mise en relation entre cédants et repreneurs, comme le CRA, dont la communauté se compose de 1 300 repreneurs adhérents et 600 cédants.
Il faut aussi choisir le bon timing pour augmenter ses chances de trouver rapidement le bon acquéreur. D’après Frédéric Vincent, au CRA, le choix du moment de la vente joue en effet un rôle déterminant dans sa réussite. « Une entreprise qui affiche encore de bons résultats va attirer les repreneurs. Au contraire, si elle connaît une période de déclin, elle risque de se vendre à très bas prix. » La confidentialité va également être extrêmement importante lors de la cession de l’entreprise. Car l’information de la mise en vente peut être utilisée à mauvais escient par des tiers, considérant que cela met l’entreprise en situation de faiblesse. « La discrétion est nécessaire lors d’une transmission. Il s’agit de ne pas effrayer les clients, les fournisseurs ou encore les salariés. Toutefois, il va bien falloir exprimer aux potentiels candidats au rachat qu’une opportunité se présente. Au cas par cas, il faut donc adapter la stratégie de communication pour toucher les repreneurs », préconise le conseiller création/transmission à la CCI Nantes Saint-Nazaire.
À noter qu’il existe une obligation d’informer les salariés dans certaines entreprises (de moins de 50 salariés ou dans celles de plus de 50 salariés sans CSE), au plus tard deux mois avant la vente, au titre de la loi Hamon. Pourtant, « dans les petites entreprises, les salariés sont souvent informés au dernier moment », souligne Frédéric Vincent au CRA.
Quitte à céder son entreprise, un cédant vise souvent à optimiser la valeur de cession du fait du temps consacré à celle-ci et de l’affectif qu’il a investi. « Dire “mon entreprise a du potentiel, je vais donc la vendre plus cher” n’est pas tout à fait vrai. La valeur d’une entreprise est calculée sur l’historique. Une première méthode consiste à valoriser l’entreprise en s’appuyant sur la rentabilité qu’elle génère. Une seconde consiste à calculer la valeur du patrimoine de l’entreprise. Il y a ensuite l’évaluation par comparaison. Cette méthode consiste à valoriser l’entreprise en observant les prix de cession pratiqués sur les ventes d’entreprises du même secteur d’activité et situées aux alentours », détaille Stéphane Foucher.
Enfin, anticiper pour préparer son entreprise, c’est aussi bien préparer en amont l’après-cession. Une étape importante qui est parfois sous-estimée. Certaines précautions sont donc à prendre dès la prise de décision de cession. Pour gérer au mieux la phase délicate qui succède à la vente de son entreprise, le cédant peut, par exemple, envisager une période d’accompagnement qui va faciliter le passage de témoin. Cette phase de transition, habituellement entre un et trois mois, est cruciale selon Pascal Welz, dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés. Encore faut-il bien cadrer cet accompagnement en amont de la vente. Il appartient au dirigeant vendeur et au repreneur de définir clairement les rôles et les responsabilités de chacun. Autre étape à ne pas négliger : construire l’après-cession. Que faire après ? C’est une question qu’il faut se poser, d’après le gérant du cabinet Eurêka Consulting. « Par exemple, l’un de nos clients a annulé le mandat de vente, car il a pris conscience qu’il n’avait quasiment que des amis professionnels. » Il s’est dit : « Si je vends, je n’existe plus. »