Pendant longtemps, les données de l’informatique embarquée (IE) à bord des camions étaient réservées aux seuls dirigeants et exploitants pour géolocaliser et suivre des véhicules, planifier des révisions ou des interventions de maintenance préventive, suivre les temps de service et la consommation de gazole. Et ce, grâce à la présence de boîtiers télématiques qui collectent des données provenant de capteurs et tachygraphe transitant sur CAN Bus. Le principe est simple. Les datas remontent par liaison radio jusqu’à un portail de gestion dédié. Lequel peut s’interfacer avec d’autres solutions télématiques afin d’offrir aux donneurs d’ordre un suivi en temps réel de la position de leur marchandise et une estimation de l’heure d’arrivée (ETA). Depuis quelques années, certaines informations collectées par les boîtiers embarqués sont aussi accessibles aux conducteurs. En témoignent les applications MAN Driver, proposées depuis quatre ans par le constructeur allemand MAN Truck & Bus, qui restituent en temps réel leurs données comportementales. « Le partage des données aide à impliquer et à responsabiliser les conducteurs », fait valoir Gaëtan Pierson, responsable business solutions chez MAN. Les données des apps proviennent de la Rio Box, le boîtier embarqué à bord de leur véhicule. Les utilisateurs ont aussi accès à leurs temps de conduite pour éviter les dépassements. Depuis 2023, l’application s’enrichit d’une nouvelle fonctionnalité qui facilite la compréhension du véhicule. Par exemple, si un voyant s’allume, il suffit au conducteur de le prendre en photo pour que l’application lui délivre une explication. Idem s’il veut connaître l’usage de tel ou tel bouton. De quoi faciliter la prise en main d’un nouveau véhicule.
Cette évolution de l’IE marque aussi le recul de l’écran fixe de l’ordinateur embarqué au profit des tablettes et Smartphones connectés au boîtier télématique. Arrivés sur le marché il y a une dizaine d’années, ces terminaux nomades ont contribué à digitaliser les missions du transport routier de marchandises (TRM). À charge pour le conducteur de prendre des photos d’un colis abîmé, de scanner les codes-barres ou les bons de transport signés à réception et de remonter ces preuves de livraison à l’exploitation, qui pourra les partager avec les clients concernés. Une chose est sûre : ces nouvelles pratiques accélèrent la digitalisation des entreprises du TRM. Un phénomène qui s’accentue encore davantage avec l’interfaçage de l’IE avec des solutions de TMS (Transport Management System, logiciel de gestion du transport). Comme l’illustre notamment le Français Eliot, dont la tablette Eliot 715 D est conçue pour s’interfacer avec plusieurs TMS du marché. En l’occurrence, il s’agit de Cofisoft, Item, GPI et OMP, toutes filiales du groupe Sinari, auquel Eliot appartient également. Connectés à l’UC400, le boîtier télématique est embarqué dans le véhicule et la tablette sous Android dispose d’un écran sept pouces et de plusieurs fonctions, comme le contrôle dynamique du respect de la réglementation routière grâce à l’appli de navigation poids lourds et matières dangereuses délivrée par le logiciel Benav 3.0. « Pendant le trajet, l’appli Benav 3.0 vérifie que le conducteur respecte bien le Code de la route et qu’il adopte un bon comportement au volant », indique Gilles Kitchiguine, directeur général adjoint au sein du groupe Sinari. Parmi les autres fonctionnalités, citons la solution collaborative RH Espace Salarié déployée depuis l’an dernier. Dédiée au conducteur, celle-ci lui sert à poser ses demandes de congés payés, connaître ses soldes de congés, effectuer ses demandes d’absence en ligne et consulter la réponse de son employeur. « Bientôt, nous présenterons sur le Salon SITL le coffre-fort numérique Distriloc dans lequel le conducteur pourra stocker, entre autres, ses rapports d’écoconduite », indique Gilles Kitchiguine, qui propose aussi une solution eCMR pour dématérialiser la lettre de voiture électronique. Comme cette dernière contient déjà les données du TMS, les conducteurs n’ont pas à la remplir. Une fois le document électronique signé par le destinataire, il est horodaté puis transmis dans la foulée à l’exploitant qui peut alors lancer le processus de facturation. L’eCMR utilisé par Eliot provient de l’éditeur Transfollow. Mais il existe sur le marché d’autres solutions délivrées notamment par S2PWeb, Transporeon ou Dashdoc.
Autre grand nom de l’IE, Trimble a également sauté le pas de l’eCMR en travaillant avec des éditeurs tels que Transfollow, Pionira et Dashdoc. Leurs solutions sont disponibles en option sur sa tablette FleetXPS. Cette dernière peut être enrichie avec des applications disponibles sur le Google Play Store et sa propre plateforme de téléchargement, le TrimbleTL Store, lancée en 2019. Citons, entre autres, l’appli cation ContiConnect Driver, mise au point par le fabricant de pneus Continental. « Cette application sert à mesurer la pression et la température des pneus et alerter le conducteur en cas de problème », explique Fabien Dusserre, directeur France chez Trimble. En plus de ses ordinateurs de bord, ce dernier propose des Smartphones ainsi que des tablettes durcies avec écran de huit pouces. « Ces terminaux se sont affinés au fil des années et sont trois fois plus légers que les premières générations apparues il y a huit ans », souligne Fabien Dusserre. Cette année, ce dernier présente une nouvelle caméra embarquant des algorithmes d’intelligence artificielle. Couplée ou non avec le boîtier télématique embarqué, elle est conçue pour détecter en temps réel des comportements anormaux. Notamment lorsque le conducteur roule trop près du véhicule qui le précède. La caméra peut aussi lui signaler la présence d’un piéton ou d’un objet sur la route. Ou encore détecter un choc avec un autre véhicule.
Dans ces cas, des images seront automatiquement prises et remontées sur le portail de Trimble où elles seront mises à disposition de l’entreprise concernée. Si la caméra est couplée avec le boîtier télématique du véhicule, les images seront croisées avec d’autres données pour déterminer notamment la vitesse de circulation du camion, à quel moment le conducteur a relâché la pédale de frein… L’enjeu étant, en cas d’accident, d’apporter aux assureurs la preuve visuelle que le conducteur n’était pas en faute. De quoi réduire les risques assurantiels.