RTE-T : un accord des institutions européennes qui met l’accent sur l’intermodalité

Les institutions européennes ont trouvé un accord dans le cadre d’un trilogue sur les orientations actualisées du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Karima Delli, députée européenne et présidente de la Commission transport du Parlement européen, salue l'accord et annonce que les ports de Brest et de Sète intégreront notamment le réseau central des RTE-T.

Crédit photo UE
Les institutions européennes ont trouvé un accord dans le cadre d’un trilogue sur les orientations actualisées du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Outre l’affirmation de la volonté de mener à bien les projets d’infrastructure à trois échelles de temps (2030, 2040, 2050) selon le réseau « central », « central étendu » ou « global », le transport intermodal effectué par le rail, la navigation intérieure ou le transport maritime à courte distance est mis en avant.

La satisfaction est de mise au sein des institutions européennes devant l’accord trouvé par les députés du Parlement (PE), des membres du Conseil et de la Commission sur la révision du réseau-transeuropéen de transport (RTE-T), à l’issue d’une cinquième réunion du « trilogue » dans la nuit du 18 au 19 décembre 2023.

Les institutions de l’Union européenne se sont ainsi entendues sur les orientations actualisées de cet élément central de la politique européenne des transports, constituant un programme de développement des infrastructures de ce secteur et visant à faciliter la connexion entre les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux ainsi que les ports et les aéroports des Etats membres.

Pour le co-rapporteur Dominique Riquet (Renew, FR) : « Cet accord est un grand pas en avant au regard des objectifs que nous nous sommes fixés. En effet, avec ce nouveau cadre pour le réseau transeuropéen de transport, nous créons les conditions du report vers des modes de transport plus vertueux sur le plan écologique, tout en encourageant la mobilité des Européens et la compétitivité de notre économie ».

Pour Adina Vălean, commissaire aux transports : « Il s’agit d’un accord historique pour l’UE. L’Europe a besoin d’un réseau de transport qui réponde aux préoccupations de nos citoyens et de nos entreprises en matière de mobilité, à la fois durables et résilientes, et qui crée un pont avec nos voisins, en particulier l’Ukraine, la Moldavie et les Balkans occidentaux. Nous nous réjouissons désormais des moyens nécessaires pour achever ce réseau ».

Un peu d’histoire. L’objectif principal du RTE-T est de lever les « goulets d’étranglement » qui freinent les connexions entre les réseaux de transports d’un ou de plusieurs Etats-membres. Le RTE-T s’inscrit aussi en lien avec le bon fonctionnement du marché interne de l’UE en développant les infrastructures de transport afin d’assurer son bon fonctionnement et en garantissant une meilleure accessibilité des citoyens et des entreprises à l’ensemble de l’Europe. Cet aspect explique qu’une base juridique spécifique relative aux réseaux transeuropéens est inscrite dans le traité de Maastricht de 1992. Lors d’un Conseil européen en 1994, une liste de 14 projets majeurs à réaliser est adoptée, rappelle Touteleurope.eu, premier site francophone d’information pédagogique sur l’Union européenne.

Les années suivantes sont celles de la concrétisation du réglement RTE-T puis de ces révisions : 

  • En 1996, le Parlement européen et le Conseil adoptent les premières orientations définissant la politique du RTE-T ainsi que les projets d’intérêt commun éligibles et prioritaires.
  • En 2004, ces orientations sont revues afin de tenir compte de l’élargissement de l’UE, des modifications des flux de circulation escomptées, ainsi que de nombreux retards. La liste des projets prioritaires est portée à 30 et tous sont appelés à respecter la législation européenne dans le domaine de l’environnement.
  • En 2013, une nouvelle révision est adoptée avec l’objectif de « transformer l’actuelle mosaïque de routes, voies ferrées, aéroports et canaux en un réseau de transport unifié intégrant l’ensemble des Etats membres ».

C’est à ce moment-là que se mettent en place :

  • un premier niveau du RTE-T dit « réseau central » de transport d’ici à 2030, formant la charpente des transports au sein du marché unique.
  • un deuxième niveau, dit « réseau global » assurant les connexions vers toutes les régions de l’UE et qui doit venir compléter le RTE-T « central », à l’horizon 2050.

Selon le règlement 1315/2013, l’ensemble vise à promouvoir « l’accessibilité et la connectivité de toutes les régions de l’Union » et « la garantie de normes de sûreté, de sécurité et de grande qualité ».

La révision de 2013 identifie également neuf « corridors » principaux : Atlantique, Baltique-Adriatique, Méditerranée, mer du Nord-Baltique, mer du Nord-Méditerranée, Orient-Méditerranée Est, Rhin-Alpes, Rhin – Danube, Scandinavie – Méditerranée.

Une nouvelle révision lancée en 2021. C’est la présidente de la Commission européenne, dans le cadre du plan d’action pour la mise en oeuvre du Pacte vert (ou Green Deal qui est la stratégie de croissance à long terme de l’UE visant à rendre les activités neutre pour le climat d'ici à 2050), qui a proposé de réexaminer le règlement RTE-T au cours de l’année 2021.

En amont de cette révision des lignes directrices, le Parlement européen a adopté le 20 janvier 2021 une résolution pour suggérer des modifications. Les eurodéputés ont notamment insisté sur le besoin de poursuivre les investissements dans les infrastructures mais également de renforcer les modes de gouvernance.

Aperçu du contenu de l’accord. A l’issue du trilogue, le e PE et le Conseil se sont mis d’accord pour réaffirmer l’engagement de l’UE à mener à bien :

  • d’ici à la fin de l’année 2030, d’importants projets d’infrastructures de transport sur le réseau central du RTE-T,
  • et d’ici à la fin de l’année 2050 sur le réseau global permettant de remédier aux goulets d’étranglement et aux liaisons de transport manquantes.
  • une échéance intermédiaire fixée à 2040 a été convenue afin d'accélérer la mise en œuvre des projets sur un réseau dit « central étendu ».

« Les orientations adoptées constituent le projet de l’UE visant à construire un réseau de voies ferrées, de routes, de voies navigables intérieures et de voies de transport maritime à courte distance reliées par des ports et des terminaux à travers l’Union européenne », commente la Commission européenne.

Transport intermodal. Les députés européens ont obtenu lors du trilogue que soit davantage mis l'accent sur le transport intermodal « effectué principalement par chemins de fer, voies navigables intérieures ou par transport maritime à courte distance ».

Concernant plus particulièrement le transport de marchandises, le rail est particulièrement cité dans ce qui est pour le moment communiqué du contenu de l’accord : 

  • « Renforcer par des chemins de fer électrifiés le réseau central RTE-T, circulant à des vitesses de 100 km/h pour le fret ferroviaire, et traversant les frontières intérieures de l'UE en moins de 25 minutes en moyenne, d'ici à la fin de l'année 2030. En outre, les chemins de fer de l’UE devront se conformer à l'écartement nominal standard européen (1435 mm) et, d'ici à la fin de l’année 2040, adopter un système unique de gestion du trafic (ERTMS) ». (NDLR : à noter que l'ERTMS était déjà cité comme un élément central du précédent RTE-T).
  • « Pour les terminaux de transbordement : leur nombre doit évoluer en fonction des flux de trafic actuels et attendus et des besoins du secteur. De même, la capacité de manutention dans les terminaux de fret doit être améliorée. Cela, tout en permettant la circulation de trains de 740 m sur le réseau, contribuera à déplacer davantage de marchandises vers des modes de transport plus durables et donnera une impulsion au secteur européen du transport combiné (l'utilisation de combinaisons telles que rail-route pour déplacer le fret) ».
  • « Les grands aéroports, qui accueillent plus de 12 millions de passagers par an, devront être reliés par le rail longue distance, ce qui constitue une étape importante vers l'amélioration de la connectivité et de l'accessibilité pour les passagers et le renforcement de la compétitivité du rail par rapport aux vols intérieurs ».
  • Une mesure peut favoriser la logistique urbaine fluviale : « Les 430 grandes villes situées le long du réseau RTE-T devront élaborer des plans de mobilité urbaine durable afinde promouvoir une mobilité à émissions nulles et faibles ».
  • Comme lors du précédent RTE-T, le transport maritime à courte distance est valorisé : « L'espace maritime européen vise à intégrer l'espace maritime à d'autres modes de transport de manière efficace, viable et durable. À cette fin, les routes maritimes à courte distance seront modernisées et de nouvelles routes seront créées, tandis que les ports maritimes seront encore développés ainsi que leurs connexions avec l'arrière-pays ».

Sur les points ci-dessus, le RTE-T « fixera des objectifs contraignants ».

Multiplier les actes d’exécution. Les institutions européennes ont également convenu la mise en œuvre d’« une meilleure gouvernance » qui doit se traduire par des « actes d’exécution » (comme celui mis en place pour la liaison fluviale européenne à grand gabarit Seine-Escaut en 2019). Ces actes d’exécution devraient concerner « les principaux tronçons transfrontaliers et d'autres tronçons nationaux spécifiques le long des neuf corridors de transport européens ».

L’objectif de ces actes est « de garantir l'achèvement en temps utile du réseau (d'ici à 2030 pour le réseau central, 2040 pour le réseau central étendu et 2050) pour le réseau global ».

Et l’argent. Pour les institutions européennes, cette nouvelle gouvernance « conjuguée à une plus grande harmonisation entre les plans nationaux de transport et d'investissement et les objectifs du RTE-T garantira la cohérence lors de la fixation des priorités en matière d'infrastructures et d'investissements » (voir encadré plus bas).

Mobilité militaire. Il faut encore noter que la révision du RTE-T comporte un volet sur la « mobilité militaire ». « Afin d’assurer le transfert de troupes et d’équipements militaires, les députés ont convaincu les gouvernements de l’UE de tenir compte des besoins spécifiques (poids ou taille du transport militaire) lors de la construction ou de la modernisation d’infrastructures qui chevauchent le réseau de transport militaire. Dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles, la Commission devra mener une étude sur les mouvements à grande échelle à court terme dans l’UE, afin de faciliter la planification de la mobilité militaire ».

Partenariat avec des pays tiers. Le texte adopté réduit également les projets d’infrastructures de transport avec la Russie et le Bélarus et renforce les liaisons de transport avec l’Ukraine et la Moldavie.

Prochaines étapes. L'accord politique conclu dans la nuit du 18 au 19 décembre 2023 doit maintenant être adopté formellement. Une fois ce processus achevé par le Parlement européen et le Conseil, les nouvelles règles seront publiées au Journal officiel de l'Union européenne et entreront en vigueur 20 jours plus tard.

Il est annoncé que le lancement du nouveau RTE-T et de ses neuf nouveaux corridors de transport européens pourrait l’un des thèmes clé des Journées de l’interconnexion en Europe, programmées à Bruxelles du 2 au 5 avril 2024.

Ports de Brest et de Sète. La députée européenne, également présidente de la Commission Transport et du Tourisme du PE, Karima Delli a réagi à l’accord trouvé en trilogue : « Je salue vivement le compromis obtenu qui fixe les orientations nouvelles de nos infrastructures européennes vers des modes de transport plus durables et le renforcement de la connectivité, partout sur le continent. La prochaine étape pour le Parlement sera l’adoption du texte en plénière.

Les axes stratégiques de l’accord visent la création d’un réseau de voies ferrées, de routes, de voies navigables intérieures et de voies de transport maritime à courte distance reliées par des ports et des terminaux à travers l’Union européenne. L’accord obtenu favorise la multimodalité et impulse une nouvelle manière de se déplacer en Europe. Il promeut un réseau ferré continu d’au moins 160km/h, des connexions nouvelles seront permises entre les aéroports de plus de 12 millions de passagers, entre les ports et le réseau ferroviaire européen pour booster le fret : en France, les ports de Brest et de Sète intégreront notamment le réseau central des RTE-T ».

 

RTE-T et financement des projets d’infrastructures

Une importante part des investissements est issue des budgets nationaux, rappelle le site Touteleurope.

Toutefois, l’UE contribue également au financement de ces infrastructures par le biais de différents fonds. Ces derniers sont souvent utilisés sous la forme d’instruments financiers (prêts, garanties de prêts, etc.), activant un « effet de levier » . La Commission européenne prévoit que chaque euro dépensé au niveau européen en génère cinq de la part des pouvoirs publics nationaux et 20 de la part du secteur privé.

Le financement de la politique européenne des transports passe par quatre programmes différents :

  • Le Mécanisme d’interconnexion en Europe (MIE ou CEF) est dédié aux secteurs du numérique, de l’énergie et du transport. Ce dernier volet disposait de 24,05 milliards d’euros pour la période 2014-2020, dont près de la moitié du fonds était allouée via le Fonds de cohésion. Des montants avoisinants ont été mis en place pour la période 2021 à 2027.
  • Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (ou « plan Juncker ») remplacé pour la période 2021-2027 par le programme InvestEU, rassemblant les différents instruments financiers de l’UE.
  • Le programme Horizon 2020 pour la recherche et l’innovation, dont 6,3 milliards d’euros sont destinés aux technologies innovantes et respectueuses de l’environnement dans le domaine des transports. Ce dernier a changé de nom pour celui d’Horizon Europe.
  • Les fonds structurels et principalement le Fonds de cohésion dont bénéficient les Etats membres dont le revenu national brut (RNB) est inférieur à 90% de la moyenne européenne.
  • Le Fonds européen de développement régional (FEDER) permet également de financer certains projets dans le domaine des infrastructures de transport.

 

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